L'artisanat néo-mamie investit les intérieurs dernier cri. Mais il ne suffit de dérouler un tapis tressé au pied de son lit pour réussir le mariage entre le contemporain et le fait main. Découvrez les secrets pour y arriver dans les chambres du branchissime hôtel Fogo Island Inn, dans l'île Fogo, au large de Terre-Neuve.

Un fauteuil contemporain avec coussins et repose-pied tricotés, un lit orné d'une courtepointe, un tapis crocheté, du bois peint en blanc, un mur couvert de papier peint et des fenêtres pleine hauteur pour apprécier la vue sur l'Atlantique...

Voilà ce qui saute aux yeux en entrant dans une chambre du Fogo Island Inn. Ici, pas de mégatéléviseurs HD, mais un savant dosage de design, de couleurs et d'artisanat. En prime? On s'y endort en écoutant le crépitement du poêle à bois et le bruit des vagues de l'océan. Puissamment réconfortant.

Le fait main contemporain

L'intégration de l'artisanat n'a pas été prise à la légère à l'hôtel Fogo Island Inn, situé dans une île de pêcheurs au large de Terre-Neuve. D'abord, plusieurs concepteurs de talent repérés en Amérique du Nord et en Europe ont été invités à collaborer avec les artisans locaux et à s'imprégner de l'histoire, des traditions et des savoirs de l'île.

Une designer-vedette, Ilse Crawford (véritable gourou de la déco et fondatrice du ELLE Decoration britannique), a contribué à l'élaboration d'un plan directeur de l'aménagement intérieur et du mobilier de l'établissement.

La plupart des meubles ont été conçus par un designer, avec l'aide d'un artisan, et fabriqués localement. Idem pour les textiles. Courtepointes, tapis, coussins, tricots... tous ont été réalisés par des artisanes de Fogo ou des îles Change, situées à proximité. En clair, le travail manuel a été habilement dirigé... D'où ses accents de modernité?

«Notre objectif était de trouver une manière toute contemporaine d'exprimer le savoir-faire de notre communauté afin que chaque objet de l'hôtel puisse véhiculer 400 ans d'histoire et de vécu», résume Zita Cobb, philanthrope native de Fogo et présidente de Shorefast, la fondation qui possède l'hôtel.

L'artisanat a la cote

De toute évidence, cette collaboration entre gens du coin et designers a porté ses fruits. L'artisanat de l'endroit a ce je ne sais quoi qui le rend particulièrement attrayant. Les férus de design actuel pourront d'ailleurs en profiter, car les créations du Fogo Island Inn seront bientôt mises en vente.

«Les artisans possèdent un savoir-faire inestimable et mon rôle est d'en faire la mise en marché, enchaîne Zita Cobb. Il importe de leur fournir des matières irréprochables et d'assurer un contrôle de la qualité. Chaque objet dans cet hôtel est une source potentielle de revenu pour la communauté et participe à renforcer l'identité culturelle.» De son côté, Ilse Crawford, attrapée au vol entre Londres et New York, affirme: «L'artisanat, c'est le nouveau luxe. L'adresse et le temps qu'il faut y consacrer le rendent précieux.»

Passion patchwork

Yvonne Mullock, artiste anglaise aujourd'hui établie à Calgary, en Alberta, figurait parmi les participants à l'atelier consacré à l'aménagement de l'intérieur du Fogo Island Inn, en 2010.

«J'ai tout de suite été attirée par les textiles et les traditions de fabrication des courtepointes de l'endroit», dit-elle. Elle n'a d'ailleurs pas hésité à rencontrer le plus grand nombre possible d'artisanes des îles Fogo et Change. «J'allais parfois cogner aux portes», admet-elle. Après avoir minutieusement étudié leur travail, admiré leur sens de la composition et des couleurs, voire leur propension à recycler (avant l'heure), Yvonne Mullock leur a proposé une direction.

Au total, 220 courtepointes ont été confectionnées par des artisanes des environs pour l'établissement. Chaque patchwork devait comprendre diverses proportions de tissus: recyclés, vintage (offerts par des commerçants spécialisés) et neufs. Quant aux motifs privilégiés, il y a celui à bandes, à pointe folle et ceux de la collection dite «héritage».

«Les courtepointes insufflent de la personnalité aux chambres et, surtout, procurent instantanément une sensation de confort. Comme si vous étiez à la maison. Plus qu'un édredon, c'est un fragment de la culture locale», estime l'artiste.

Que faire chez soi?

Va pour le retour de l'artisanat. Mais comment étaler ses "trésors" faits main dans son décor sans détonner? «Tout est dans le dosage et l'art des mélanges», explique la Montréalaise Élaine Fortin, designer d'intérieur et d'objets. Invitée à Fogo, elle compte parmi les créateurs sélectionnés qui ont conçu du mobilier pour le Fogo Island Inn.

Selon la conceptrice, un tapis tressé ou une courtepointe s'insère aisément parmi des objets chinés, des antiquités, des photos de famille et même du design contemporain, qui réinterprète des traditions.

«L'important est de sentir que chaque objet raconte une histoire et, surtout, qu'il a été choisi avec soin», précise-t-elle. Pas question, donc, d'accumuler sans raison.

«Et n'oubliez jamais l'essentiel: privilégiez l'artisanat authentique», souligne Ilse Crawford, à la tête de l'agence Studioilse.

Non à la cacophonie!

Un truc éprouvé pour prévenir la cacophonie? Peindre l'espace en blanc, à l'exemple des chambres du Fogo Island Inn. Ainsi, les objets, même nombreux, sont mis en valeur et la surcharge visuelle évitée... Un mur peut même être recouvert de papier peint! La même astuce s'applique à la courtepointe. Il suffit de la poser sur un lit immaculé pour rehausser sa beauté.

Info: www.fogoislandinn.ca/

> À LIRE DANS LA SECTION VOYAGE: l'extraordinaire histoire de la création du Fogo Island Inn.