Ces productions à la maison seraient en émergence, selon la Sûreté du Québec. «Il y en a de plus en plus», fait remarquer le lieutenant Gilles Drolet, adjoint au chef de service du corps policier, au Service des programmes spécialisés. C'est facile de comprendre pourquoi, précise l'ancien enquêteur, qui a passé 11 ans à l'escouade criminelle.

Ces productions à la maison seraient en émergence, selon la Sûreté du Québec. «Il y en a de plus en plus», fait remarquer le lieutenant Gilles Drolet, adjoint au chef de service du corps policier, au Service des programmes spécialisés. C'est facile de comprendre pourquoi, précise l'ancien enquêteur, qui a passé 11 ans à l'escouade criminelle.

Climat québécois oblige, la culture extérieure n'a pas le même attrait chez les trafiquants qui en ont les moyens que celle réalisée à l'aide d'installations intérieures. Plus productives et plus discrètes, admet le policier Drolet. Il calcule que les producteurs résidentiels arrivent à faire trois ou quatre cycles de récolte par an, contre un seul en nature. Le calcul se fait rapidement.

En 2003, dans la province, la SQ a ouvert 1916 dossiers concernant la culture de cannabis. De ce nombre, 676 délits avaient été commis dans des serres domestiques. Nombre en augmentation en 2004, 800 maisons ont été perquisitionnées à cette fin, alors qu'on recensait 2470 cas de production. Et 2005 s'annonce une autre «bonne cuvée», avec ses 404 domiciles investis par les forces de l'ordre, en date du 15 juillet. Et dire que ces chiffres s'additionnent!

D'après les données de Statistique Canada, le Québec se classait deuxième en 2003, au chapitre du nombre total d'affaires de production de cannabis (2939 cas, incluant la production résidentielle). Seule la Colombie-Britannique (3274) en comptait plus, tandis que l'Ontario suivait (990) au troisième rang. Fait troublant, il n'y avait eu que 390 cas recensés dans la Belle Province, 10 ans plus tôt. Une croissance qui n'épargne aucune province et qui se traduit forcément par une augmentation du nombre de serres dans les maisons.

Passer à l'attaque

Cet automne, l'Association des courtiers et agents d'immobilier du Québec (ACAIQ) présentera un colloque sur la question, à Montréal. «Le problème des maisons de culture est à ce point important», assure Robert Nadeau, président et chef de la direction de l'ACAIQ.

Un phénomène embêtant pour les professionnels de l'immobilier qui se manifeste sous deux angles distincts, affirme M. Nadeau. C'est que des courtiers ont été impliqués dans la revente de maisons ayant servi de lieu de production, sans dévoiler le passé criminel de la résidence aux nouveaux acheteurs. Les spécialistes le savaient pourtant. «C'est une obligation de le dire, rappelle le président. On n'est pas là pour cacher des choses au public, mais bien pour le protéger!»

Passant de la parole aux actes, l'ACAIQ se penche actuellement sur 16 dossiers qui regrouperaient de 200 à 300 résidences. «Ce n'est que la pointe de l'iceberg», s'inquiète M. Nadeau.

D'autant plus qu'il y a également ces cas où l'expert en immobilier n'est nullement au courant... et encore moins le futur acheteur! Pour éviter toute mauvaise surprise, le colloque regroupera les gens du milieu, dont la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL), en plus de représentants de divers corps policiers. Par des mesures préventives et de l'information, on espère ainsi freiner ce fléau envahissant.

Car au-delà des conséquences judiciaires pour les «cultivateurs», les dommages sont bien réels à la résidence. Comme le scénario le plus fréquent n'implique pas le propriétaire - la maison est souvent louée, rapportent les policiers - , après enquête sur sa possible collaboration, celui-ci se retrouve avec un beau gâchis sur les bras. Évidemment, une préoccupation qui apparaît seulement si ce dernier n'a rien à se reprocher et que la demeure n'est pas saisie pour devenir la propriété du trésor public.

