Avoir un atelier à la maison, un petit coin où assouvir une passion pour la peinture, la couture, le dessin ou la poterie sans être dérangé ou devoir tout ranger chaque soir. Quatre artistes partagent leurs recettes pour transformer un recoin en havre de création.

Le minuscule

Qui: Tamara Badvek, 28 ans, créatrice des bijoux This Ilk, fabriqués à partir de fines dentelles de tissu.

Où: Tamara a aménagé un minuscule atelier à aire ouverte dans son loft de Verdun, niché sur la mezzanine où se trouve aussi sa chambre à coucher. Elle y a installé deux tables de travail - une assistante lui prête main-forte trois jours par semaine - en dessous desquelles elle a entassé, dans de gros bacs transparents, l'essentiel de ses tissus et dentelles, si soigneusement classés qu'elle en tient même le relevé sur son ordinateur pour éviter les achats en double, sinon en triple ! Ses outils sont à portée de main, balancés dans des conserves de sirop d'érable. Ses peintures et colles s'alignent sur une petite tablette de bois récupérée de son ancien logement. Travaillant souvent tard le soir, bien après le coucher du soleil, l'artiste a fixé au plafond de petits néons identiques à ceux utilisés dans les aquariums, achetés dans une animalerie. «C'est comme de la luminothérapie: ça imite les rayons du soleil, dit-elle. C'est bien meilleur pour le moral.»

Son défi: Créer un espace intime sans devoir cloisonner le loft.

On lui vole... :  L'idée d'installer, sur un mur, de petites tringles à rideaux pour y glisser tous les rouleaux de rubans, chaînettes de métal et matériaux susceptibles de s'emberlificoter. On gagnera beaucoup, beaucoup de temps passé à défaire des noeuds!

Un conseil: Exposez-vous. Tamara Badvek garde toujours des oeuvres terminées bien en vue. «C'est joli, et très encourageant de voir ce qu'on a déjà réussi à faire.» Elle a, pour cela, recouvert un pan de mur de lattes de pin, où elle peut fixer facilement le fruit de son travail.

thisilk.com

Photo David Boily, La Presse

Tamara Badvek

L'aire ouverte

Qui: Michel Beaudoin, graphiste de formation et ancien pompier de la Ville de Montréal, est peintre à temps plein depuis qu'il a pris sa retraite, il y a une douzaine d'années.

Où: Dans un duplex du quartier Rosemont, non loin du cinéma Beaubien. Michel Beaudoin a accaparé un grand bureau jouxtant la cuisine au rez-de-chaussée de la maison, dont il a abattu les cloisons. L'atelier est ainsi visible du couloir, de la cuisine, du salon et de la salle à manger. Les peintures sont omniprésentes, comme l'est le besoin de Michel de toucher à ses pinceaux, surtout en ces temps difficiles où sa femme est gravement malade et qu'il tient à rester en tout temps auprès d'elle.

Son défi: La taille! Assez costaud, Michel Beaudoin aime travailler sur de grandes toiles, et bouge beaucoup, de surcroît. Il devait donc aménager un bel espace où se mouvoir librement. Du coup, au lieu de travailler sur une table encombrante, il peint directement sur les murs et n'utilise qu'une petite table à roulettes, facile à déplacer, assez haute pour éviter d'avoir constamment à se pencher.

On lui vole... : L'idée géniale de recouvrir partiellement deux des murs de son atelier de gypse. L'artiste peut ainsi punaiser encore et encore ses toiles, dans un sens puis dans l'autre, sans se soucier d'abîmer la surface d'origine du mur. «Si un jour je décide de changer mon atelier d'endroit, ou de déménager, je n'aurai qu'à enlever les panneaux. Les murs seront intacts, en dessous.» En prime, les attaches sont plus faciles à fixer dans le gypse que dans les surfaces très dures de lattes de bois et de plâtre des maisons anciennes.

Un conseil: Laissez-vous un bon dégagement pour pouvoir prendre du recul sur les oeuvres et ne pas avoir toujours le nez dessus, surtout s'il s'agit de grands formats. Votre atelier est peu profond? Pensez à laisser un espace dégagé sur le mur devant la porte pour y accrocher vos toiles. Vous pourrez ainsi sortir dans le couloir pour les regarder d'un peu plus loin.

michelbeaudoin.com

PHOTOS ÉDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Michel Beaudoin se sert très rarement de son chevalet: il préfère peindre directement sur ses murs, pour plus de liberté de mouvement.

