Les futurs propriétaires ont déjà des histoires à raconter sur l'environnement qui accueillera leur maison. J'aime les écouter pour essayer de comprendre leur motivation d'avoir choisi cet endroit. On marche ensemble, on découvre le potentiel à mettre en valeur.

Les futurs propriétaires ont déjà des histoires à raconter sur l'environnement qui accueillera leur maison. J'aime les écouter pour essayer de comprendre leur motivation d'avoir choisi cet endroit. On marche ensemble, on découvre le potentiel à mettre en valeur.

L'objectif est de faire en sorte que l'architecture et son environnement composent un tout qui offre plus que chacune des parties. De faire en sorte que le site soit encore plus agréable avec la maison que sans elle. Et que l'extérieur devienne une partie indissociable du bâtiment. C'est le défi qui m'anime, c'est la valeur ajoutée de mon travail.

Les mêmes questions s'imposent pour choisir un site que pour créer un intérieur. Quels sont les scénarios de vie que l'on préfère lorsqu'on est dehors (ou dedans)? On se sent mieux sur un immense site ou sur une terrasse en ville? Cela conditionne bien des décisions. On veut prendre son café dans le jardin, entretenir un petit potager, faire un feu en fin de journée, faire la sieste ou la lecture sous un arbre, jouer dans la piscine avec les enfants? Il faut bien définir ce que l'on privilégie et ce, en fonction des saisons. Il importe, par exemple, de ne pas monopoliser tout l'espace avec une piscine qu'on utilisera très peu. Je suggère de minimiser les interventions sur le terrain, d'en faire peu, mais de mettre en valeur ce qui s'y trouve déjà.

La course du soleil

Avant tout, il faut bien identifier les points cardinaux. L'orientation de la maison est un élément primordial. Dans quelle pièce souhaitons-nous la lumière du matin, celle du couchant? Le soleil peut être un gain thermique important et donc une source d'énergie économique. L'orientation optimale est au sud. En été, le soleil est très haut, donc il fait entrer peu de lumière directe et de chaleur, ce qui est plus confortable. À l'inverse, en hiver, le soleil est très bas dans l'horizon. La lumière entre alors très loin à l'intérieur et réchauffe la maison. On doit faire la même démarche en ville. Le soleil se déplace de quelle façon ? Existe-t-il des obstacles ou des écrans autour du site qui empêcheront de tirer parti de la lumière naturelle à différents moments de la journée ou de l'année?

Les vents dominants

Comme savaient le faire nos ancêtres qui se protégeaient des vents du nord-est pour lutter contre le froid, mieux vaut orienter la maison en prenant compte de la direction des vents pour assurer une ventilation agréable en été et éviter les courants d'air en hiver.

Les vues à privilégier

Il importe aussi de s'ouvrir sur le paysage. La vue est une extension virtuelle du terrain. Être près du fleuve ou d'un lac, c'est embrasser l'infini de chez soi. En ville, on identifie les points d'intérêt et de désagrément pour optimiser ou réduire leurs impacts: un bel arbre, une perspective au-dessus du voisinage ou des éléments perturbants, moins jolis. On utilise alors du verre translucide pour profiter de la lumière, mais on évite une vue imprenable sur le garage du voisin.

Il faut ensuite bâtir à partir des vues à privilégier et de la course optimale du soleil. C'est à ce moment que le casse-tête commence pour certains.

Ce que je propose avant d'acheter un terrain, c'est d'aller y passer du temps. L'idéal est de pique-niquer sur le site avec la famille et même avec des amis. Quelques heures passées en disent beaucoup. Je vous conseille de faire silence pour savoir s'il n'y a pas de bruits indésirables aux alentours: ventilateur de grange ou de restaurant, piste de tout-terrain, routes ou boulevards trop bruyants. Le bruit est très insidieux, surtout lorsque l'on veut profiter du jardin. Mais la perfection est rare, il faut alors choisir selon la liste de priorités: proximité de l'école, des services, d'un site boisé, vues, soleil, voisinage, proximité des amis...

Une fois l'achat du site signé, on repart à sa découverte. Avant de construire une résidence secondaire, je crois que l'idéal est de connaître le site à chacune des saisons. Car au Québec, le pouvoir de transformation des saisons est saisissant. On a parfois l'impression de se trouver dans des endroits totalement différents selon l'époque de l'année.

C'est au fil des rencontres sur le site avec les futurs occupants qu'on arrive à identifier la position optimale de la maison. Il ne faut pas hésiter à faire un premier marquage au sol pour donner l'échelle de la maison en regard du site. Arrive un moment où les gens me disent qu'ils n'arrivent plus à déplacer les bornes de marquage, même après être monté dans un échafaud pour s'assurer que la vue à l'étage est celle qu'ils désirent. Sur un site urbain, la démarche est beaucoup plus courte, mais je recommande également des visites répétées.

Trouver l'endroit idéal où s'installer est grisant. On peut alors commencer à décider quelle vue les espaces intérieurs auront sur l'extérieur: la chambre sur le boisé dense, le séjour sur le lac, la salle à manger sur le futur jardin... Pour moi, ces combinaisons orienteront énormément l'élaboration des plans. Elles sont le gage de l'atmosphère générale qui se dégagera de la maison.

Tout ce processus demande un peu plus de temps. Mais il est toujours agréable, une fois la demeure achevée, de marcher sur le site et de voir le projet en symbiose avec son environnement. C'est un témoignage que l'on ne peut oublier comme architecte, mais surtout pas comme occupant des lieux.

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Pierre Thibault est un architecte renommé de Québec. Diplômé de l'Université Laval en 1982, où il enseigne aujourd'hui, il partage dans nos pages sa vision de l'architecture et son expérience du milieu de l'habitation.