De l'appréciation du confort douillet de la maison, à l'utilisation de sa résidence pour se prémunir des «assauts» extérieurs de la vie moderne, le pas à franchir était facile. Et pour certains, il a été fait.

De l'appréciation du confort douillet de la maison, à l'utilisation de sa résidence pour se prémunir des «assauts» extérieurs de la vie moderne, le pas à franchir était facile. Et pour certains, il a été fait.

La perception du logis comme forteresse, surtout en cour chez nos voisins du Sud, s'est accentuée au lendemain des attentats du 11 septembre 2001. Devant la menace envisagée, plusieurs se sont occupés à rendre leur cocon un peu plus hermétique. Au détriment des voyages, la rénovation résidentielle a progressé et on s'est assuré, du coup, d'être sauf et en sécurité à la maison.

Systèmes d'alarme, caméras, aménagement des pièces des étages inférieurs (jugées plus sécuritaires), tout a été alors mis en place pour se sentir protégé d'un univers extérieur, perçu comme agressif et violent. Le cocon douillet possède désormais le rôle de bunker, de terrier...

Au Canada, le phénomène est beaucoup moins marqué. Cependant, il existe à sa façon, bien que les spécialistes ne croient pas qu'il s'immiscera aussi solidement qu'aux États-Unis. Ici, le «bunkering» est sporadique et prend plutôt la forme d'une course folle pour se procurer une génératrice au lendemain de la crise du verglas, de préparer sa résidence pour résister aux crues d'une rivière capricieuse ou encore d'un poêle à bois (au cas où) pour les mois glacials d'hiver. Mais ce qui se passe ailleurs finit tout de même par avoir des retombées de notre côté de la frontière.

Jacques De Guise, professeur associé au département d'information et de communication à l'Université Laval, spécialisé notamment en marketing social et sur le sujet de la violence à la télévision, constate l'importance grandissante du marché des «gadgets de sécurité». Une situation qu'il croit encouragée par le nombre grandissant d'actes violents au petit écran et qui crée une méfiance chez la population.

S'il ne constate pas de baisse dans la demande pour les systèmes d'alarme, Patrice De Luca, vice-président marketing et développement des affaires chez Protectron, confirme néanmoins qu'il y a ces dernières années une augmentation constante pour ce marché.

La technologie étant plus abordable et simple d'utilisation, elle permet d'incorporer de plus en plus de systèmes sophistiqués dans les résidences. Les caméras de surveillance auraient particulièrement la cote. «Il n'y a pas une tendance très lourde au bunkering», observe cependant M. De Luca, dont l'entreprise surveille les arrières de plus de 170 000 clients, d'un océan à l'autre. Sans doute, notre côté latin qui n'aime pas les barreaux, estime-t-il. «Mais il existe une préoccupation plus grande pour la sécurité personnelle.»

Une préoccupation qui atteint parfois des sommets, peu connus ici. Le professeur De Guise donne en exemple son neveu qui habite en banlieue de Miami. Spécialiste en sécurité, il habite un «gate community», ces quartiers barricadés et sous haute surveillance, avec guérite à l'entrée.

Un type d'aménagement résidentiel que M. De Guise ne s'attend pas à voir au Québec demain matin, malgré l'intérêt grandissant pour la sûreté résidentielle. Actuellement, selon les données de la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL), aucun complexe du genre ne serait répertorié au pays.

M. De Guise croit que le cocooning est encouragé par le fait que la population soit vieillissante. Et par la bande, le bunkering avance également. On n'a qu'à penser aux résidences pour personnes âgées où il n'est désormais plus possible d'entrer sans montrer patte blanche, souligne-t-il.

Aux abris?

Terrorisme, tsunamis, tueries... Sommes-nous insouciants, ou alors est-ce le pays de l'Oncle Sam qui y va un peu fort? «Il n'y a pas d'indices qu'il faut avertir les Canadiens (pour qu'ils se protègent de façon plus sérieuse)», estime Jacqueline Meunier, conseillère principale, recherche et diffusion d'information à la SCHL. «La dernière frousse était la bombe atomique», rigole-t-elle. «Mais il y a toujours des gens qui s'inquiéteront.»

À la SCHL, aucune donnée concernant le bunkering n'existe, alors que les conseils disponibles se penchent surtout sur la prévention du vol dans les résidences. Rien en ce qui concerne une attaque au mortier ou au bacille du charbon (anthrax)!

Toujours à l'affût des tendances, Claude Cossette, professeur de publicité sociale à l'Université Laval, s'étonne un peu lorsqu'il entend l'appellation bunkering. Un terme qui fait image, qui sert à intéresser les gens et qui s'inscrit dans une stratégie de marché destinée à faire vendre dans le domaine de l'immobilier, pense-t-il.

Rien de bien nouveau à son avis, simplement une façon différente de décrire ce qui existe pourtant depuis longtemps.

Ce qui est perçu à tort comme une «solution miracle» pour Los Angeles ou Washington, ne s'adapte pas à toutes les sociétés, avise M. Cossette.

«Au Québec, comme dans les pays latins, la vie sociale, celle de la cité, a son importance. Le bunkering va à l'encontre de ça!» Une situation qui se retrouve également sur le Vieux Continent, alors que le phénomène est là aussi très marginal. «Ça protège de l'extérieur, mais tu ne peux en sortir! Ça satisfait certaines personnes, souvent des gens riches, mais pas toutes», poursuit l'homme de marketing. Pour lui, il s'agit d'une façon d'entrevoir sa demeure dans un cadre «à la Disneyworld», qui reste très états-unienne.

«Au Québec, on n'est pas dans cette civilisation. Je doute qu'on en arrive là!»