«C'est une notion de qualité versus prix, répond Daniel Gagnon, secrétaire général du Conseil des aînés du Québec. Il n'y a rien de pur et de clair.»

«C'est une notion de qualité versus prix, répond Daniel Gagnon, secrétaire général du Conseil des aînés du Québec. Il n'y a rien de pur et de clair.»

En effet, le mode de fixation des prix est un grand mystère. Pauline Gervais, étudiante au doctorat en gérontologie à l'Université de Sherbrooke, a réalisé une enquête sur l'ensemble des résidences privées des MRC du Granit et de Coaticook, dans les Cantons-de-l'Est. Elle a demandé aux propriétaires comment ils déterminaient les loyers. «Ça dépendait de l'emprunt hypothécaire, de l'emplacement du logement, des matériaux utilisés... et de la capacité de payer du locataire», narre-t-elle.

Bref, c'est le brouillard. «Les coûts des unités ne semblent liés à aucune variable, poursuit la chercheure. On ne sait pas pourquoi ils varient. C'est un marché qui s'est développé très vite au cours des dix dernières années. Il y a des abus. Mais il y a aussi une très grande volonté des propriétaires de répondre aux besoins des résidants. Tout n'est pas noir dans ce milieu.»

Pour Mariette Lanthier, directrice générale de l'Association des résidences et CHSLD privés du Québec, les tarifs sont justifiés par les services et l'aménagement de la résidence. «Un loyer en résidence n'est pas nécessairement plus cher au pied carré que sur le marché, soutient-elle. Ce qui ajoute aux coûts, ce sont les services.»

Il n'existe pas de données permettant de comparer la surface des appartements. Mais si les promoteurs se ruent sur les résidences et délaissent la construction de logements traditionnels, c'est fort probablement en raison d'un meilleur espoir de rentabilité.

«C'est très lucratif et c'est en phase d'expansion», s'exclame Maurice Boucher, responsable de l'hébergement à l'Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées et préretraitées (AQDR). Depuis 2003, il s'est construit près de 9000 logements pour personnes âgés dans la seule région de Montréal.

Dans son dernier rapport sur le marché locatif du Montréal métropolitain, la SCHL relevait que la hausse importante des coûts de construction entraîne, pour les immeubles neufs, des loyers que les locataires sont peu disposés à payer.

«Il est donc plus attrayant pour les promoteurs de construire des résidences pour personnes âgées ou des copropriétés, signale le rapport. Les résidences pour personnes âgées s'adressent à une clientèle qui paiera des loyers plus élevés pour obtenir des services et des soins.»

Est-il dès lors trop audacieux de conclure que la différence de loyer entre les marchés du logement et des résidences- du simple au double- n'est pas uniquement justifiée par les services et que la part de profits attribuable au seul loyer est nettement plus élevée dans le second cas?

Selon Kevin Hugues, économiste principal pour le Québec à la SCHL, on fait fausse route en réduisant la question à une comparaison entre deux marchés immobiliers. «Il faut le voir avec la perspective qu'il s'agit d'une entreprise d'affaires qui utilise l'immobilier pour ses besoins de commercialisation de services. On sort de l'immobilier pour entrer dans les ressources humaines.»

Chose certaine, on peut en inférer que les personnes âgées ont avantage à profiter du marché locatif ordinaire le plus longtemps possible. «Pour la personne de 70 ou 72 ans, on recommande le logement», indique Daniel Gagnon. D'autant plus, ajoute-t-il, qu'elle risque dans ce contexte de ressentir plus rapidement un sentiment de perte d'autonomie.

Quand est-ce trop cher?

Un loyer de 1600 $ pour un trois-pièces est-il excessif? Dans ce marché en pratique non réglementé, la question se pose autrement: quel loyer ai-je les moyens de payer? La réponse dépendra de l'importance des revenus, de leur provenance, et de l'espérance de vie. Prenons un exemple créé par les planificateurs Sylvain Chartier et Daniel Laverdière, de Planification financière Banque Nationale.

Une dame de 75 ans possède une maison de 180 000 $ et maintient des dépenses totales de 24 000 $ par année. Elle touche une rente de retraite de 18 000 $ par année, 5600 $ en prestations de Sécurité de la vieillesse, et 6000 $ par année en rentes de la RRQ.

Elle possède encore 60 000 $ dans son FEER (Fonds enregistré d'épargne-retraite). Pour évaluer l'argent qui sera disponible chaque année, il faut fixer un âge maximal de décès: jusqu'à quand faut-il s'assurer qu'il reste du capital? En planification, l'âge de 90 ans est fréquemment cité à cet égard. «Parvenue à 75 ans, une femme court une chance sur deux de se rendre à 93 ans», affirme Sylvain Chartier. Lui et son collègue Daniel Laverdière préfèrent utiliser le critère de 80 % de probabilité de décès, ce qui mène notre dame de 75 ans à... 97 ans. Selon ce barème, avec le capital issu de la vente de sa maison, madame pourrait soutenir des dépenses de 34 000 $ par année jusqu'à 97 ans.

Dans son budget actuel, si on soustrait le logement et l'alimentation, elle consacre 12 000 $ au transport, aux loisirs, à la santé, aux assurances, aux vêtements, etc.

