À son insouciance s'oppose l'inquiétude de David Fletcher et de Sylvia Oljemark, de la Coalition verte, un organisme qui oeuvre à la préservation des espaces verts dans l'ouest montréalais. Lundi dernier, ils conviaient députés du coin et médias à une balade dans le secteur. «Ça fait cinq ans que nous nous battons contre ça, mais là, je crois que c'est un moment important», dit M. Fletcher. Il craint qu'une brèche soit ouverte dans un écoterritoire: «Ouvrir le développement ici, c'est une sentence de mort.»

À son insouciance s'oppose l'inquiétude de David Fletcher et de Sylvia Oljemark, de la Coalition verte, un organisme qui oeuvre à la préservation des espaces verts dans l'ouest montréalais. Lundi dernier, ils conviaient députés du coin et médias à une balade dans le secteur. «Ça fait cinq ans que nous nous battons contre ça, mais là, je crois que c'est un moment important», dit M. Fletcher. Il craint qu'une brèche soit ouverte dans un écoterritoire: «Ouvrir le développement ici, c'est une sentence de mort.»

L'épée de Damoclès qui pend au-dessus de plusieurs hectares de bois et friches, ce sont les Cours Antoine-Faucon, un projet de 80 résidences cossues. Elles s'adosseraient au parc-nature de l'Anse-à-l'Orme, un territoire protégé.

«C'est à l'envers des politiques de développement durable et de protection et de mise en valeur des milieux naturels de la Ville», dénonce David Fletcher.

Car pour accéder aux futures résidences, on devra prolonger le boulevard Antoine-Faucon au-delà de l'emprise de la 440 (1,2 million aurait été réservé). Or, selon le plan d'urbanisme de Pierrefonds-Senneville, il ira bien plus loin. Il tournera de l'est vers le nord, croisant le prolongement du boulevard Pierrefonds (qui rejoindra le chemin de l'Anse-à-l'Orme) avant de se prolonger vers le nord-ouest, jusqu'au boulevard Gouin. De plus, cette zone à l'ouest de l'emprise de la 440 serait le «dernier grand secteur d'un seul tenant permettant l'accueil d'une communauté de plus de 12 000 nouveaux résidants».

Aire désignée

En clair, deux routes couperont un territoire à protéger. Pour Sylvia Oljemark, ces 80 maisons forment la première tête de pont de cette invasion. «On propose de construire dans une forêt centenaire, dans un espace reconnu, un écoterritoire. Une fois brisé par la route, il y aura d'autres phases de développement.»

Le corridor écoforestier de l'Anse-à-l'Orme est un des 10 «secteurs jugés prioritaires en raison de leur biodiversité» et «propices à la création d'aires protégées», selon la Politique de protection et de mise en valeur des milieux naturels de la ville de Montréal, rendue publique avant Noël. Il est beaucoup plus vaste que le seul parc-nature de l'Anse-à-l'Orme. En forme d'équerre, il s'étend du parc-nature du Cap-Saint-Jacques jusqu'au bois Angell, dans l'arrondissement de Beaconsfield-Baie d'Urfé, pour se prolonger vers Sainte-Anne-de-Bellevue ensuite.

On y trouve des peuplements forestiers rares dans l'Île, des érables noirs et des micocouliers, par exemple. Sans compter des espèces animales à statut précaire comme la buse à épaulettes, l'épervier de Cooper ou la couleuvre brune. De plus, des castors et même une cinquantaine de chevreuils s'y ébattent. «Mais, rappelle David Fletcher, ce n'est ni un musée d'arbres ni un musée de plantes, c'est un système.» Le rogner sur ses marges revient à réduire la zone tampon qui garantit son intégrité. «Il faut rester en dehors de l'écoterritoire, dit-il. Les routes et les maisons lui sont incompatibles.»

Débat à faire

Présent lors de la visite, le ministre délégué aux Affaires autochtones et député de Jacques-Cartier, Geoffrey Kelley, juge que les questions soulevées par la Coalition verte sont assez complexes. Amateur de vélo, il se dit néanmoins toujours surpris, d'une année à l'autre, de voir avec quelle rapidité les espaces verts se transforment dans l'Ouest-de-l'Île. «Il faut faire le débat, dit-il. Est-ce que les gens veulent que Montréal reste à 3 % d'aires protégées alors que l'objectif est de 8 % pour l'Amérique du Nord?»

Plus de 1000 hectares ont ainsi disparu en 10 ans un peu partout dans l'île. Selon la Coalition verte, même en achetant tous les terrains naturels, on atteindrait à peine 6 %.

En entrevue téléphonique, la mairesse de l'arrondissement, Monique Worth, a rappelé que le projet résidentiel est antérieur au concept de l'écoterritoire. Elle a confié à La Presse être dans cette situation embêtante où l'on doit faire plaisir à tout le monde et sa mère en même temps. «Il y aura 80 maisons là-dedans, mais le reste du territoire, on n'y touchera pas. On ne peut pas tout acheter et tout protéger. On a 64 parcs et deux grands espaces verts (...) Il faut qu'on soit prêt à donner comme à recevoir.»

Si elle accueille favorablement le projet, c'est que le prolongement du boulevard Antoine-Faucon donnera accès aux citoyens au parc-nature de l'Anse-à-l'Orme, note-t-elle. «C'est sûr et certain qu'on va demander (au promoteur) de protéger la nature le plus possible.» De plus, le groupe immobilier Grilli serait disposé à céder 52 000 m² un peu plus loin dans le secteur. Enfin, «pour se permettre une assiette fiscale raisonnable, on n'a pas le choix», dit-elle en rappelant que les services aux citoyens ont un prix.

Parc national?

Mais la pelletée de terre qui sonnerait le glas de l'écoterritoire ne surviendra peut-être pas. En mars, lors de sa tournée de consultation sur son plan de développement durable, le ministre de l'Environnement et des Parcs, Thomas Mulcair, s'est montré très intéressé par l'idée d'un parc national du lac des Deux-Montagnes. Celui-ci engloberait des territoires riverains et des parcs existants, à Oka comme à Montréal, par exemple. Il inclurait ainsi le parc-nature du Cap-Saint-Jacques et le corridor écoforestier de l'Anse-à-l'Orme. Une décision dans ce dossier pourrait même être prise d'ici septembre.

La Coalition verte fonde beaucoup d'espoir sur cette éventualité. Une décision empêcherait les bulldozers de faire leur besogne. «Les gens de Montréal doivent avoir cette ressource sociale, récréative autant qu'environnementale qu'est un parc, dit David Fletcher. Si ça devient un parc national, ça aura aussi une valeur économique.»

Au ministère de l'Environnement, on n'était toujours pas en mesure vendredi de dire où en était ce projet. À suivre.