Vrai, ce placardage existe encore aujourd'hui, mais son importance n'est plus la même. Désormais, pour la quasi-totalité des acheteurs, c'est bien assis derrière l'ordinateur que s'amorce la quête d'un nouveau chez-soi.

Vrai, ce placardage existe encore aujourd'hui, mais son importance n'est plus la même. Désormais, pour la quasi-totalité des acheteurs, c'est bien assis derrière l'ordinateur que s'amorce la quête d'un nouveau chez-soi.

«On adore ça», lance sans détour l'agent immobilier Yvan Drouin, de Remax 1er Choix à Sillery, à propos de l'utilisation d'Internet pour vendre ses maisons. Un nouvel outil qui sert autant les acheteurs que les vendeurs, explique l'agent. Les premiers se font une idée par eux-mêmes, en toute tranquillité, tandis que les seconds arrivent mieux à mesurer le marché en comparant l'offre diffusée en ligne.

«Il y a moins de perte de temps à visiter les résidences», apprécie M. Drouin. Des heures précieuses ainsi gagnées et qui permettent aux professionnels de l'immobilier de mieux servir leurs clients. «L'Internet, c'est l'adjoint qui fait la première ébauche», image Yves Desgagnés, agent chez Remax Référence 2000.

«C'est tellement présent aujourd'hui», constate avec plaisir Robert Nadeau, président et chef de la direction à l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec (ACAIQ). «Avant, le catalogue de maisons était un médium fixe, transporté par les courtiers. Maintenant, c'est un document numérique accessible en tout temps, par tous, en temps réel!»

Selon le président de l'ACAIQ, cette percée technologique qui a fait boule de neige il y a cinq ou six ans a réellement changé la donne. «La profession s'est modifiée. Les agents et courtiers ont vu leur travail passer de simples donneurs d'information à de véritables conseillers.»

M. Nadeau est tellement enthousiaste devant la fabuleuse vitrine qu'offre le Web qu'il se questionne même à savoir si une partie de l'essor actuel du marché ne s'explique pas simplement par la venue d'Internet.

«Ça a changé beaucoup de choses», insiste à son tour Jacques Saint-Pierre, le titulaire de la Chaire SITQ en immobilier et professeur à l'École des sciences de la gestion (ESG) de l'UQAM. «L'utilisation d'Internet a ouvert le marché et a permis plus de transparence.» Il rappelle que cet outil, qu'il qualifie aujourd'hui

«d'incontournable», a connu une implantation bien particulière.

Après un départ très lent, la mise en ligne des catalogues de maisons par les agences a littéralement explosé, il y a quelques années. Du jour au lendemain, il est devenu impensable de ne pas s'afficher en ligne. À preuve, rares sont les agents et courtiers qui n'ont pas, en plus de leur site pour leur agence, une page personnelle. On met en vitrine ses résidences, tout en faisant de même pour soi et son équipe de collaborateurs. Magasiner une maison n'aura jamais été aussi facile!

Mais cette mise en place ne s'est pas faite sans heurts. Encore aujourd'hui, ce fonctionnement en ligne et surtout hors des balises conventionnelles dérange. C'est qu'avec cet affichage direct et les contacts par courriel que peuvent créer les futurs acheteurs, il leur arrive de contourner (souvent sans le faire exprès) l'agent inscripteur. Le futur propriétaire aura simplement vu la maison dans la Toile, puis aura contacté un autre agent, le sien, pour compléter la transaction.

Résultat? Les agents perdent des ventes et une partie de leur commission, malgré le démarchage et la mise en vitrine réalisés.

«Mais tu ne peux pas arrêter l'évolution, dit l'agent Yves Desgagnés. Au fond, c'est donnant-donnant», philosophe-t-il.

Un avis que partage tout à fait Robert Nadeau. «La réticence se défait parce que ça finit par s'équilibrer. La crainte va disparaître», observe le président de l'ACAIQ. Il rappelle d'ailleurs que 70 % des transactions sont des collaborations entre courtiers.

Nouveaux joueurs

Nicolas Bouchard, créateur de DuProprio.com, rêve d'étendre son site à tout le Canada. (Photo Raynald Lavoie, Le Soleil)

Rapidement, de nouveaux joueurs ont également fait leur apparition dans la Toile immobilière. À l'image des babillards en ligne ou des sites d'annonces classées, les pages Web dédiées à la vente et à l'achat de maisons dans Internet ont connu une croissance fulgurante.

En 1997, à Charny, Nicolas Bouchard a voulu faire les choses différemment. Ce fils de courtiers immobiliers, aujourd'hui âgé de 29 ans, a alors créé DuProprio.com (au départ appelé Direct du Proprio). Au fil des ans, le site de vente de résidences sans intermédiaire est devenu l'un des plus importants lieux de rassemblement du genre, avec ses 80 000 visiteurs par semaine.

ImmoReference.ca, Proprioquebec.com, Clicmaison.com ou autres, la compétition est féroce et les choix ne manquent pas dans le cyberespace. «Il y a plein de sites d'annonces», fait remarquer M. Bouchard, qui est toujours à fignoler de nouveaux outils, comme les demandes de prêts hypothécaires en ligne ou le service de comparaison de résidences.

Il rêve même d'étendre avant longtemps son site à tout le Canada.

La présence des «sans commission» ne passe évidemment pas inaperçue dans le milieu. De bons compétiteurs, concède Yves Desgagnés. Des deux côtés de la clôture, chacun vit bien avec la situation et y trouve son compte. D'une part, les agents et courtiers garantissent un travail vérifié et encadré par des professionnels, rappelle Robert Nadeau. D'autre part, «il y a toujours eu de la vente sans intermédiaire», raconte Nicolas Bouchard. Elle s'affichait simplement d'une autre façon.

À croire même qu'il existe une cohabitation possible entre les deux types de circuits de vente. Car ce qui est accessible à monsieur et madame Tout-le-monde dans le Web l'est aussi aux agents! «Certaines agences vont même jusqu'à rembourser les coûts d'inscription à notre site (450 $) pour obtenir le droit de vendre la maison», raconte M. Bouchard.

Première impression

À n'en pas douter, Internet nous réserve encore des surprises. Le professeur Jacques Saint-Pierre insiste sur l'importance de la qualité dans la communication Web. Il estime que 80 % de ce qui est présenté offre un appariement avec le produit offert.

Ainsi, des acheteurs potentiels peuvent être déçus lors d'une visite réelle d'une résidence idéalisée dans Internet. À l'inverse, d'autres ne voudront pas se présenter sur place, peut-être à tort, tant l'impression à l'écran est négative.

L'avantage est donc aux annonceurs qui exploitent la technologie de façon agressive. Visite virtuelle 360 degrés, outils de recherche performants et calculateurs financiers à portée de souris ne sont que quelques éléments qui agrémentent l'expérience en ligne.

À quand l'achat en ligne? «C'est déjà le cas», s'exclame Jacques Saint-Pierre, qui donne l'exemple de transactions complétées de façon électronique, alors que l'acheteur est à l'étranger. «Le succès tient alors à la qualité de la communication entre les deux parties.»

Reste tout de même qu'aussi efficaces que soient les échanges virtuels entre le vendeur et son client, certains détails ne peuvent être ignorés. «Dans une vente résidentielle, 50 % dépend du produit lui-même et 50 % de sa localisation», fait remarquer M. Saint-Pierre. Difficile de rendre l'ambiance d'un voisinage par ordinateur! Reste alors une seule solution. Prendre la voiture pour aller faire un tour, comme dans le bon vieux temps.