Depuis quelques années, plusieurs institutions financières exigent une preuve de la salubrité des sols avant d'accorder un prêt hypothécaire. «Dans beaucoup de cas, on exige des évaluations environnementales, en particulier sur la qualité des sols», affirme Raymond Chouinard, conseiller principal aux affaires publiques à la Banque Royale. Les banques et caisses cherchent ainsi à se protéger contre une dévaluation des propriétés qu'elles financent.

Depuis quelques années, plusieurs institutions financières exigent une preuve de la salubrité des sols avant d'accorder un prêt hypothécaire. «Dans beaucoup de cas, on exige des évaluations environnementales, en particulier sur la qualité des sols», affirme Raymond Chouinard, conseiller principal aux affaires publiques à la Banque Royale. Les banques et caisses cherchent ainsi à se protéger contre une dévaluation des propriétés qu'elles financent.

L'usure des réservoirs d'huile à chauffage laisse une trace invisible et toxique dans l'environnement urbain québécois.

La principale source de contamination des terrains résidentiels au Québec est l'huile à chauffage. Les réservoirs d'huile enfouis à l'extérieur, souvent depuis plusieurs décennies, se dégradent et risquent de laisser s'échapper leur brouet toxique.

En juin 2002, Suzanne Galibois entreprend des travaux d'excavation après qu'une firme mandatée par son voisin eut déterminé qu'une fuite d'huile provient vraisemblablement de chez elle. L'analyse du sol de sa cave démontre qu'il est chargé d'hydrocarbures, mais une inspection soigneuse du système de chauffage à l'huile ne révèle rien d'anormal. «Ils ont enlevé 11 barils de terre contaminée dans la cave et j'ai dépensé au-delà de 6400 $ avant d'abandonner», dit la résidante du quartier Montcalm. Incapable d'identifier la source de contamination, Suzanne Galibois se résout à cesser l'excavation, même si son sous-sol contient toujours des polluants. «Si je vends, je suis obligée de le dire, sinon c'est un vice caché», dit-elle.

«Si le problème est contenu sur un terrain résidentiel, personne n'oblige un particulier à décontaminer. Mais si ce problème cause un préjudice au voisin ou qu'il empoisonne une source d'eau souterraine, le propriétaire va être obligé de réagir. Dans certains cas, ça peut pousser des gens à la faillite parce que beaucoup d'assureurs ne couvrent pas ça», dit Stéphane Lambert, ingénieur géologue et directeur général chez Mission HGE, une firme de génie-conseil en environnement. Il affirme par ailleurs qu'une maison dont le terrain est pollué peut perdre le tiers, voire la moitié de sa valeur et ne jamais trouver preneur.

Prévention

La CORPIQ, Association des propriétaires de logement fait actuellement campagne pour encourager les propriétaires à inspecter leur système de chauffage à l'huile ou à faire retirer les cuves qui ne servent plus. L'extraction d'un réservoir souterrain peut coûter de 3000 $ à 5000 $, une somme rondelette, mais nettement inférieure aux frais de décontamination ou de dédommagement en cas de poursuite.

Les propriétaires de résidences, particulièrement d'immeubles à logements, devraient donc procéder à une évaluation s'ils estiment qu'un risque de contamination existe. On fait appel pour cela à une firme de génie-conseil qui réalise d'abord une étude d'évaluation des risques dite de phase I, dont les coûts se situent autour de 1300 $. «Si des risques sont présents, on va ensuite faire une caractérisation, qui comprend la prise d'échantillons de sols, pour confirmer la contamination et déterminer l'ampleur des travaux. La décontamination est un processus coûteux qui peut facilement aller dans les 50 000 à 100 000 $», affirme Stéphane Lambert, de Mission HGE.

L'ennui, c'est qu'il n'existe aucun programme municipal ou provincial pour venir en aide aux propriétaires d'un terrain qui se révèle contaminé. «La génération actuelle hérite de mauvaises décisions de société, à l'époque où l'environnement n'était pas une préoccupation», dit Anne Scott, gestionnaire d'immeubles de la Rive-Sud de Montréal. Le père d'Anne Scott et ses copropriétaires ont dû assumer des coûts de 350 000 $ et subir deux ans de travaux autour de leur immeuble de 41 logements pour nettoyer une importante fuite d'huile que les propriétaires précédents avaient adroitement camouflée. «Les gens ne peuvent pas vendre ou hypothéquer tant que le terrain n'est pas décontaminé, mais il n'y a aucune banque qui finance ces travaux-là. Il faut payer de sa poche au moment où on vit le problème.»

En plus de faire de la prévention, la CORPIQ réclame le soutien du gouvernement provincial. «On veut un programme d'aide sous forme de subventions qui permettrait à tous les propriétaires de remplacer ou d'enlever leurs réservoirs d'huile», explique le président de l'Association, Luc Courtemanche.

En principe, des recours existent pour les acheteurs qui ont acquis une propriété contaminée. Le vendeur peut être tenu responsable de la salubrité de son terrain au-delà de la vente, car la notion de vice caché s'applique aussi à la pollution, et cela même s'il ignore en toute bonne foi la présence de produits toxiques dans le sol. Cependant, les frais d'avocats peuvent être prohibitifs et les sommes récupérables dépendent de la solvabilité du vendeur. Dans le cas d'Anne Scott, le jeu n'en valait pas la chandelle.

Même si la banque n'exige pas d'évaluation, Denis Lord, ingénieur de la firme de génie-conseil Technisol, suggère d'être particulièrement vigilant lors de l'achat d'une maison. «Les constructions qui remontent à avant les années 60 présentent des plus gros risques parce qu'il est probable qu'elles aient déjà été chauffées à l'huile. Automatiquement, un réservoir souterrain est un risque additionnel», ajoute-t-il.

Constructions neuves

La loi 72 sur la qualité de l'environnement change aussi la donne pour la construction neuve. Depuis mars 2003, le propriétaire d'un terrain est tenu responsable de sa réhabilitation en cas de contamination. Une entreprise industrielle ou commerciale qui met fin à ses activités a maintenant six mois pour faire une étude de caractérisation environnementale. Si les tests de toxicité s'avèrent positifs, le propriétaire doit assainir le terrain pour le rendre conforme aux normes et l'inscrire dans le registre des terrains contaminés de sa municipalité. Pour obtenir un permis de construction sur un emplacement fiché, un promoteur immobilier doit aujourd'hui faire la preuve que la contamination ne représente plus un danger ni pour la population, ni pour l'environnement.

Malheureusement, le programme Revi-Sols, qui subventionnait les travaux de réhabilitation des sols pour des projets de développement, a pris fin en 2005. «La décision vient du gouvernement, qui n'a plus d'argent à affecter à ça, se désole Marc Pedneault, chef du service des lieux contaminés au ministère de l'Environnement. Les municipalités font des pressions parce que le programme a eu des résultats très positifs, mais il ne sera pas reconduit dans le prochain budget.»

Revi-Sols avait notamment permis l'assainissement de terrains à vocation résidentielle dans Limoilou, à l'îlot Berthelot et dans le secteur Pointe-aux-Lièvres.