Il a vraiment le don de faire jaser, cet édifice. Lorsque le projet a été dévoilé, il y a un peu plus d'un an, l'idée d'un stationnement de 200 places a été copieusement huée. Et voilà que sa façade est maintenant recouverte d'acier tout rouillé! Les badauds en sont tout ébaubis.

Il a vraiment le don de faire jaser, cet édifice. Lorsque le projet a été dévoilé, il y a un peu plus d'un an, l'idée d'un stationnement de 200 places a été copieusement huée. Et voilà que sa façade est maintenant recouverte d'acier tout rouillé! Les badauds en sont tout ébaubis.

Mais cet édifice ne sert pas que de stationnement aux gens qui travaillent chez CDTI, en face. Du côté ouest, il abrite 36 appartements, quatre ateliers d'artistes et deux locaux commerciaux. À ce jour, 28 sont déjà loués.

Le toit végétal d'orge et d'avoine est inusité et beau. Il procure en outre de la durabilité à la membrane élastomère, il rafraîchit l'immeuble, et ses huit pouces de terre humide absorbent l'eau de pluie.

Le musicien-compositeur Michel Boudrias et sa conjointe, l'artiste peintre Em Hunter, occupent un quatre et demi à l'étage supérieur, d'où ils voient les Laurentides, le Clocher penché et la tour de la Fabrique. «Cette tour-là m'absorbe», confie la jeune femme de 26 ans. Le couple a choisi de peindre les murs de couleurs toniques: le salon est rouge et orangé, la cuisine et la chambre, vert lime, et la salle de bains, bleue, comme les cheveux de l'artiste.

La moitié des appartements bénéficient de balcons qui donnent sur la falaise. C'est très déroutant de s'y trouver et de n'entendre que le bruissement des feuilles et le pépiement des oiseaux. Le trafic et les marteaux-piqueurs n'existent plus. Florent Cousineau jure que l'hiver, quand les arbres sont dénudés, le soleil entre à pleine fenêtre dans les appartements adossés au roc.

Toit végétal

Il se plaît à parler «d'archi-nature» quand il raconte l'histoire de cet édifice pensé par un artiste, lui en l'occurrence, et par l'architecte Pierre Martin, du Groupe Gerpatec. Il y a le lierre, qui commence à pendre des panneaux d'acier. Il y a les graminées qui s'enracinent dans les bacs de béton étagés du bloc central. Et il y a le toit végétal d'orge et d'avoine, dont la croissance a un mois de retard. Il est inusité et beau. Mais il procure en outre de la durabilité à la membrane élastomère, il rafraîchit l'immeuble, et ses huit pouces de terre humide absorbent l'eau de pluie.

Au centre du bâtiment, une galerie ceinture une cour intérieure sur laquelle s'ouvre chacun des appartements.

Les seuls qui le voient sont les résidants de la rue Saint-Réal, en haut de l'escalier du Faubourg, et les marcheurs de la rue Sainte-Claire. Florent Cousineau leur promet «un brin de poésie» pour l'automne. Si l'herbe pousse bien, il plantera un «champ de lucioles» sur ce toit. En fait, il s'agira d'une cinquantaine de tiges métalliques, surmontées de diodes bleues et blanches qui clignoteront comme des mouches à feu dans la nuit.

À l'entendre, il y a aussi des poèmes dans les plaques d'acier intempérique qu'il a lui-même sculptées chez Rodrigue métal. Elles pèsent une tonne chacune, mais lui ne voit que leurs courbes et leur chaude couleur changeante sous l'effet de la lumière et des saisons. À ses yeux, c'est une «oeuvre vibrante», inspirée de celle signée par Charles Daudelin, devant la gare du Palais. Dans quelques années, elle sera envahie par les végétaux. Comme le parc Saint-Roch, en face.

Les meurtrières allègent l'acier, mais elles servent aussi à la circulation de l'air dans le stationnement étagé qui se cache derrière elles. Les citoyens du voisinage, en effet, ne voulaient pas d'un système de ventilation bruyant.

La beauté du béton

Florent Cousineau repère même la beauté dans le béton. Heureusement, car il y en a beaucoup. La tour centrale, entre le stationnement et les appartements, en est recouverte. Il a peint le béton des cages d'escalier en rouge. Et sur les murs des corridors, il a imprimé des milliers de cercles, pour faire «comme des ronds dans l'eau». De haut en bas, un «mur-rideau» de fenêtres crée une percée visuelle entre la rue et la falaise, entre la ville et la forêt. Rien n'a été laissé au hasard.

Du stationnement, on arrive à la tour centrale. Puis de cette tour, on débouche aux appartements. On se retrouve alors dehors, sur une galerie qui ceinture une cour centrale et sur laquelle s'ouvre chacun des appartements. Le scénario se répète sur trois niveaux.

Tout ce béton est oppressant. Et la configuration du lieu fait penser au bloc central d'une prison. Florent Cousineau est d'accord. «Je veux vivre un hiver, pour voir la lumière et pour constater comment se fera le déneigement dans la cour», explique-t-il. L'an prochain, il intégrera des «éléments floraux» dans cet espace plein de lumière. Il y aura des arbres dans la cour, des fleurs sur les balustrades et de la vigne sur les murs.

La Falaise apprivoisée est la propriété de la Société en commandite de l'édifice Le Soleil. Le projet a coûté 9 millions $.