Sur le nouveau budget de 34 000 $, en gardant le même train de vie, elle peut donc réserver un maximum de 22 000 $ aux frais d'une résidence avec service de repas. Ce montant correspond à un loyer de 1830 $ par mois.

Les autres solutions

Entre la maison et la résidence, de nouvelles solutions s'immiscent. «Il y a des choix intermédiaires: des résidences de type communautaire, gérés par des organismes à but non lucratif, expose Francine Dansereau, sociologue et chercheuse à l'INRS-Urbanisation, culture et société. On trouve beaucoup de choses intéressantes de ce côté.» Avec son collègue Gérald Baril, elle a fait une recherche sur les projets de résidences novateurs, caractérisés par «l'autonomie et la responsabilité des résidants dans la gestion de leur habitat», explique-t-elle.

Ces formules sont variées. Coopérative d'habitation à but non lucratif. Coopérative à capitalisation (la coopérative est propriétaire du terrain et le résidant est propriétaire du logement qu'il y fait construire). Copropriété divise. Bail viager (un droit d'usufruit, garantissant l'usage des lieux, est acquis avec une mise de fonds, laquelle peut faire l'objet d'une plus-value).

Il y a encore une autre formule, fort populaire aux États-Unis, qui ne réussit pas à s'implanter ici. «Un élément qui est ressorti de notre recherche nous a quelque peu surpris, indique à ce propos le rapport de Mme Dansereau: il s'agit du rejet apparent par les aînés québécois de la formule de la communauté fermée avec gardien à l'entrée (gated community).»

Faire valoir ses droits

Un appartement en résidence, comme tout autre logement, devrait être accompagné d'un bail. Semblables aux autres, les baux relatifs à une résidence comprennent une annexe où sont décrits les services offerts et les articles loués.

«Ce qui peut varier, ce sont les services, indique Jean-Pierre Le Blanc, porte-parole de la Régie du logement du Québec. On en ajoute, on en enlève. Ça permet un jeu de la part des propriétaires.» «Malheureusement, dit Maurice Boucher, de l'AQDR, il arrive qu'en cours de bail, la résidence mette au point de nouveaux services, et le loyer augmente en cours d'année.»

Comme pour tout autre bail, les augmentations jugées abusives peuvent être contestées. Les personnes âgées sont toutefois peu enclines à faire valoir leurs droits. En théorie, le bail est obligatoire. En pratique, dans les résidences de petite ou moyenne dimension, il est peu utilisé, a relevé Pauline Gervais lors de son enquête de doctorat. «On donne comme raison que le bail est très contraignant, tant pour le propriétaire que pour le résidant», décrit-elle.

L'absence de bail laisse une certaine souplesse, mais ce n'est pas légal. «Autre élément qui n'est pas aussi répandu qu'il le pourrait: le crédit d'impôt de 23 % pour les frais de services de maintien à domicile.» Les deux tiers des résidants l'utilisent, observe encore Pauline Gervais. «Les autres ne sont pas au courant ou trouvent l'administration de ce crédit trop difficile. Certains proprios s'en chargent, moyennant des frais de 3 à 5 $ par mois.»

Le coût augmente avec les services

Les dépenses liées au logement diminuent après 65 ans. Rien de surprenant: la liquidation de l'hypothèque, la diminution du ménage ou la vente de la propriété se traduisent par une compression de ces dépenses. Elles se remettent à augmenter quand les soins en résidence entrent en jeu. Mais c'est la proportion des revenus consacrés au logement qui est la plus éloquente. À partir de 65 ans, avec 22 %, elle est plus élevée que dans n'importe quelle autre tranche d'âge.

QUELQUES DONNÉES

RÉGION DE MONTRÉAL


Loyers moyens selon la taille de l'immeuble

20 à 49 unités : 815 $

50 à 99 unités : 1026 $

100 unités et plus : 1200 $

Loyers moyens selon la nature des services de repas

Service non disponible : 845 $

Service optionnel : 1127 $

Service obligatoire : 1770 $

Loyers moyens pour les appartements de 2 chambres ou plus

Île de Montréal : 1627 $

Laval/Couronne-Nord : 1205 $

Rive-Sud : 1410 $

Source : SCHL, Étude de marché 2006 sur les résidences pour personnes âgées (20 unités et plus), dans la région de Montréal.

LOYER MOYEN D'UN APPARTEMENT D'UNE CHAMBRE

Région Loyer

Montréal ¹ 1 179 $

Sherbrooke ² 1 069 $

Trois-Rivières ² 1 209 $

Québec ² 1 301 $

Saguenay ² 1 314 $

Gatineau ² 1 526 $

¹. Pour les résidences de 20 unités et plus ². Pour les résidences de 10 unités et plus

Source : SCHL

SERVICES OFFERTS DANS LES RÉSIDENCES PRIVÉES ¹

Proportion des résidences offrant le service

Service 2000 / 2005

Système d'appel 61 % / 81 %

Surveillance 84 % / 93 %

Salon de coiffure 62 % / 79 %

Nettoyage des vêtements 12 % / 42 %

Comptoir bancaire 48 % / 62 %

¹. Résidences privées de 20 unités ou plus dans la région métropolitaine de Montréal

Source : SCHL