«Je ne compte pas vivre conjointement ni avoir d'enfant, confie-t-elle. J'espère me retirer du travail vers 60 ou 65 ans et acquérir à ce moment une petite maison à la campagne pour y vivre très sobrement, sans dépense outrancière, sans voyage ni voiture de l'année. Le strict minimum quoi... De quoi jardiner et faire la cuisine, tout simplement.»

«Je ne compte pas vivre conjointement ni avoir d'enfant, confie-t-elle. J'espère me retirer du travail vers 60 ou 65 ans et acquérir à ce moment une petite maison à la campagne pour y vivre très sobrement, sans dépense outrancière, sans voyage ni voiture de l'année. Le strict minimum quoi... De quoi jardiner et faire la cuisine, tout simplement.»

Joli et accessible...

La femme de 32 ans reçoit depuis peu un salaire de 42 000 $. Durant ses quatre premières années sur le marché du travail, elle gagnait moitié moins. Sa dette d'études s'élève encore à 18 000 $, dont elle s'acquitte à raison de 200 $ par mois.

Elle commence à peine à épargner dans un REER, où elle a amassé 2500 $. Elle y contribue dorénavant pour 1300 $ par année. Depuis peu, son employeur y ajoute l'équivalent de 5 % de son salaire. Son logement et les services publics lui coûtent 700 $ par mois.

«Mais pour l'instant, je me vois mal vivre en logement jusqu'à ma retraite. J'aimerais ardemment être chez-moi! Je convoite un condo dans la région des Basses-Laurentides. De magnifiques lofts sont présentement en construction et ils se vendront entre 125 000 $ et 165 000 $ dès cette année, frais de notaire inclus! Pourrais-je faire l'acquisition d'un tel loft d'ici à l'été 2006? Est-ce réaliste? Idéalement, j'attendrais encore cinq années, le temps d'économiser. Mais la perspective d'acquérir un loft urbain digne des cités montréalaise et new-yorkaise, neuf de surcroît, avec une vue imprenable sur les plaines de Montréal et les montagnes des Laurentides, agace ma patience et me donne envie de signer une hypothèque demain matin!»

Peut-elle céder à la douce tentation?

Le test de la réalité

Mélanie est une femme organisée. Ses dépenses sont soigneusement comptabilisées, ce qui a permis à Jacques Brouillard, planificateur chez Les services Investors ltée, de faire une analyse précise de sa situation.

Ses dépenses courantes totalisent 1700 $ par mois. Elle doit en outre consacrer 475 $ au remboursement de ses dettes et verser 100 $ dans son REER. Il se dégage ainsi une marge de manoeuvre de 500 $ par mois. «Sur une base annuelle, cela représente plus de 10 % de son salaire, constate Jacques Brouillard. C'est excellent!»

Par contre, signale-t-il au passage, Mélanie n'a mis de côté aucun coussin de sécurité. «Une réserve financière permet de mieux faire face à des dépenses imprévues, de profiter des opportunités d'achat», avise le planificateur.

Dans ce contexte, Mélanie pourra-t-elle acheter un condo de 125 000 à 165 000 $ en juin 2006?

Pour l'instant, Mélanie ne peut compter que sur les 2500 $ contenus dans son REER. Elle dispose donc d'à peine un an pour accumuler une mise de fonds conséquente.

Avec des taux de rendement et d'inflation raisonnables, Jacques Brouillard a calculé qu'en respectant son budget à la lettre, Mélanie aura accumulé, au 30 juin 2006, 5200 $ en placements hors REER et 8100 $ en placements REER.

Un total d'environ 13 000 $, si elle profite du RAP (Régime d'accès à la propriété).

Sera-ce suffisant pour acheter un condo de 125 000 $?

Suspense...

Ces 13 000 $ lui permettraient de verser une mise de fonds correspondant à 10 % de la valeur de la propriété, pour un emprunt de 112 500 $. Il lui faudrait donc faire appel à une assurance prêt hypothécaire comme celle de la SCHL. Avec la prime d'assurance, l'hypothèque s'élèverait à environ 115 000 $.

En supposant un amortissement sur 25 ans et un taux d'intérêt de 6 % sur cinq ans, les mensualités s'établiraient à 736 $.

Dans ces conditions, un prêteur hypothécaire déroulerait-il un tapis rouge sous les pas de Mélanie? Un des critères des institutions financières veut que l'emprunteur consacre un maximum de 32 % de son revenu brut aux dépenses de logement. «Dans le cas de Mélanie, estime notre expert, la somme du versement hypothécaire (736 $), des taxes municipales et scolaires (200 $), de chauffage (100 $) et de 50 % des frais de condo (50 $) représente 31 % de son revenu brut mensuel de 3500 $. Ça passe.» Mais de justesse.

Selon un second critère, les mensualités pour l'ensemble des dettes ne doivent pas dépasser 40 % du salaire brut. Quand on ajoute à l'hypothèque les dettes de voiture et d'études, on obtient 42,5 %. «Ça ne passe pas», commente cette fois-ci Jacques Brouillard. «Sur la seule base de son revenu, ça pourrait fonctionner. Mais il faudrait qu'elle n'ait pas d'autres dettes.»

Conclusion: le prêteur hypothécaire éconduirait Mélanie - poliment, bien sûr. «Par expérience comme planificateur financier, je ne recommanderais jamais l'acquisition d'une propriété si les critères précédents dépassent 30 %, pour des raisons de souplesse et de marge de manoeuvre pour les années futures.»

Mais nul besoin de ces critères pour comprendre que Mélanie se serait trouvée dans une situation délicate. Si on ajoute la marge de manoeuvre actuelle de 500 $ par mois à son loyer de 545 $, on obtient une somme de 1045 $. C'est le maximum qui peut être consacré aux mensualités d'une nouvelle propriété- taxes foncières et frais de condo inclus. «Pas un sou de plus, observe Jacques Brouillard.

Mélanie n'a plus aucune marge de manoeuvre et ne pourrait faire face à des dépenses imprévues telles qu'une hausse du taux hypothécaire, l'entretien du condo, une réparation majeure à la voiture, etc.»

«Dans la pratique, poursuit-il, j'ai rencontré plusieurs cas où les gens ont évalué que ça allait passer, mais au fil de la vie se produisent des imprévus qui les forcent à recourir à des sources de crédit coûteux.»

Mais tout n'est pas si sombre, ni perdu. Le rêve demeure: il est simplement retardé.

Si elle maintient son niveau d'épargne actuel, Mélanie aura accumulé fin 2010 quelque 30 000 $ en REER et autant en placements hors REER. Le solde de son prêt étudiant aura alors été ramené à 7000 $. Une situation nettement plus favorable pour l'achat d'un condo. «Ça va lui permettre, par l'expérience, de voir si elle est capable de maintenir son budget. Elle doit démontrer sa capacité d'épargner 500 $ par mois. Il vaut mieux faire cette preuve sans maison à payer: les conséquences sont moins graves.»

Et pour sa retraite? Cette fois, l'horizon est limpide. Si elle conserve sa structure actuelle de dépenses et d'épargne, Mélanie, à 60 ans, aura amassé 440 000 $ en placements hors REER et 406 000 $ en placements REER. En restreignant ses dépenses à 70 % de son niveau actuel, elle pourrait vivre avec les seuls intérêts de ce capital. Si elle achetait une propriété en 2010, ses épargnes à la retraite s'en trouveraient réduites, mais la propriété s'ajouterait à ses actifs. «Dans ce contexte, la qualité de sa retraite n'en serait pas affectée», assure notre planificateur.

Allez, quelques années de patience...