Exit le préjugé de la banlieue ennuyante et de la campagne d'une autre époque, alors qu'une majorité de jeunes de la région de Québec aimerait visiblement s'y installer.

Exit le préjugé de la banlieue ennuyante et de la campagne d'une autre époque, alors qu'une majorité de jeunes de la région de Québec aimerait visiblement s'y installer.

C'est du moins ce qui transpire du sondage commandé par Le Soleil pour ce groupe d'âge. Questionnés à savoir où ils préféreraient vivre, les sondés ont favorisé de loin la banlieue (41 %) et la campagne (39 %) à la ville, qui arrive au troisième et dernier rang (20 %).

«Ça confirme les résultats que l'on observe avec nos recherches», assure le professeur Paul Villeneuve, de l'École supérieure d'aménagement du territoire et du développement régional de l'Université Laval. «La vie de banlieue a beaucoup changé. Les préjugés ne sont plus là. Ce n'est pas plate!»

En tout cas, ce ne l'est certainement pas pour les Rodrigue-Duquette. Natifs de Saint-Jean-Chrysostome, Marie et Dominic ont toujours habité cet endroit. Des études au travail, le couple est passé d'un appartement à sa première résidence, toujours dans ce secteur de la Rive-Sud. Pourtant, Marie comme Dominic travaillent au centre-ville de Québec. «J'aime mieux faire plus d'auto et avoir plus de tranquillité à la maison», explique le pharmacien de 29 ans. «Pour la route, on s'est habitué!»

Le choix de ce quartier d'une vingtaine d'années semble aussi être celui d'autres jeunes. «Une voisine remarquait qu'il commençait à en avoir de plus en plus dans le coin», raconte Marie, tandis que sa fille Frédérique, trois mois, gazouille sur la table devant elle.

Avec les rénovations complétées à la maison et un terrain acheté en prévision d'une future construction «de rêve» dans quelques années, le couple n'envisage pas quitter Saint-Jean avant un moment. «On sait qu'on est ici pour longtemps», lance la jeune femme. Et comme s'il lui fallait trouver d'autres justifications à ce choix, elle rappelle dans un éclat de rire: «de toute façon, on n'est pas assez bons dans la planification pour vivre en ville!»

Plus organisée ou non, Geneviève Béliveau, 28 ans, a fait du Vieux-Québec son milieu de vie. L'effervescence du quartier, ses cafés, son animation sont irremplaçables, juge-t-elle. «Ce n'est vraiment pas la vie à la banlieue qui m'attire», dit à contre-courant du sondage celle qui s'apprête à quitter la rue Couillard pour vivre avec son copain dans le quartier Saint-Jean-Baptiste.

Son goût pour la ville serait-il différent si elle avait des enfants? Probablement pas, si ce n'est qu'elle souhaiterait évidemment avoir un peu plus d'espace. Famille et ville, un concept tout à fait conciliable, pense la citadine de 28 ans, travailleuse autonome et étudiante au doctorat... en études urbaines!

Geneviève souligne avec intérêt l'apparition de certaines coops d'habitation novatrices au centre-ville avec ses petites cours et ses espaces verts ou ses potagers sur le toit. «Je pense que c'est un peu ça l'avenir (de la vie en ville)».

Reste que pour l'instant, le centre-ville (notamment la haute ville) attire bien peu de familles, observe Yves Desgagnés, agent immobilier chez Remax Référence 2000, à Beauport. «Ce sont plutôt les boomers qui y reviennent!»

Se prendre au jeu

Un grand terrain qui permet à Isabelle Duchaine et Stéphane Lapointe de jardiner.

Installés depuis peu à Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier, Isabelle Duchaine et Stéphane Lapointe, la jeune trentaine, n'avaient rien de banlieusards de périphérie ou encore moins de campagnards. Pourtant, ils tripent! La transition n'était pas des moindres. D'un loft loué à proximité du Petit Champlain, les voilà propriétaires d'une grande maison, d'un immense garage, sans oublier l'imposant terrain, la piscine... et le jardin!

«Avec la crise du logement, c'était la folie de louer», se souvient Stéphane. Du coup, l'achat a été envisagé et de fil en aiguille, ils ont agrandi leur terrain de chasse. Soudainement, sortir de la ville est apparu passablement séduisant.

«Juste le fait de ne pas avoir de voisins collés! La première semaine ici, j'avais encore le réflexe de baisser la musique pour ne pas déranger personne», raconte le jeune trentenaire. Une habitude que le couple a depuis vite perdue, alors que le voisinage se trouve à bonne distance. Rock on!

Il est vrai cependant que la vie n'est pas qu'un party, loin du coeur de la cité. «On risque d'avoir besoin d'une deuxième voiture avant longtemps», résume Isabelle, d'un ton résigné. Heureusement, les déplacements pour le travail ne sont pas pour l'instant trop ennuyeux ni trop complexes. Avantage à cet éloignement: «Tu apprécies plus Québec que lorsque tu vis dedans», observe celle qui y retourne avec l'esprit d'une touriste.

De Stoneham à Saint-Augustin, Andrée Fortin, professeure au département de sociologie de l'Université Laval et chercheuse au sein du Groupe interdisciplinaire de recherche sur les banlieues (GIRBa) utilise ce terme original pour décrire ce que sont devenus bon nombre de jeunes. Ils sont des «rurbains»!

Loin d'être surprise par l'entichement de cette génération pour la banlieue et la campagne, elle émet cette hypothèse: «Mon impression est que ça peut refléter où ils ont grandi!» Dans une logique tout à fait démographique, elle rappelle par exemple qu'on en arrive dans certains cas à une troisième génération de banlieusards. Et comme il est facile de constater l'attrait du milieu d'origine chez plusieurs quand vient le temps de s'installer sérieusement... la logique est simple à suivre.

«C'est un retour aux sources», résume en riant Martin Perron, 31 ans, qui habite depuis un an et demi avec sa jeune famille dans un nouveau développement à L'Ancienne-Lorette. À l'image des Rodrigue-Duquette, Martin revient dans le quartier où il a grandi. Après avoir eu une propriété dans le secteur plus central du Vieux-Limoilou, lui et sa conjointe Caroline ont décidé de chercher plus grand et plus tranquille, en banlieue.

«C'était un choix familial», précise Caroline. «Et l'on voulait une maison neuve pour ne plus avoir d'entretien!» Véritable urbaine dans l'âme, elle aimait pourtant la vie de son ancien quartier, avec toutes ces commodités à portée de la main. Malgré une certaine nostalgie, Caroline apprécie de plus en plus ce que sa famille a gagné dans ce déménagement.

Notamment l'impression pour les parents de savoir ce qui attend leurs trois enfants au niveau scolaire. «C'est l'école à laquelle je suis allé, mon père y a travaillé», relate Martin. Puis, il y a le sympathique terrain boisé en bordure de la rivière Lorette où ils se sont installés, un terrain de jeux fabuleux pour Marie-Clarisse, six ans et demi, Édouard 4 ans et le petit dernier, Hubert, 15 mois.

Sans compter la rue bien tranquille qui est devenue la propriété des enfants du coin, comme dans les meilleurs souvenirs de Martin. Les quelques voitures qui s'y aventurent, cèdent en effet la place aux tout-petits... et aux parents. Comme Caroline qui a découvert l'hiver passé, les joies du hockey bottines!