Il n'a jamais vraiment disparu, mais le velours se fait néanmoins de plus en plus présent dans les boutiques de meubles ou de tissus et dans nos demeures. Fauteuils, canapés, rideaux, têtes de lit... sa douceur séduit !

Le retour du velours

De soie, il a habillé les rois et fait le siège doux sous le popotin du haut gratin. De coton, il a vêtu les gueux, les preux et le pouf des sixties. Il a traversé les siècles en s'adaptant à l'air du temps. S'il s'est éclipsé parfois, c'était pour mieux revenir. Comme maintenant. « Oyez, oyez, bonnes gens, le velours est de retour ! »

« Fake news », comme dirait un certain personnage. Le velours n'est jamais parti.

« C'est une matière qui a toujours été utilisée dans le haut de gamme, affirme Patrick Demers, de Crescendo tissus et papiers peints. Ce qu'on remarque, ce qui est une tendance assez nette, c'est qu'on retourne tranquillement vers les choses plus traditionnelles. Et comme le velours est une matière traditionnelle, on en voit de plus en plus. »

Crescendo, cet établissement de la rue Sainte-Catherine Ouest qui ne vend qu'à des professionnels de décoration intérieure, fait la part belle au velours dans ses collections de tissus. On en trouve de diverses origines et compositions, qui peuvent coûter entre 120 et 750 $ la verge ou le mètre. « Les gens qui investissent autant veulent que ça dure. Ce qui est hyper tendance se démode rapidement », résume M. Demers.

TOUT EST DANS LA MANIÈRE

Chez Bonaldo, boutique de meubles d'importation du Vieux-Montréal, le propriétaire, Louis Pauzé, assure lui aussi que le velours a toujours eu la cote, malgré les tendances.

« J'ai envie de dire qu'il n'y en a pas, de tendance. On vit dans le multi-tendances. Il n'y a rien de laid, tout est dans la manière. Il y en a qui font des oeuvres d'art avec des matériaux peu nobles. D'autres qui travaillent avec des matériaux extraordinaires et font des chnoutes. »

« Il y a quelque chose de riche et de réconfortant avec le velours, évalue M. Pauzé. Ça fait : viens t'asseoir, on va jaser. Et c'est un tissu qui se modifie avec la lumière. Il n'y en a pas beaucoup qui font ça. »

À PAS FEUTRÉS POUR COMMENCER

Chez Mobilia, on est entré dans le velours à pas feutrés, avant de foncer. « On a commencé à en voir l'année passée dans les salons en Europe, explique le président, Johannes Kau. On a pris quelques pièces. Mais cette année, ç'a été très fort au show de Milan. On s'est dit que c'était le moment. On a maintenant une panoplie de sectionnels, fauteuils, sofas, chaises d'accent... »

« Il y a beaucoup d'évolution dans la fabrication des tissus, soutient M. Kau. On a des velours mixtes très résistants et faciles d'entretien. Même les vrais velours [en fibres naturelles] sont plus faciles à entretenir. »

ACCROCHER LA LUMIÈRE

Roche Bobois est réputé pour ses meubles en cuir, mais on y trouve aussi de belles pièces en velours. « Il y a plus de velours maintenant, reconnaît Guy Philippe Bélanger, directeur au centre-ville, à Montréal. Les gens ne viennent pas spontanément pour ça, mais quand on en présente, ils aiment et ils achètent.

« Le velours est douillet, il apporte un côté luxueux au meuble, il a des reflets, c'est vivant. On pense que c'est délicat, mais un velours de bonne qualité est très résistant. »

- Guy Philippe Bélanger

Dans le design, c'est « anything goes », illustre Suzanne Marques, designer chez CM Textiles. « J'aime le velours, mais je vais selon les besoins du client, dit-elle. Ça dépend toujours de l'usage qu'on en fait. Est-ce pour une personne seule ou une famille avec de jeunes enfants ? Y a-t-il des animaux ? »

Côté couleurs et textures, le choix est infini. On trouve des imprimés, des appliqués, des velours côtelés brillants, des mats ou semi-mats...

« On peut avoir un divan d'une couleur neutre et faire le punch avec un fauteuil ou des coussins, de dire Mme Marques. Le but, c'est de toujours aller chercher un point d'intérêt, avoir un wow ! »

L'ENVERS DU VELOURS

Le velours séduit et ajoute de la classe à un décor. Mais il a aussi des contraintes qu'il faut accepter. C'est un tissu à flatter dans le sens du poil. Il faut respecter le sens lors de la confection, car il ne reflète pas la lumière pareillement dans un sens ou dans l'autre. « Et si on le confectionne à l'envers, l'usure va faire que tous les poils vont se lever », signale Patrick Demers.

Côté entretien, pour la poussière, on passe l'aspirateur sur les meubles de velours. En ce qui concerne les taches, ça dépend du tissu. « Il y a beaucoup de techniques qui font que le velours est traité antitache ou anti-écrasement, précise M. Demers. On a ici un velours haute performance de coton sur lequel on peut renverser à peu près n'importe quoi, et il ne tachera pas. On échappe un café, on l'éponge. »

Le velours n'est pas immuable, cependant. Il faut accepter que le velours de soie, par exemple, va marquer. « La matière va prendre de la patine avec le temps, indique M. Demers. Mais encore là, ça dépend du velours et de sa hauteur », dit-il.

Photo François Roy, La Presse

Des fauteuils de velours qui forment un grand sectionnel coloré. Chez Roche Bobois.

Populaire à travers les âges

Le velours est velu, comme son nom latin vilosus l'indique. Velu d'un côté et ras de l'autre, c'est le principe. C'est la trame de fond, soit l'envers du tissu, qui lui donne sa souplesse ou sa fermeté.

C'est en Orient que les premières pièces de velours auraient été créées, probablement au Cachemire. Au XIIIe siècle les Italiens importaient le velours de Perse, pour l'habillement et l'ameublement. Au fil du temps, ils se sont mis eux aussi à en fabriquer, notamment à Venise, Milan, Gênes et Florence. Ils ont enrichi les étoffes de soie avec des broderies, y ont inséré des fils d'or et d'argent pour créer des velours de grand apparat. Les Français, très friands de belles étoffes, importaient les velours d'Italie, avant de commencer à les fabriquer eux aussi, vers le XVIe siècle. L'Espagne, l'Angleterre et d'autres pays sont devenus aussi de grands veloutiers. Des inventions, notamment du métier à tisser Jacquard, en France, en 1804, ont amélioré la production.

Les tableaux d'époque témoignent de la popularité du velours à travers les âges, à la fois dans l'habillement et l'ameublement. Autrefois réservé aux puissants, le velours s'est démocratisé avec le temps. Le velours côtelé, apprécié pour sa chaleur et sa résistance, a notamment été adopté par les ouvriers.

Aujourd'hui, la soie, le coton, la laine et le lin sont toujours utilisés pour la fabrication du velours. Mais on le trouve également composé de matière synthétique ou en mélange de fibres naturelles et synthétiques pour combiner les qualités de chacune.

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Un velour imprimé, 55 % viscose et 45 % coton, à 504 $ le mètre, chez Crescendo.