Bien sûr, les quartiers évoluent. Les résidants aussi. Cette évolution façonne les rapports de voisinage, soutient Annick Germain, sociologue de INRS-Urbanisation, Culture et Société. «La vie de quartier a changé parce que les gens sont plus mobiles: ils travaillent, magasinent, sortent et font du sport à plusieurs endroits. Le quartier n'est plus l'endroit où se passent les trois quarts de la vie sociale.»

Bien sûr, les quartiers évoluent. Les résidants aussi. Cette évolution façonne les rapports de voisinage, soutient Annick Germain, sociologue de INRS-Urbanisation, Culture et Société. «La vie de quartier a changé parce que les gens sont plus mobiles: ils travaillent, magasinent, sortent et font du sport à plusieurs endroits. Le quartier n'est plus l'endroit où se passent les trois quarts de la vie sociale.»

Le métissage des quartiers, malgré ses indéniables avantages, est un autre facteur qui ne facilite pas les relations de voisinage, car il est plus difficile de développer une bonne relation avec quelqu'un qui est très différent de nous.

En mélangeant les strates socioéconomiques, l'embourgeoisement rend aussi les choses plus difficiles, poursuit la sociologue, tout comme l'augmentation du nombre de gens vivant seuls dans les quartiers centraux. «Cela constitue un défi supplémentaire parce que ces gens ont des modes de vie et des attentes différentes. La présence d'adolescents, par exemple, rend souvent les personnes âgées insécures.»

Il faut toutefois se garder d'avoir une image idyllique de la vie de quartier d'autrefois, d'autant plus que cette évolution a été remarquée dans bien des villes du monde, dit-elle. «On a souvent un sentiment de nostalgie de ce qu'on appelle le quartier-village, un lieu où on fraternise et où on s'entraide. On oublie qu'on est dans une grande ville, où les gens cohabitent avec des étrangers.» En fait, on ne s'en tire pas si mal dans les quartiers centraux montréalais, où la sociabilité est devenue importante dans les nouveaux modes de vie urbaine, en partie grâce aux magasins de proximité, aux cafés, aux parcs, etc.

Irène Simard habite dans le même immeuble de la Petite-Patrie depuis 25 ans. Elle en a vu passer des voisins... et les anecdotes ne manquent pas. «Un bon voisin, pour moi, c'est quelqu'un qui va se mêler de ses affaires, mais qui sera là si j'ai besoin d'aide ou simplement pour parler.» Au fil des ans, certains sont devenus de véritables amis, à qui elle confie ses clés durant ses absences; d'autres sont des relations amicales sur le bord du trottoir. Ce qu'elle apprécie par-dessus tout, c'est l'entraide. «On se met ensemble si on a une demande à faire à la Ville. Je pense aussi à un monsieur qui déblaie gratuitement la ruelle les jours de tempête de neige. Ce sont des petites choses qui nous facilitent la vie.»

S'il y a un ingrédient magique pour stimuler la vie de quartier, c'est sans doute la possibilité de marcher. «Quand on marche dans la rue, on ne peut faire autrement que de rencontrer ses voisins ou d'anciens amis, explique Andrée Fortin, sociologue à l'Université Laval. Je dis souvent que cela me prend entre sept et 30 minutes pour me rendre à l'arrêt d'autobus!» Durant ce trajet, la résidante du Vieux-Québec rencontre les mêmes visages, s'arrête au café du coin pour saluer des gens, achète son journal à l'épicerie de quartier. «Mais si la marche permet une bonne vie de quartier, elle ne la garantit pas», prévient-elle.

La banlieue typique, avec ses larges boulevards, ses rues sans trottoir et ses maisons tournées vers la cour intérieure, n'est certainement pas un terreau fertile aux bonnes relations de voisinage. «Mais paradoxalement, la banlieue qu'on disait dortoir ne l'est pas tant que cela: des réseaux de voisins se sont développés, poursuit Andrée Fortin. On voit souvent, dans les premières villes de banlieue érigées dans les années 50, des jeunes qui rachètent la maison de leurs parents. Leurs grands-parents ont bâti ces quartiers, ils rencontrent leurs camarades de classe dans des réunions de parents, bref, ils se sont créé une histoire.»

Un quartier plus mature serait sans doute un lieu propice au rapprochement, ce qui ne veut pas dire que les résidants des nouveaux complexes résidentiels sont condamnés à l'anonymat. Nicole Guénette s'est achetée une maison de ville dans l'un de ces complexes, à Ottawa. Installée depuis à peine un an, elle apprécie l'esprit communautaire qui règne entre la plupart des résidants. «Ce printemps, nous avons fait une corvée pour nettoyer un petit bois situé derrière nos maisons. Nous avons uni nos efforts pour sortir une vieille laveuse, des pneus, des morceaux de métal et même un urinoir de cet îlot de verdure où on aime bien marcher. Une autre fin de semaine, nous avons organisé une vente-débarras pour libérer de l'espace dans nos maisons. Par des petits gestes, on se rencontre, on se rapproche et on améliore notre qualité de vie.»

Il est très important d'entretenir de bonnes relations avec ses voisins. «On vit tellement collé l'un sur l'autre qu'on aurait tort de s'ignorer, dit-elle, mais tout monde respecte l'intimité de chacun: pas de visite à l'impro-viste, poursuit Mme Guénette. Mes voisins surveillent ma maison quand je ne suis pas là, mais ne se mêlent pas de mes affaires.»

Son chien, Anabelle, a aussi droit à un traitement royal. «Une voisine l'amène marcher le matin, une autre l'amène pour jogger dans le bois en fin d'après-midi... et un couple l'invite souvent pour courir à la campagne durant la fin de semaine!» La chienne ne demande pas mieux, même si elle montre parfois des signes de fatigue!

Les animaux sont en effet d'excellents agents socialisants, mais les champions dans cette catégorie, ce sont les enfants, note Andrée Fortin. «Avec eux, cela se fait tout seul. Que ce soit en promenant bébé dans la poussette, autour d'un carré de sable dans un parc, lors d'une réunion de parents ou quand les enfants jouent dans la rue: les enfants amènent souvent leurs parents à se rencontrer.»

De là à mettre au monde un petit pour se lier d'amitié avec ses voisins, il y a un pas qu'on évitera de franchir, car il existe des solutions de rechange très valables: pensons aux fêtes de quartier, aux associations de quartier, aux comités de citoyens, ou simplement aux sourires échangés quand on croise nos voisins dans la rue. C'est un peu cela l'âme d'un quartier.