En mai 2005, la Ville de Montréal répondait à un souhait maintes fois répété par ses citoyens. Elle s'est dotée d'une Politique du patrimoine pour mieux préserver les beautés architecturales de la métropole. Une tâche ardue, car si tous les propriétaires s'entendent sur la beauté des corniches et des vitraux, peu sautent de joie quand vient le temps de payer pour les entretenir.

En mai 2005, la Ville de Montréal répondait à un souhait maintes fois répété par ses citoyens. Elle s'est dotée d'une Politique du patrimoine pour mieux préserver les beautés architecturales de la métropole. Une tâche ardue, car si tous les propriétaires s'entendent sur la beauté des corniches et des vitraux, peu sautent de joie quand vient le temps de payer pour les entretenir.

«Ce n'est pourtant pas nécessairement plus cher de faire des rénovations qui respectent le caractère d'un bâtiment, affirme Isabelle Dumas, chef de division au bureau du Patrimoine, de la Toponymie et de l'Expertise à la Ville de Montréal. Il est très coûteux de remplacer le toit en cuivre des bâtiments municipaux, mais quand on parle d'architecture domestique, il suffit de savoir quoi faire et comment le faire.»

N'empêche, lorsqu'un propriétaire a le choix entre une porte en acier fabriquée en série et une porte en bois sculpté qui coûte cinq fois plus cher, il peut être tenté de faire passer ses intérêts financiers avant le patrimoine. «C'est là qu'on intervient, indique Mme Dumas. En informant les citoyens sur l'histoire et l'importance de leur bâtiment, ils seront plus enclins à préserver son apparence. Et pour les pires cas, un arrondissement peut toujours exiger des travaux de meilleure qualité.»

Un secteur résidentiel en santé

Au cours de la dernière année, le bureau du Patrimoine s'est fixé une série d'objectifs. Parmi eux, améliorer la conservation des édifices religieux et industriels de la ville, «dans un état souvent pitoyable», dit Mme Dumas. Elle ajoute que le secteur résidentiel, bien qu'imparfait, est en meilleure santé et qu'une bonne campagne de sensibilisation suffit pour le moment.

«On s'attendait à davantage de la première année de la Politique du patrimoine, dit Dinu Bumbaru, directeur d'un organisme voué à la défense du patrimoine urbain. Nous sommes heureux que le conseil municipal se soit doté d'une telle structure, mais nous avons hâte de voir autre chose qu'une liste de projets.»

«On est passé de 29 à 19 arrondissements au cours des derniers mois. Pour jeter les bases d'une politique, il faut savoir avec qui on travaille», rétorque Isabelle Dumas. Dans les prochains mois, le site Internet du bureau du Patrimoine permettra aux citoyens de s'informer en ligne des initiatives de la Ville. Les propriétaires pourront aussi poser des questions et émettre des commentaires.

Les propriétaires gagnants

Depuis 1995, la Ville de Montréal et le gouvernement du Québec injectent chaque année 10 millions de dollars pour préserver le patrimoine du Vieux-Montréal et le restaurer. Au cours de la même période, la valeur foncière des bâtiments résidentiels du secteurs a bondi de 54%.

Est-ce l'effet de la hausse immobilière qui a soulevé tout le marché montréalais? Pas tout à fait, observe Gilles Morel, responsable du Vieux-Montréal pour la Société de développement de Montréal. Une étude menée pour la Ville révèle que dans tout l'arrondissement de Ville-Marie, la hausse se chiffre à 43% pour la même période.

«Les 11% de différence sont dus à l'amélioration de la qualité de vie dans le Vieux-Montréal, croit M. Morel. Non seulement le Vieux-Montréal est passé d'un peu plus de 2000 habitants à presque 4000 en 10 ans, mais les bâtiments sont beaucoup mieux entretenus. Ça se reflète sur le marché immobilier.»

Un constat qui enchante autant que désespère Yvan Drouin, fondateur de Kaléidoscope, une entreprise spécialisée dans les visites guidées de la métropole, dont plusieurs à caractère architectural. «Enlevez la valeur immobilière et financière, et les propriétaires prendront moins soin de leur bâtiment, croit-il. Nous ne sommes plus à l'ère où les résidants vont conserver leur maison à long terme. Dans un contexte où on achète pour revendre moins de cinq ans après, il faut que l'édifice garde ses attraits. C'est tant mieux pour la ville.»

Les citoyens ont-ils donc besoin qu'on les tienne par la main pour qu'ils prennent soin de leur immeuble? «Il y a beaucoup d'amélioration depuis quelques années, tempère Dinu Bumbaru. On peut se comparer sans trop de gêne à beaucoup de grandes villes dans le monde. Si on donnait toutefois davantage la chance à nos artisans de faire du bon travail, on pourrait être surpris du visage que prendrait alors Montréal.»

Le «petit plus» de Montréal

Ils sont littéralement mordus de leur ville. Ils l'aiment pour ses mansardes, ses escaliers et ses balcons fleuris. Mais qu'est-ce qui fait, selon eux, que Montréal est unique? Trois personnes impliquées dans la sauvegarde patrimoniale de la métropole se prononcent sur ce qui les fait craquer.

«Ce qui frappe d'abord, c'est la diversité architecturale. Dans plusieurs quartiers, on peut voir une variété phénoménale d'éléments architecturaux dans un petit quadrilatère. Il est aussi intéressant de constater comment la construction résidentielle s'est développée en s'inspirant des styles reconnus et en les adaptant. Comme nous sommes loin des grandes écoles d'architecture, les architectes d'ici se sont permis quelques extravagances. Les escaliers extérieurs font partie de ces variantes originales.»

- Yvan Drouin, fondateurs de Tours Kaléidoscope, une entreprise qui offre des visites guidées de la métropole, dont plusieurs uniquement sur l'architecture de la Ville.

«Plus que les maisons et les appartements, ce sont les quartiers qui donnent un visage particulier à Montréal. Partout où l'on va, les quartiers sont structurés autour d'éléments repères comme des églises, des rues commerçantes et des parcs. On ne se sent jamais dans une grande ville, mais plutôt chaque fois dans un endroit à dimension humaine. Dans chacun des quartiers aussi, il y a une uniformité architecturale.»

- Isabelle Dumas, chef de division au bureau du Patrimoine, de la Toponymie et de l'Expertise à la Ville de Montréal.

«Montréal, c'est d'abord la continuité:des bâtiments qui se ressemblent les uns aux autres et qui sont cohérents les uns avec les autres. Ensuite, il y a beaucoup plus de maçonnerie ici que dans beaucoup d'autres grandes villes. Au départ, les Montréalais se sont tournés vers la pierre et la brique pour limiter la propagation des incendies. Ça donné l'occasion à nos maçons de s'exprimer. Enfin, il est difficile de passer à côté des escaliers et des balcons. Il y a à Montréal une relation entre les bâtiments et la rue:il y a une petite partie de nous qui vit dehors.»

- Dinu Bumbaru, directeur général d'Héritage Montréal, un organisme voué à la protection du patrimoine montréalais.