Votre thermopompe est, en toute légalité, installée à côté de votre maison, à quelques pieds seulement de la ligne séparant votre propriété de celle du voisin. Maintenant, à une aussi courte distance, vous ne le pourriez plus.

Votre thermopompe est, en toute légalité, installée à côté de votre maison, à quelques pieds seulement de la ligne séparant votre propriété de celle du voisin. Maintenant, à une aussi courte distance, vous ne le pourriez plus.

Or, il en résulte que vous avez un droit acquis. Ce qui vous donne le droit indéniable de l'entretenir ou de la réparer. Mais si vous la remplacez, il n'est pas impossible que cesse votre droit acquis et que vous soyez obligé de la mettre dans votre cour, loin de la ligne de lot.

«Joignez votre municipalité pour connaître la portée de votre droit. Car le remplacement de votre thermopompe peut être assimilé à une nouvelle construction», met en garde Hugo Lafrenière, avocat au sein du cabinet Gravel Bédard Vaillancourt de Sainte-Foy.

Si ce droit acquis a pour objet de respecter votre situation telle que légalement acquise, vous ne pouvez modifier, étendre ou «reconstruire». Car le droit acquis est rigoureusement lié à la facture, à la conformation, à la destination et à l'utilisation généralement continue du bien en faisant l'objet.

Sauf, bien entendu, si votre municipalité ne décide de quelque dérogation en vertu du pouvoir d'administrer les droits acquis que lui confère la loi.

Par contre, nul ne peut prétendre à un droit acquis si celui-ci n'a pas été obtenu en toute légalité. Comme ce particulier d'un village du Saguenay-Lac-Saint-Jean qui, au mépris ouvert des règlements municipaux, a élevé il y a quelques années sa piscine hors terre devant sa maison. Ni lui ni celui à qui il vendra sa propriété ne pourront jamais se réclamer d'un droit acquis en ce sens.

«Il faut dire qu'un droit acquis suit la propriété, jamais le propriétaire», précise l'avocat spécialisé, entre autres, en droit de la construction. En d'autres mots, si la propriété est vendue ou louée, le droit demeure. On en a la jouissance, mais on en est aussi captif.

Ligne de lot

D'un autre côté, si votre résidence, contrairement aux dispositions actuelles du règlement de zonage de votre localité, est contre la ligne de lot, vous tombez sous l'empire des droits acquis, du moins dans la partie dérogatoire.

«Vous ne pouvez modifier cette partie de votre maison, par l'ajout d'un étage par exemple, car vous pourriez perdre, pour cette partie, votre droit», explique l'avocat. Votre municipalité ou vous interdira la modification, ou vous accordera une dérogation, ou vous proposera de reculer votre maison dans les limites admissibles.

Supposons le cas où vous voudriez agrandir votre maison de ce côté. Eu égard aux règlements de votre municipalité, vous ne le pourriez. «Mais si ce n'est pas possible de ce côté de la maison, ce peut l'être de l'autre où la marge est plus grande», pense Me Lafrenière.

Par ailleurs, si vous démolissez le bâtiment qui fait l'objet du droit acquis pour en ériger un autre tout à fait différent sur les mêmes assises, le droit acquis s'éteint même si les matériaux sont en grande partie ceux de l'ancien bâtiment. C'est ce qu'on peut lire dans Droit public et administratif (Collection du Barreau 2002-2003), Éditions Yvon Blais.

En contrepartie, si l'immeuble - qui peut être aussi un garage ou un hangar - est rasé accidentellement par les flammes, une demande de reconstruction peut être introduite auprès de la municipalité. La réglementation adoptée par celle-ci en vertu de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme déterminera la possibilité de reconstruction et, le cas échéant, ses conditions.

Il importe de consulter les règlements municipaux quand vient le temps de changer les fenêtres.

Vous décidez de changer vos fenêtres. Si elles sont percées sur des murs distants de 5 pi (1,5 m) au moins de la limite du terrain, vous êtes en loi. Si elles sont à trois pieds, vous devrez vous faire consentir une servitude de vue par votre voisin. Que les ouvertures soient là depuis des années sans servitude ne vous confère pas un droit acquis. Votre voisin peut vous contraindre à les condamner à moins que vous ne persuadiez le tribunal, estime Me Lafrenière, d'un consentement de fait, mais sans équivoque de sa part.

«Prouver qu'il vous a éventuellement aidé, à l'origine, à les poser peut jouer en votre faveur», considère-t-il.

Puis, si vous faites l'acquisition d'un terrain dans le but de vous y construire, que le zonage devient soudainement commercial ou industriel, vous ne pourrez mettre votre projet en oeuvre quand bien même vous auriez un permis de bâtir.

«Si vous en avez eu un et que la construction est commencée, là votre droit acquis est établi», dit Me Lafrenière.

Enfin, si votre maison est ancestrale et que vous la restaurez, votre municipalité ne pourra vous contraindre au respect intégral du Code national du bâtiment à moins que vous ne procédiez à un agrandissement.

Les politiques et tolérances des municipalités en matière de droits acquis ne sont partout pareilles. C'est pourquoi Hugo Lafrenière se fait insistant: informez-vous auprès de la vôtre. N'agissez pas seuls, le risque que cessent vos droits et que vous encouriez des coûts de construction, de modifications ou de réaménagement aussi élevés qu'inutiles est trop important.