À Québec, est prêt à jurer François Moisan, du service des communications de la Ville, on ne compte aucun immeuble résidentiel de cette nature. Mais, à Montréal, d'après le président de l'Association des syndicats de copropriété du Québec (ASCQ), Michel-G. Charlebois, on en dénombre 10. Quatre d'entre eux, ainsi que l'a constaté Le Soleil de visu, sont situés à quelques pas seulement du Ritz-Carlton, rue Sherbrooke Ouest. Ce sont Les Appartements Port-Royal, Le Linton, Le Château et l'Acadia. Il s'agit d'édifices de très haut standing.

À Québec, est prêt à jurer François Moisan, du service des communications de la Ville, on ne compte aucun immeuble résidentiel de cette nature. Mais, à Montréal, d'après le président de l'Association des syndicats de copropriété du Québec (ASCQ), Michel-G. Charlebois, on en dénombre 10. Quatre d'entre eux, ainsi que l'a constaté Le Soleil de visu, sont situés à quelques pas seulement du Ritz-Carlton, rue Sherbrooke Ouest. Ce sont Les Appartements Port-Royal, Le Linton, Le Château et l'Acadia. Il s'agit d'édifices de très haut standing.

Les Appartements Port-Royal, par exemple, ont été constitués en société par actions en 1965, soit bien avant que n'entrât juridiquement en vigueur au Québec le principe de copropriété divise ou indivise.

Si cette «structure juridique» de copropriété est peu répandue chez nous, elle est pourtant commune en Ontario aussi bien qu'aux États-Unis, à New York et à Chicago spécialement.

Modus operandi

«À l'origine de ces propriétés multilogements par actions, il y a un investisseur», dit le président de l'ASCQ.

Au lieu de transformer l'immeuble d'habitations qu'il possède en copropriété indivise ou divise, il crée une compagnie qui se substitue à lui comme propriétaire.

«Les administrateurs de la compagnie vendent ensuite des actions (accompagnées d'une convention d'actionnaires), mais ils ne le font qu'une fois. Chaque lot d'actions, que l'acheteur peut d'ailleurs revendre, est affecté à un logement précis», détaille-t-il.

Si un acheteur s'intéresse à un appartement, il passe un contrat privé pour l'acquisition des actions correspondantes. Ensuite, il signe la convention d'actionnaires (ou bail de propriété) qui stipule son droit à occuper le lieu qu'il a choisi, précise ses obligations eu égard aux frais communs, aux règlements de propriété, à la vente éventuelle de ses actions, voire à la location de son logis. La compagnie se réservant toutefois le droit de racheter les actions. Chose certaine, elle a le dernier mot quant au choix des actionnaires subséquents.

«Au lieu de passer acte devant un notaire, l'acheteur le fait devant le registraire de la compagnie qui peut être un avocat ou autre. Car il ne s'agit pas de l'achat d'une propriété résidentielle, mais d'actions. Tout est privé. Rien ne paraît au registre foncier. Pas de taxe de mutation ou de bienvenue. Enfin, un seul compte de taxes foncières, fondé sur la valeur globale de l'immeuble et non celle de chacune des unités comme dans une copropriété divise», continue M. Charlebois.

Pour le reste, les gens paient leurs actions comptant. À moins qu'ils n'empruntent l'argent qu'il faut auprès d'une institution financière en donnant éventuellement leurs «titres» en garantie. Et à la condition de jouir d'un excellent crédit.

À la connaissance de M. Charlebois et d'après ce qu'a appris Le Soleil de son côté, aucun prêteur hypothécaire au Québec ne finance des actions. Quoique la compagnie, par ses représentants, peut contracter une hypothèque sur l'immeuble lui-même dont le remboursement est à la charge indivise de tous les actionnaires. Si la compagnie faisait faillite, précise M. Charlebois, les actionnaires ne perdraient que leurs actions sans autre imputabilité quant à la dette.

Locataire

Par ailleurs, la propriété de chaque particulier se limite aux actions qu'il possède. Mais au sens de la loi, il est locataire du logement qui lui échoit suivant la convention d'actionnaires, le propriétaire étant la compagnie.

C'est pourquoi l'ayant droit au logement peut le sous-louer, tandis qu'il peut évincer le sous-locataire en fin de bail. Cela en vertu de l'article 1940 du Code civil.

En juin, dans une cause opposant un «propriétaire d'actions» des Appartements Port-Royal de Montréal et une dame à laquelle son logement avait été loué, la Cour d'appel a confirmé séance tenante une décision rendue, l'année précédente, par la Cour supérieure selon laquelle l'actionnaire n'est pas propriétaire de son logement, mais locataire. Cependant qu'à ce titre, il pouvait ne pas maintenir la dame dans son logement au motif de la qualité de sous-locataire de celle-ci.

«Ce jugement est lourd de gravité pour le cas où tout immeuble à logements locatifs serait converti en copropriété par actions. Les locataires, devenant automatiquement sous-locataires à moins d'acheter les lots d'actions correspondants, seraient à découvert», craint M. Charlebois qui, ce faisant, dit partager les inquiétudes de juristes de renom. Car cela pourrait donner lieu in extremis à des bouleversements sociaux.

Le président de l'ASCQ, constate, en revanche, que les locataires, dans ce type de copropriété, ne paient pas de loyer. Chaque «actionnaire occupant» contribue cependant aux charges communes qui, dans plusieurs immeubles par actions de Montréal, peuvent varier de 1000 $ à 7000 $. Il va sans dire que les gens qui les habitent ne sont pas dans l'indigence.

Méconnu

Enfin, ce mode de propriété est généralement méconnu du public, des prêteurs hypothécaires, des courtiers et agents immobiliers, des corporations municipales (hormis Montréal) et même des avocats. LE SOLEIL en est venu à cette conclusion, dernièrement, à la suite d'une recherche longue et laborieuse pour en connaître aussi bien la mécanique que le mode de financement.

«Jamais entendu parler», disaient les uns. «Nous en avons eu vent, mais sans plus» concédaient les autres. À l'exception toutefois de l'ASCQ qui en connaît à peu près toutes les ficelles et qui compte d'ailleurs dans ses rangs une des 10 copropriétés résidentielles corporatives montréalaises. Les seules, croit-on, dans tout le Québec.

Le Soleil a joint une d'entre elles. En vain. Il a été éconduit poliment. Puis il a tenté à plusieurs reprises de communiquer avec un des actionnaires d'une autre qui n'a pas rappelé le journal.

Pour sa part, l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec (ACAIQ) parle, dans un communiqué paru dans son site Internet et destiné spécialement à ses membres, d'un «mode d'acquisition à connaître».

«Il s'agit cependant d'un phénomène marginal», déclare au Soleil le vice-président de l'ACAIQ, Claude Barsalou. Il est d'avis que les courtiers et agents doivent savoir de quoi il s'agit au cas où ils auraient - ce qui est de toute façon peu probable, selon lui - à accompagner «un acheteur» dans l'acquisition d'actions avec droit d'occupation d'un logement.

«Cela fait partie des informations générales que tout courtier ou agent doit normalement connaître», estime-t-il.