Le spacieux

Qui: Camille Lavoie est illustratrice de livres pour enfants, de romans graphiques et de contenus diffusés sur le web, notamment pour Radio-Canada. Mêlant le plus souvent réalité et fiction, elle affectionne aussi les dessins naturalistes.

Où: Camille Lavoie n'est pas à plaindre côté espace : son atelier monopolise l'immense pièce double de sa maison de La Petite-Patrie, typique du quartier avec vitraux, planchers et moulures de bois. La partie du fond est celle où naît l'inspiration: Camille y a installé ses guitares, des ouvrages de référence et un petit sofa où elle s'installe pour réfléchir à ses oeuvres. La partie à l'avant, elle, est celle de la création: il y a sur la gauche une grande table à dessin et un ordinateur; sur la droite, un bureau pour les encres et aquarelles et, entre les deux, une station surélevée pour la sculpture. L'éclairage ne manque pas, avec neuf luminaires encastrés dans chaque pièce et un store inversé pour dégager la fenêtre par le haut plutôt que le bas, et préserver une certaine intimité devant les regards curieux des passants en route vers le métro.

On lui vole...: L'idée d'installer des panneaux en métal blanc pour remplacer les traditionnels babillards en liège au-dessus du plan de travail: c'est plus pratique puisqu'on peut fixer avec des aimants les dessins, photos et objets inspirants, plutôt qu'avec des punaises qui finissent tôt ou tard par les abîmer. Et c'est plus joli de faire des compositions sur un fond blanc - ou uni - que sur un fond beige dont il faut faire abstraction. Camille Lavoie a ainsi pu conserver tous les murs de son atelier blancs.

Un conseil: Gardez un peu de place pour inviter un ami à travailler à la maison, dans l'atelier. «C'est bien d'avoir un peu de compagnie, ça permet d'échanger et ça stimule la création», dit Camille Lavoie. À défaut d'avoir autant d'espace qu'elle, on pense à tout le moins à garder à portée de la main une chaise de plus et quelques tablettes en double.

camillelavoie.com

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Ranger les papiers à plat permet d'éviter qu'ils ne s'abîment.

Le polyvalent

Qui: Noémie Vaillancourt, qui est mieux connue sous son nom de marque Noémiah. Il y a cinq ans, terminant à peine une maîtrise en littérature, elle s'est découvert passion et talent pour la fabrication de bijoux, d'abord, puis de vêtements ensuite.

Où: Noémie Vaillancourt a confisqué l'une des quatre pièces du petit appartement d'Hochelaga-Maisonneuve où elle habite avec son conjoint, travailleur autonome, confiné au salon. L'un des murs de son atelier est monopolisé par l'immense bibliothèque du couple de littéraires. Les autres sont divisés par îlots de travail: un bureau pour la création des bijoux, enseveli sous les boîtes de plumes, rubans, perles et autres accessoires; une table pour la machine à coudre industrielle, un grand comptoir pour la découpe des tissus, l'emballage des paquets, alouette, et enfin, un pupitre pour l'ordinateur avec lequel elle entretient les liaisons avec les clients, remplit les commandes et trouve de nouvelles sources d'inspiration. Même l'arrière de la porte est utilisé pour suspendre ses patrons faits main: chaque centimètre est mis à profit!

Son défi: Créer des pôles de travail très différents: elle n'a pas les mêmes besoins lorsqu'elle peaufine une paire de boucles d'oreilles et lorsqu'elle taille une robe.

On lui vole...: L'idée d'exploiter la pièce en hauteur pour gagner de l'espace au sol. Par exemple: une simple tablette posée au-dessus de sa table de découpe permet d'entasser une multitude de boîtes contenant du matériel d'expédition dont elle n'a pas besoin tous les jours. L'important est de bien sectoriser chaque type de matériel: on ne mêle pas celui des bijoux avec celui des vêtements, par exemple. Chaque collection est rangée dans une boîte différente.

Un conseil: Récupérez! Noémie Vaillancourt n'a pas dépensé une fortune pour se construire un espace ultrafonctionnel, chinant sur le web (bonjour kijiji.ca!) pour trouver ses meubles (trois bureaux!) et son précieux mannequin de couture. Une planche de contreplaqué et quelques coups de marteau ont suffi pour la table de découpe. Moins d'argent dépensé pour le mobilier, ça signifie plus d'argent pour le matériel, rappelle-t-elle.

noemiah.com

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, LA PRESSE

Noémie Vaillancourt