En novembre dernier, le magazine français Que Choisir? tirait la sonnette d'alarme en publiant un dossier sur les «désodorisants d'intérieur»: sur 35 produits testés en laboratoire, 24 émettent des substances novices, dont certaines sont cancérigènes.

En novembre dernier, le magazine français Que Choisir? tirait la sonnette d'alarme en publiant un dossier sur les «désodorisants d'intérieur»: sur 35 produits testés en laboratoire, 24 émettent des substances novices, dont certaines sont cancérigènes.

«C'est un véritable problème de santé publique, affirme en entrevue téléphonique Marie-France Corre, responsable des essais comparatifs de ce magazine publié par l'Union fédérale des consommateurs. Les gens ne sont pas assez bien informés sur l'impact de l'utilisation de ces parfums.»

Il n'en fallait pas plus pour que l'opinion publique française s'emballe. Plusieurs organisations européennes réclament maintenant l'interdiction des substances les plus dangereuses dans les produits domestiques.

Sur nos tablettes

Certains désodorisants d'intérieur jugés dangereux par Que choisir? se retrouvent aussi de notre côté de l'Atlantique: des diffuseurs liquides et gels de la marque Air Wick, des lampes à l'huile Berger, plusieurs sortes de bâtonnets d'encens et le papier d'Arménie.

C'est notamment le principe de combustion qui est en cause. Selon les tests effectués, la plupart de ces produits émettent du benzène et du formaldéhyde, deux substances cancérigènes selon le Centre international de recherche contre le cancer, en plus des substances allergisantes ou irritantes.

Au Québec, il n'existe pas pour l'instant d'études similaires qui permettraient de connaître la composition d'une majorité de désodorisants d'intérieur que l'on retrouve sur nos tablettes. «On ne sait pas vraiment ce que ces produits dégagent», indique Lyse Lefebvre, pharmacienne au Centre de toxicologie humaine de l'Institut national de santé publique. «Ce qui est clair, c'est qu'on utilise trop de produits et on se doute que ça contribue aux problèmes d'asthme et d'allergie.» Les cas d'asthme chez les enfants ont augmenté de 40 % au cours des 15 dernières années.

Principe de précaution

Après la lecture des résultats de l'enquête française, Mme Lefebvre tient toutefois à nuancer certains constats alarmistes: «Oui, il faut se questionner sur l'usage de ces produits, qui ne sont pas vraiment nécessaires. Mais (selon les résultats de l'étude) la quantité des substances nocives émises est très petite. Le risque est donc limité.»

Et tout dépend de la fréquence à laquelle on a recours à ces parfums, ajoute la pharmacienne. «Je m'inquiéterais moins pour un bâton d'encens que l'on fait brûler une fois par mois par exemple que pour un Branché qui diffuse 24 heures par jour.» Selon Mme Lefebvre, c'est le principe de précaution qui doit s'appliquer: à défaut d'en savoir davantage, vaut mieux en limiter l'utilisation.

Pourtant, la mode est aux «parfums d'ambiance» et les nouveaux produits mis en marché se multiplient. Michel Gaudet, vice-président de l'Association pour la santé environnementale, les hypersensibilités et les allergies du Québec, déplore quant à lui le marketing et la publicité qui accompagnent ces produits. «On incite constamment les gens à parfumer leur maison, alors que ces produits, pris séparément, dégagent des substances nocives, dit-il. Imaginez leur effet lorsqu'on les combine!»

Certaines personnes seraient par ailleurs plus à risque que d'autres. Une étude de la Bristol University, en Grande-Bretagne, a démontré que les femmes enceintes qui utilisent régulièrement des aérosols et des désodorisants d'intérieur sont plus susceptibles de souffrir de maux de tête. Par ailleurs, le risque d'infection est de 30 % supérieur chez les bébés de moins de six mois qui vivent dans un environnement parfumé.

Le grand ménage

Et il n'y a pas que les désodorisants d'intérieur qui émettent des substances chimiques dans votre salon. Les produits nettoyants peuvent aussi être une source de pollution invisible. Certains contiennent des éthyls de glucol, qui peuvent être dommageables pour le foetus et le système de reproduction. Quatre types d'éthyls de glycol sont interdits en Europe alors qu'ils sont permis au Canada.

«Les détergents forts, comme le Hertel + ou le Fantastik, sont composés de ces substances, explique Lyse Lefebvre. Il vaut mieux utiliser des produits à base de savon pour les tâches quotidiennes.»

Le Centre de toxicologie humaine a en main la liste des ingrédients contenus dans les nettoyants vendus en magasin. Mais puisqu'aucune réglementation n'oblige les fabricants à identifier les substances contenues dans leurs produits, il est bien difficile pour le consommateur de faire un choix éclairé.

«Je me demande pourquoi l'étiquetage n'a pas encore été rendu obligatoire», s'interroge Mme Lefebvre, qui recommande encore une fois de limiter au maximum l'utilisation de ces produits. En moyenne, une famille canadienne utilise entre 20 et 40 litres de nettoyants par année.

Selon l'Agence américaine de protection de l'environnement, la concentration de polluants chimiques dans l'air est de deux à cinq fois plus élevée à l'intérieur de la maison qu'à l'extérieur.