Lisa Miniaci et Éric Michaud rêvaient d'une maison dans un quartier charmant, près d'un métro et à proximité du centre-ville. Dotés d'un modeste budget, le jeune couple se savait exclu des quartiers embour-geoisés. Ses recherches l'ont mené à Verdun, où il a trouvé à prix d'aubaine le bungalow de ses rêves. C'est le coup de foudre!

Lisa Miniaci et Éric Michaud rêvaient d'une maison dans un quartier charmant, près d'un métro et à proximité du centre-ville. Dotés d'un modeste budget, le jeune couple se savait exclu des quartiers embour-geoisés. Ses recherches l'ont mené à Verdun, où il a trouvé à prix d'aubaine le bungalow de ses rêves. C'est le coup de foudre!

En cherchant une maison, Éric Michaud et Lisa Miniaci sont tombés amoureux du style de vie et de l'architecture de Verdun.

Huit mois plus tard, tous deux ne regrettent rien. «Je ne connaissais qu'une chose de Verdun: sa mauvaise réputation. Pauvreté, violence et gangs de rue. La réalité est pourtant tout autre. Ce quartier regorge de belles rues, est bondé de familles et il y a de plus en plus d'épiceries fines. Aussi, je me sens en sécurité, même tard le soir en rentrant du métro»raconte la jeune propriétaire de 26 ans.

Poussés par les prix faramineux des propriétés des quartiers branchés, des jeunes à l'esprit ouvert s'aventurent dans des quartiers qu'ils ne connaissent que de nom et de réputation. Résultat: des secteurs moins bien cotés tirent leur épingle du jeu et profitent du boom immobilier. «Mais ça demeure des secteurs de deuxième choix. C'est là où les gens se rabattent après avoir reluqué ailleurs», note Nathalie Clément, directrice de la Capitale du Mont-Royal.

C'est le cas de Verdun, un des secteurs les plus méconnus de Montréal. Cette ville ouvrière issue de l'essor industriel du canal de Lachine porte un lourd héritage de pauvreté. Qu'à cela ne tienne, sa situation géographique plus qu'enviable - accès au fleuve, stations de métro et proximité du centre-ville - et les bas prix des propriétés attirent les premiers acheteurs. Résultat: de 2000 à 2004, le prix moyen des plex a grimpé de 115% et celui des condos de 77%. Pendant ce temps, le prix moyen de ces catégories a grimpé respectivement de 75% et 62% dans l'île de Montréal. Beaucoup de constructions neuves émergent aussi.

Propulsé par la restauration du canal de Lachine, tout le Sud-Ouest - Pointe-Saint-Charles, Saint-Henri, Côte-Saint-Paul et Émard - sort aussi de sa léthargie. Des logements ouvriers dotés d'une belle archi-tecture séduisent les jeunes profes-sionnels qui ne connaissent rien de l'époque des frères Dubois! «Phénomène nouveau, on reçoit désormais des pétitions signées par des Ph.D.!» constate Normand Proulx, directeur du Service de l'aménagement urbain et du service aux entreprises de l'arrondissement du Sud-Ouest.

Façade d'une maison de Pointe-Saint-Charles.

Autre signe de ce renouveau, à Pointe-Saint-Charles, où l'industriel a toujours côtoyé le résidentiel, les nouveaux arrivants exigent des changements. «On doit mettre en place des mesures d'atténuation même si la population locale n'y voyait pas d'inconvénient», constate M. Proulx.

Plus à l'est, la revitalisation touche aussi Hochelaga-Maisonneuve depuis que le Plateau et le Village débordent. «On lui donne même un nouveau surnom branché: HoMa», affirme Michel Tremblay, agent immobilier à La Capitale.

Le point commun de tous ces secteurs: ce sont des anciens quartiers ouvriers, situés à proximité du centre-ville, desservis par le métro, possédant une architecture caractéristique et des arbres matures. Par contre, leur parc immobilier est généralement mal entretenu et exige des rénovations. «Être un bon bricoleur est un préalable pour acheter», affirme Richard Grenier, agent immobilier couvrant le Sud-Ouest.

Malgré toutes les promesses de revitalisation, ces quartiers suscitent encore la méfiance des consommateurs et demeurent profondément méconnus. «Comme agent, on doit constamment combattre les préjugés des acheteurs. Nos clients travaillent sur le boulevard Saint-Laurent et ne savent pas où se trouve Saint-Henri», affirme M. Grenier. Même ceux qui ont lu Gabrielle Roy!

«Généralement, le bas de la ville, tout ce qui est au sud de la rue Sherbrooke, souffre d'une mauvaise réputation», constate Daniel Gill, professeur d'urbanisme à l'Université de Montréal et spécialiste de l'habitation. «Les travaux de revitalisation existent, mais ils ne sont pas encore assez visibles pour faire pencher la balance du bon côté», pense l'agent immobilier Michel Bernard.

Au nord de Montréal, ce n'est pourtant guère mieux. Ici, ce n'est pas la pauvreté qui pose problème, mais la dimension ethnique. Peu de gens rêvent de déménager à Montréal-Nord, à Saint-Michel et à Parc-Extension, confient des agents sous le couvert de l'anonymat.

Quoi qu'il en soit, la venue de nouveaux arrivants dans ces quartiers est très positive. «Ces jeunes ne disposent pas d'un grand capital, mais ils possèdent une richesse culturelle. C'est leur culture qui transforme les quartiers», conclut M. Gill.