Une pétition, remise la semaine dernière au maire de Verdun, demande de revoir ce projet immobilier de la firme Westcliff. Selon les habitants de l'île, ce nouveau projet immobilier serait néfaste pour l'environnement et causerait de sérieux irritants à la qualité de vie.

Une pétition, remise la semaine dernière au maire de Verdun, demande de revoir ce projet immobilier de la firme Westcliff. Selon les habitants de l'île, ce nouveau projet immobilier serait néfaste pour l'environnement et causerait de sérieux irritants à la qualité de vie.

Présidente du comité pour la protection du patrimoine de l'Île-des-Soeurs, Mme Gould affirme que des modifications ont été apportées en douce au plan d'urbanisme de l'an 2000. Le plan original permettait la construction de maisons unifamiliales. «Mais du jour au lendemain, dit-elle, on nous a appris que Westcliff allait construire neuf tours de 75 mètres.» Et ça, ajoute-t-elle, c'est sans compter les deux tours de la compagnie Proment qui font l'objet de discussions, ainsi que les quatre tours des Sommets construites récemment.

À l'arrondissement de Verdun, on prétend au contraire que le plan d'urbanisme n'a pas été modifié depuis l'an 2000, et que tout se passe exactement comme prévu. Dans une rencontre d'arrondissement tenue la semaine dernière, le maire de Verdun Gérald Bossé a cependant parlé de six nouvelles tours de 18 étages et non de neuf, comme l'indiquaient au départ les plans de la compagnie Westcliff.

«En fait, le projet de neuf tours a été refusé par la Ville, répond Dany Tremblay, responsable de l'urbanisme à l'arrondissement de Ville-Marie. Avec six tours, nous suivons les règles du jeu qui ont été fixées en juillet 2000 avec l'approbation des résidents.»

Pas aux oiseaux

Qui croire? Peu importe. Qu'il y ait six ou neuf tours, la question de l'environnement reste bien réelle. La pointe sud de l'île des Soeurs est depuis toujours un lieu de passage pour les oiseaux migrateurs. C'est, par le fait même, un des lieux d'observation les plus prisés au Québec- d'autant plus qu'il se trouve à cinq minutes de la ville. Mais selon Mme Gould, le projet Westcliff mettrait en danger cet écosystème, déjà grandement malmené par des décennies de développement immobilier. «Il y a cinq ans, il y avait encore 200 espèces d'oiseaux qui passaient par l'île des Soeurs. Depuis qu'on a construit les quatre tours du sommet, ce chiffre a chuté terriblement…»

«La pointe sud de l'île des Soeurs n'a pas la même valeur que le cap Tourmente, qui est grandiose, lance pour sa part l'ornithologue Pierre Bannon, qui fréquente le site depuis plus de 20 ans. Mais il est clair que pour les observateurs urbains, c'est un site important, au même titre que le mont Royal ou le parc de la Visitation.»

Il est évident que des constructions en hauteur constituent un obstacle pour les oiseaux en migration la nuit «surtout si les conditions sont défavorables», ajoute par ailleurs Normand David, directeur de l'association québécoise des groupes d'ornithologues.

Mais les risques d'un tel danger demeurent relativement faibles. Selon lui, l'argument «écolo» hélas! ne fait pas le poids face aux enjeux économiques qui se profilent: «L'habitat qui va être détruit ne dérangera que quelques espèces communes. On va réaménager l'espace avec des pelouses et des buissons qui vont peut-être favoriser d'autres espèces. Quant aux espèces menacées, il n'y en a pas vraiment sur ce site, hormis peut-être le petit blongios, un héron de petite taille qui peut nicher dans l'étang. Mais encore là, on n'a vu qu'un seul couple à la fois et même pas chaque année.»

Au Conseil régional en environnement de Montréal (CREMTL), on est à peu près du même avis. On déplore, en revanche, que le projet prive en partie la population de son accès aux rives. «La pointe sud de l'île des Soeurs est un des derniers beaux sites publics au bord de l'eau, observe Robert Perreault. Du point de vue de la qualité de vie à Montréal, cela en fait un endroit précieux et intéressant. Alors chaque fois qu'on ferme une fenêtre sur le fleuve, c'est un événement triste.»

Densité

Les inconvénients, tout compte fait, s'annoncent plus grands pour les insulaires que pour les animaux. À entendre quelques mauvaises langues, la grogne des citoyens aurait d'ailleurs plus à voir avec les irritants urbains que la perte d'un écosystème déjà fortement magané.

Il y a actuellement 14 000 habitants dans ce quartier cossu de Montréal. Selon Mme Gould, avec toutes les constructions prévues dans les prochaines années (incluant tours et autres petits projets résidentiels), ce chiffre pourrait augmenter à 9000. Le problème, c'est que la densité maximale de l'île est de 20 000 habitants.

À l'arrondissement de Verdun, on n'a pas du tout les mêmes chiffres. Selon Dany Tremblay, le projet Westcliff se limiterait à 1000 logements maximum. Ce qui équivaut à peu près à 2000 ou 2500 résidants supplémentaires.

Chose certaine, la construction n'arrête pas dans l'Île-des-Soeurs, où 490 logements ont été construits dans la dernière année. Et des nouveaux chantiers poussent comme des champignons. Selon les chiffres donnés par la Ville, les deux tiers de la superficie de l'Île-des-Soeurs sont actuellement développés.

«On voit déjà une différence, clame Joaquin Duque, résidant de l'île. Le matin, aux heures de pointe, il commence à y avoir beaucoup de trafic. Si on le garde tel quel, c'est O.K. Mais si la population monte, il est évident que ça va mettre de la pression sur les infrastructures.»

À la Ville, on admet qu'il y a des améliorations à faire du côté des entrées et sorties du pont Champlain. Mais on ajoute que les infrastructures sont bonnes, puisque l'île a été conçue, dès 1965, pour accueillir pas moins de 45 000 personnes. Un chiffre qui a cependant été réduit à 25 000 en 1989, et à 20 000 en l'an 2000.

Où et quand arrêter l'urbanisation? Telle est la question. L'Île-des-Soeurs est un terrain en très grande demande. Cela complique autant la protection des habitats naturels que celle d'une qualité de vie vendue à fort prix. «Quand on a acheté ici, on nous a dit: ça va être beau et tranquille, conclut Pascale Bédard, autre résidante en colère. On nous a promis la campagne. Mais dans le temps de le dire, il n'y en aura plus de campagne; le centre de l'île va être enclavé entre des grosses tours.»