Dans le petit appartement de la rue Logan, à Montréal, la douceur du blanc et des antiquités chinées ici et là se déploient sur fond de créativité et d'ingéniosité. Invitation dans l'univers intime d'une artiste et de sa conjointe designer d'intérieur.

Ce calme refuge urbain, l'artiste en arts visuels Élise Palardy et la designer d'intérieur Micheline Fortin l'ont enrichi au fil du temps de tout ce qui leur plaît.

Meubles anciens, objets exotiques, textiles en lin, accessoires signifiants, photos de famille... le tout organisé et agencé avec une minutie telle que les locataires situent leur goût de l'équilibre à la limite de la manie.

Choisi il y a 20 ans davantage pour les divisions des pièces que pour la vie de quartier, le logement permettait d'y installer un atelier à l'usage d'Élise Palardy, un luxe que peu de condos peuvent offrir de nos jours.

Intacte, mais pas immuable

Aucune rénovation majeure n'est venue altérer le cachet du vieux cinq-pièces. La disposition du mobilier, l'esthétique et la fonctionnalité de l'aménagement se sont simplement améliorées avec le temps et de nouvelles ambiances se sont succédé. Après une période ethnique et de style méditerranéen où exotisme et couleurs fortes prédominaient, le cadre s'est adouci.

Dans une version très personnelle et volontairement imparfaite (des livres de décoration sont empilés sur des tables basses ou encore un fil de lampe dépasse d'un meuble antique), le décor fait maintenant un clin d'oeil aux maisons de bord de mer, avec l'omniprésence d'un blanc chaleureux et de tons neutres.

«On voulait éclaircir pour se reposer les yeux et harmoniser toutes les pièces», dit Micheline Fortin.

Afin de leur offrir un coup de jeunesse et de modernité, la designer d'intérieur s'est permis de détourner les objets et de modifier l'aspect de certains meubles vintage.

Ainsi, une table de salle à manger a été reconvertie en bureau et des compartiments d'anciens outils de menuisier servent de rangement dans la cuisine, puis les armoires de cuisine et le vaisselier encastré ont été repeints dans un vert-de-gris très doux.

«On peut donner une nouvelle vie à de vieux meubles avec un peu de peinture. Si on est réticent, on peut décaper le bois, mettre du vernis et repeindre par-dessus. Ainsi, la peinture n'entre pas dans le grain du bois», suggère-t-elle.

Art au quotidien

Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si le blanc prédomine dans l'atelier, là où les tableaux d'Élise Palardy prennent vie.

«Je joue beaucoup avec la couleur, c'est ma marque de commerce. On ne s'en rend pas nécessairement compte, mais celles-ci peuvent influencer notre oeil. C'est pour cette raison que je porte toujours du blanc, du noir ou des tons de gris quand je travaille», explique Élise Palardy, dont les oeuvres réfléchies et lumineuses sont intégrées avec subtilité partout dans le logement, comme si elles donnaient aussi le ton à chacune des pièces.

Dans ce cocon inépuisable de création où graphisme, peinture et illustration s'entremêlent, bâtons à huile, pinceaux, crayons, feuilles de polyester de mylar et cahiers à esquisses sont à portée de la main. Surchargé à souhait, l'espace est exploité jusqu'au moindre recoin dans un désordre soigneusement organisé.

Chaque détail a sa raison d'être, des lettres en plomb d'une ancienne presse d'imprimerie, souvenir du grand-père typographe, au sublime oiseau noir signé Éric Godin qui veille au-dessus du chevalier.

Univers poétique

Comme la lecture est une affaire du quotidien, revues et ouvrages sont empilés par dizaines un peu partout dans l'appartement.

Mais pour dégager l'espace, les deux femmes ont eu l'idée de poser des tablettes très haut sur les murs, à quelques centimètres du plafond.

Et afin de ne pas alourdir l'ensemble et de donner un effet uniforme et harmonieux, certains livres ont été dissimulés à l'aide de couvertures de papier blanc.

D'autres, au contraire, ont été mis en scène avec fantaisie. Dans la chambre, les oeuvres de l'auteur René Char et de sa confidente, l'écrivaine Jocelyne François, ont été placées côte à côte comme s'ils se murmuraient l'un à l'autre des secrets intimes.

Histoires à raconter

Personnalisé, original et convivial, le décor de ces deux adeptes de belles choses est aussi bien le fruit d'une patience exemplaire que d'heureuses circonstances.

Les deux locataires n'ont jamais vraiment couru les brocantes ni les marchés aux puces. Elles ont construit leur ambiance à partir de cadeaux d'amis proches qui connaissent leur goût pour les antiquités, de dons offerts lors de conversations informelles, de souvenirs de famille légués en héritage, de pièces d'art troquées entre artistes, de curiosités chinées par hasard - «parce qu'on passait par là».

Petites chaises d'origine afghane, gourde provenant du pavillon russe de l'Expo 67, table miniature sculptée, fontaine murale au passé incertain, bouteille d'apothicaire, valises d'armée servant de rangement: dans cet appartement, les objets choisis trouvent tout de suite leur place.