C'est le cas de Groupe Pacific, une entreprise fondée à Montréal en 1953, mais ayant fait fortune en Floride en construisant plus de 5000 appartements en copropriété. Grâce à sa bonne santé financière, l'entreprise a mis en chantier le Mosaïque Southam, dans le Quartier international, tout juste après l'ouverture de son bureau des ventes.

C'est le cas de Groupe Pacific, une entreprise fondée à Montréal en 1953, mais ayant fait fortune en Floride en construisant plus de 5000 appartements en copropriété. Grâce à sa bonne santé financière, l'entreprise a mis en chantier le Mosaïque Southam, dans le Quartier international, tout juste après l'ouverture de son bureau des ventes.

«Aucun promoteur québécois ne prendrait ce risque», soutient Denis Robitaille, de Conceptions Rachel-Julien. Les entrepreneurs montréa-lais n'ont pas les reins aussi solides en raison de leur plus petite taille. La quasi-totalité d'entre eux doivent vendre la moitié ou les deux tiers des appartements en prévente avant qu'une institution financière ne leur donne le feu vert.

«Les entreprises étrangères possèdent beaucoup de liquidités ou ont accès à d'autres sources de financement. La construction sans prévente représente cependant un grand risque dans le marché actuel. Les constructeurs d'ici sont plus disciplinés», constate Hélène Bégin, économiste et spécialiste du marché immobilier chez Desjardins.

De bonnes perspectives

Pierre Martin, président du projet Faubourg Boisbriand, de Cherokee Canada, résume bien ce qui amène les promoteurs étrangers à Montréal. «La métropole offre de bonnes perspectives économiques. Elle est moins encombrée et compte moins d'acteurs que les autres marchés. De plus, les Américains cherchent à développer de nouveaux marchés, car ils possèdent beaucoup d'argent dans leurs caisses de retraite», explique M. Martin.

David Wex, copropriétaire du Groupe Urban Capital de Toronto, a voulu transposer sa recette gagnante de petits appartements stylisés de la Ville reine à Montréal. «À mon arrivée en sol montréalais, ce créneau restait à combler», explique ce Torontois bilingue qui adore Montréal.

Va-t-on assister à une invasion de promoteurs étrangers? «Ce n'est qu'un début. Montréal est susceptible d'en voir arriver davantage», pense Normand Prégent, directeur-général de la firme d'architectes DCYSM, qui travaille régulièrement avec les nouveaux promoteurs.

Cependant, la question de la langue représente toujours un obstacle pour les Anglo-Saxons. «Ils se sentent démunis quand ils ne comprennent pas un mot dans une rencontre. Il faut également traduire les plans et devis. Ça complique les choses. Selon moi, plusieurs délaissent le marché montréalais pour cette raison», affirme Sylvie Perrault, une architecte qui travaille depuis quatre ans pour True North Properties, une entreprise albertaine. Unilingue, M. Wex aurait-il investi à Montréal? Sans répondre direc-tement à la question, ce Torontois admet que la langue peut être un frein important.

Avec leurs millions et leurs projets ambitieux, les promoteurs étrangers menacent-ils les entreprises montréalaises? Gilles Ouellet, président de Groupe Solutions Marketing Immobilier, en doute. Selon lui, la plupart des investisseurs étrangers voient trop grand et saisissent mal le marché montréalais. «Plusieurs pensent que Montréal, c'est la Californie! Ils prêchent par excès d'optimisme et leurs rêves ne collent pas à la réalité du marché», observe-t-il.

Les nouveaux venus n'inquiè-tent pas non plus Denis Robitaille. «Leur capacité financière m'étonne, mais je n'ai pas senti qu'ils avaient des choses à nous apprendre», ajoute-t-il.

Avec leurs projets de plusieurs centaines d'appartements, les promoteurs étrangers risquent de frapper un mur, pensent plusieurs entrepreneurs locaux, «À Toronto, l'appétit des consommateurs pour les condos semble insatiable, mais ce n'est pas le cas à Montréal, où la croissance démographique est faible. Ça freine sérieusement le boom», affirme Stéphane Côté, président de Développements McGill. C'est l'avenir qui nous dira si les étrangers ont raison de croire en Montréal.

Construire sans compter

Ils débarquent à Montréal avec plein de fric en poche. Leur capacité financière et leur audace font des jaloux. Ayant fait fortune sous d'autres cieux, les promoteurs immobiliers de l'extérieur du Québec ont-ils des leçons à nous donner?

Naturellement, les Québécois observent attentivement ces nouveaux venus qui viennent construire à Montréal. Sylvie Perrault, architecte travaillant depuis quatre ans pour True North Properties, une entreprise albertaine, perçoit une culture différente des affaires chez les Anglo-Saxons. «Ils ne travaillent pas à la même vitesse que les Québécois. Ils cherchent toujours à augmenter la cadence

de production, à resserrer les échéanciers», constate-t-elle.

Actif dans plusieurs provinces, True North construit à Montréal les Jardins Windsor, un complexe résidentiel qui comptera 1600 appartements.

«L'expérience continentale de l'entreprise lui donne une perspective plus large, permettant de concevoir des produits moins régionaux», affirme Mme Perrault.

À titre d'exemple, le président de True North propose aux Montréalais sa formule «Wal-Mart»: des appartements avec peu d'options, mais plus abordables grâce aux économies d'échelle. Les promoteurs locaux font davantage dans la personnalisation des logements. «Cette méthode permet de rassurer les consommateurs sur le prix d'achat. Les options ont tendance à propulser les prix à la hausse», rappelle Mme Perrault.

True North entend bousculer le marché montréalais en lançant prochainement une tour d'habitation de 36 étages, avec des murs rideaux, comparable à ce qui se fait à Toronto. Du jamais vu à Montréal.

Stéphane Côté, président de Développements McGill, remarque lui aussi une vision différente de la part des promoteurs étrangers. Il prend comme exemple Intrawest, une société canadienne d'envergure internationale qui a complètement transformé Tremblant. Ces gens-là ont une vision et une méthodologie incroyables. Les prix de vente à Tremblant sont encore inégalés dans la métropole», dit-il.

Par contre, les difficultés qu'éprouvent certains nouveaux acteurs sur le marché montréalais démontrent que celui qui vient de loin n'a pas toujours raison. Gilles Ouellet, de Groupe Solutions Marketing Immobilier, connaît des promoteurs étrangers qui ont débarqué à Montréal en croyant tout connaître. «Plusieurs ont perdu leur chemise!», dit-il.

Montréal est une ville pauvre, rappelle M. Ouellet. Au-delà de 250$ le pied carré, les consommateurs sont réticents à acheter. «La métropole québécoise demeure un marché de structures en bois et brique», conclut-il. Normal alors que les promoteurs québécois travaillent davantage en banlieue.