«Après deux ou trois cycles (de récolte), il n'y a pas grand-chose à faire pour la maison», observe M. Nadeau. Dans certains cas, il faudra même la détruire. La forte humidité nécessaire pour faire pousser les nombreux plants (en moyenne de 300 à 500) aura vite fait de créer de la moisissure, qui s'attaquera à l'ensemble de la résidence.

«Une visite de l'entretoit est très révélatrice», poursuit l'homme à la tête de la CAIQ. Panneaux de placo-plâtres déformés, bordures de fenêtres qui suintent, boiseries norcies, tout y passera. Sans compter les problèmes de qualité d'air engendrés par la situation, ou les habituels «rafistolages» dans le panneau électrique qui servent à fournir l'alimentation à l'imposant dispositif d'éclairage qu'un tel jardinage implique.

Il semble qu'il n'y ait pas de région ou de secteurs à l'abri. Dans un chalet à la campagne, dans des appartements en ville ou dans une résidence en banlieue, il n'y a pas de scénario pré-établi. «Il y en a partout», résume le caporal Guy Amyot, porte-parole de la GRC dans la région de Québec.

Alors, comment s'assurer de ne pas tomber sur un tel «citron» lors de son prochain achat?

Au moment où l'ACAIQ s'apprête à mettre en branle un programme de formation «Marijuana 101», pour développer l'oeil de ses agents immobiliers, tous les intervenants s'entendent pour dire qu'il n'y a que la vigilance pour éviter de se retrouver propriétaire, à son insu, d'un domicile ayant servi à la production de cannabis.

«C'est là que l'inspection revêt toute son importance», souligne Robert Nadeau. Ce qui fait dire à Josée Morin, porte-parole chez Hydro-Québec, qu'en cas de doute, il ne faut pas hésiter à faire appel à un spécialiste. Le système d'alimentation électrique vous semble suspect et pourrait avoir été manipulé dans le but de subtiliser de l'énergie? Un maître électricien saura le déceler, juge-t-elle.

Bien qu'il n'ait pas eu à agir pour l'instant comme expert dans un cas impliquant une maison de culture, Sylvain Dionne, président de l'Association des inspecteurs en bâtiments du Québec (AIBQ), ne doute pas que lui ou un de ses professionnels y détecteraient des anomalies. Plus encore, il croit qu'une formation pour ses membres, s'attardant aux différents symptômes rencontrés habituellement dans ces situations, pourrait s'avérer bien utile.

Pour sa part, le lieutenant Gilles Drolet pense à ce que peut percevoir le voisinage et le rôle que celui-ci peut jouer. L'observation de certains signes peut également être fort utile aux propriétaires qui ont des locataires.

«La maison semble habitée, mais les occupants sont là de façon sporadique.» Puisque le sous-sol est l'endroit de prédilection pour de telles activités illicites, il sera normalement barricadé, décrit le policier.

Puis il y aura cette «odeur de mouffette», bien caractéristique, qui émanerait des conduits d'air du logis. Enfin, habituellement des bruits de ventilateurs se feront entendre en permanence, sons qui ne cadrent pas avec ceux des autres domiciles du quartier.

Autant d'indices qui pourront peut-être faire une différence dans cette lutte contre le crime, qui est alors ici bien organisé. Car si les forces de l'ordre obtiennent leurs pistes à la suite d'enquêtes sur les réseaux, ou même grâce à la collaboration des équipes sur le terrain d'Hydro-Québec, une bonne part des actions origine de dénonciations.

L'agent de la SQ rappelle donc la mission d'assistance des policiers, une démarche qui se veut complètement anonyme et qui se fait en contactant votre poste de police local, la ligne Info-Crime (1 800 771-1800) ou celle de la lutte contre le crime organisé (1 800 659-GANG).

Un geste tout à fait normal quand on veut un voisinage tranquille et absolument sans histoire. Du moins, pas celles de ce genre.