Par conviction, mais surtout parce qu'ils sont entichés de la liberté que leur procure la location d'un appartement.

Par conviction, mais surtout parce qu'ils sont entichés de la liberté que leur procure la location d'un appartement.

Pierre Boulet, dans la cinquantaine, est locataire depuis une trentaine d'années. Il a habité plusieurs coins de Québec, mais vit dans le quartier Saint-Jean Baptiste depuis 10 ans. S'il convient qu'il y a des avantages certains à être propriétaire, il croit que ceux-ci se monnayent.

«Quand tu es propriétaire, il y a toujours un chantier qui t'attend. C'est un état d'esprit dans lequel je n'ai pas envie d'être, indique-t-il. En plus, il faut être manuel, sinon ça te coûte trop cher de main-d'oeuvre. C'est loin d'être mon cas, il me faut un cours de langue pour parler à un tournevis!»

Martin, dans la fin vingtaine, ne rêve pas, comme beaucoup de jeunes de sa génération, de s'acheter une propriété. Le marché immobilier est trop volatil, estime-t-il, et les avantages de la location sont alléchants. «On ne paie pas cher de loyer. Et l'argent que je ne dépense pas en frais, taxes et réparations, je peux le placer et le faire fructifier», explique le jeune professionnel.

La location permet aussi aux deux citadins d'habiter au centre-ville à un prix raisonnable. Pour acquérir une propriété à leur goût, ils devraient fort probablement déménager en banlieue, ce qui est impensable pour ces inconditionnels de la ville.

«Les maisons et condos sont actuellement vendus hors de prix», affirme Martin. «On a un loyer qui demeure abordable parce qu'on entretient notre logement, qu'on fait des petites réparations nous-mêmes», raconte Pierre, qui ne deviendrait propriétaire pour rien au monde. «Ma conjointe aimerait ça acheter quelque chose, mais je ne veux rien savoir. Je lui ai dit de le faire si elle y tenait et que je serais heureux d'être son locataire!» lance-t-il.

Pas reluisant pour tous

À Québec, le taux de location (44,3 %) est légèrement supérieur à la moyenne québécoise (42 %). Par ailleurs, près d'un ménage sur cinq vit dans un immeuble collectif et, toutes proportions gardées, la région de la Capitale-Nationale compte davantage de logements sociaux de type HLM que l'ensemble du Québec.

«Beaucoup de personnes sont locataires parce qu'elles n'ont pas d'autre choix, parce que leurs revenus sont limités», rappelle André Trépanier, porte-parole du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ).

Ce dernier croit qu'il est très avantageux pour les locataires de conserver le même logement pendant plusieurs années. Le propriétaire ne peut alors augmenter le loyer de façon radicale.

C'est un secret de Polichinelle que les propriétaires augmentent sensiblement les loyers lorsque des appartements se libèrent. Si un locataire déménage, il a très peu de chances de se loger à moins de 700 $ par mois dans le marché actuel. Et avec les taux d'intérêt qui sont faibles, l'écart entre le loyer et les paiements hypothécaires se trouve alors rétréci.

Économisera ou n'économisera pas?

«Il y a moins d'économies à faire qu'avant en demeurant locataire, compte tenu de ces facteurs», indique Hélène Bégin, une économiste au Mouvement Desjardins qui surveille de près le marché immobilier.

Plusieurs locataires, comme Martin, invoquent les économies à faire en louant plutôt qu'en achetant, et l'économiste y met quelques bémols. «Il faut regarder la capacité d'épargner des gens. Certains vont mettre ce qu'ils sauvent de côté pour avoir un actif en bout de ligne équivalent à celui d'une maison, mais d'autres n'épargneront rien. Ceux-là vont se retrouver avec un actif nul en fin de vie», explique Mme Bégin.

Bien qu'elle convienne que le marché est surévalué actuellement, elle indique qu'à court et moyen terme il n'y a pas d'importantes baisses de prix anticipées, et donc que l'investissement immobilier demeure peu risqué.

Dépense de consommation

Le planificateur financier Éric Brassard a, de son côté, une opinion divergente. Il détruit plusieurs mythes sur l'acquisition d'une propriété dans son livre Un chez-moi à mon coût.

La maison a toutes les apparences d'un placement immobilier, mais, soutient-il, cet actif ne génère pas de revenus. Le propriétaire le possède pour en assumer les coûts. Croire qu'il s'agit d'un placement est une illusion, selon le planificateur financier.

Il est important d'après lui de faire comprendre aux gens que se loger, en tant que locataire ou propriétaire, est une dépense de consommation. L'important est de trouver un lieu dont le coût convient.

Une logique qui sourit à Martin. «Je n'ai pas l'intention de faire comme plusieurs jeunes qui n'ont plus un sou pour sortir et voyager, car ils doivent acheter une tondeuse et refaire le toit de leur maison.»

L'aspect le plus important pour Pierre demeure la liberté que lui procure le fait d'être en appartement.

«Je veux rester détaché des préoccupations liées à l'entretien d'une maison, et surtout ne pas avoir les mains attachées dans le dos en raison d'une hypothèque. Je ne veux pas que mes loisirs soient liés à ça», indique-t-il.

Une question de choix, donc, et aussi une affaire de planification financière. Pour éviter de s'enfermer dans une prison dorée lorsqu'on veut continuer de jouir de sa liberté.