Les cartes géographiques recèlent d'indéniables beautés. De quoi inspirer certains créateurs.

Le monde en couleurs de Bess Callard

Il y a beaucoup de vie dans les cartes signées English Muffin. Certainement parce que la créatrice Bess Callard a décidé de se lancer dans la conception de cartes et d'affiches lorsqu'elle enseignait l'anglais aux petits Autrichiens, quand elle vivait là-bas. «Je trouvais que le matériel éducatif n'était pas... beau! J'ai commencé par faire un abécédaire», explique cette Ontarienne, dans un français impeccable. C'est donc pour les enfants qu'elle crée, mais avec toute la famille en tête. Et toujours avec le souci que ses jolies affiches au mur serviront à quelque chose de plus que décorer une chambre: apprendre la géographie, connaître les migrations des animaux, reconnaître les lettres, les différentes feuilles des arbres...

Bess Callard a passé les trois dernières années à Montréal. Elle vient de plier bagage pour quelques années en Allemagne. Ensuite, qui sait? Peut-être que faire des cartes donne des ailes!

Il y aura probablement bientôt un nouveau bébé dans la famille English Muffin: un livre d'histoires. Tout aussi coloré que l'ensemble de l'oeuvre!

englishmuffinshop.com

La poésie de Rachel Austin

Lorsqu'elle a commencé son travail avec les cartes, il y a neuf ans, la peintre Rachel Austin avait une boîte pleine de cartes géographiques amassées au fil des ans. Simplement parce qu'elles étaient belles. «J'ai toujours aimé les cartes, confie Rachel Austin. J'aime leur symbolique. J'aime qu'elles nous disent où nous sommes, où nous allons.»

Aujourd'hui, les gens lui donnent leurs vieilles cartes pour qu'elle les utilise comme canevas pour ses toiles. Au départ, le lieu importait peu. «Il m'arrivait même de mettre la carte à l'envers.» L'artiste a toutefois toujours eu une attirance pours les bleus des mers et des lacs et pours la côte ouest américaine, elle qui vit en Oregon.

Aujourd'hui, la peintre américaine reçoit beaucoup de demandes spéciales. Des gens qui veulent un tableau fait à partir d'une carte d'un endroit significatif pour eux. La commande spéciale débute par une bonne discussion, puis l'artiste fait quelques recherches afin de créer l'harmonie entre la carte et l'histoire. En représentant des plantes indigènes de la région, par exemple. Un processus assez émouvant, souligne Rachel Austin.

rachelannaustin.com

Photo fournie par Rachel Austin

Les jolis quartiers de Tania Willis

«Je crois que nous sommes fascinés par les cartes parce qu'elles sont à la fois belles, mystérieuses et aussi une forme pure d'information, estime l'illustratrice Tania Willis. Observer les cartes peut être très rassurant parce que cela nous permet de nous situer dans le monde et ça le rend moins immense, moins imposant.»

C'est par le vin que Tania Willis est devenue une spécialiste des cartes. L'illustratrice travaillait pour le South China Morning Post, à Hong Kong, lorsqu'on lui a confié une série d'articles sur les vignobles du monde. «Nous avons travaillé là-dessus pendant trois ou quatre ans, avec une région viticole différente chaque semaine. J'ai commencé à aimer l'art de la carte et à comprendre ce qui fait une belle carte, ce qui la rend claire et efficace. Comment lui apporter un petit quelque chose d'unique, qui reflète bien chaque pays, que ce soit grâce aux paysages ou peut-être par un trait culturel qui exprime bien l'endroit. Dans notre cas, c'était le vin.»

Et ce fut la piqûre. L'artiste s'est mise à s'intéresser à l'histoire des cartes, surtout celles du XIXe siècle. «Je suis devenue obsédée par les cartes, confie Tania Willis. J'étais aussi très inspirée par les cartes de mon enfance, celles des livres d'histoires comme Bilbo le Hobbit. Aujourd'hui encore, je trouve absolument fascinant de cartographier des mondes imaginaires.»

taniawillis.com

Photo fournie par Tania Willis

Les pays à dévorer de Caitlin Levin

Il s'agissait au départ d'un projet purement artistique. Caitlin Levin est styliste alimentaire, Henry Hargreaves, photographe. Ils avaient déjà travaillé ensemble lorsqu'ils ont eu l'idée de créer des cartes entièrement faites d'ingrédients. Un seul ingrédient pour tout le pays ou même tout le continent. Et puis, ce projet purement artistique est devenu un peu politique. «J'aime beaucoup voyager et la nourriture en dit long sur un pays et ses habitants», explique Caitlin Levin. Les cartes du tandem ont été remarquées. Beaucoup de bravos et un lot de critiques, aussi. On leur reprochait des imprécisions et des choix éditoriaux basés sur des clichés. Certaines cartes ne sont pas innocentes, avoue Caitlin Levin, notamment celle des États-Unis. Les artistes américains ont choisi le maïs, sous différentes formes, pour composer le pays. «Nous voulions exprimer notre désaccord avec le système alimentaire américain», explique Caitlin Levin. Toutefois, à l'inverse, l'Afrique est faite de bananes simplement parce que la styliste voulait expérimenter avec les formes et voyait le fruit comme un bon défi. Plusieurs ont vu des significations politiques à ce choix 100% esthétique.

Un seul échec pour l'instant, la carte du monde faite de sucre: cette fois, le choix a été mûrement réfléchi, mais l'ingrédient s'est avéré moins docile que prévu...

hargreavesandlevin.com

Photo fournie par Caitlin Levin

Les mosaïques de Jazz Berry Blue

C'est probablement la forme des cartes qui a séduit l'artiste torontois qui se trouve derrière Jazz Berry Blue.

«Les cartes sont de merveilleux casse-tête qui joignent des milliers de petites pièces incongrues, explique-t-il. Cela finit par donner une composition grandiose et incomparable. On ne trouve rien de tel ailleurs.»

Les cartes de Jazz Berry Blue sont faites de quelques couleurs, souvent les mêmes, et rendent encore plus apparentes les limites des quartiers d'une ville. Un effet souhaité par l'artiste qui aime bien que cela mette en évidence l'organisation urbaine, avec ses limites très précises. «Je préfère les courbes et les lignes sinueuses des villes européennes et moyen-orientales», indique Jazz. Les plans des villes occidentales sont plus rigides avec leurs structures en grille. «J'aime bien réfléchir à l'effet produit par ces conceptions sur les habitants des villes, dit l'illustrateur. Lorsqu'on voyage à New York ou à Los Angeles, on a deux ou trois options pour se rendre à destination. À Paris ou à Rome, on a la liberté de choisir son chemin parmi des centaines d'options.»

jazzberryblue.com

Photo fournie par Jazz Berry Blue