Qui n'a jamais feuilleté le magazine d'architecture Dwell, juste pour contempler les superbes images léchées? Les grands espaces nus, les étendues de béton, les pièces épurées traversées par un rai de lumière... Mais à bien y penser, ce dépouillement extrême n'est-il pas un peu déprimant?

Un soir de janvier 2010, deux jeunes femmes du milieu du design en ont eu assez que l'architecture contemporaine soit présentée sous ce jour impersonnel. Elles ont donc soigneusement choisi des images du Dwell, puis ont composé des légendes caustiques pour souligner à gros traits l'absurdité de certaines mises en scène. Avec leur plume acérée et leur humour sans pitié, elles venaient ainsi de créer le blogue Unhappy Hipsters, devenu viral en quelques jours.

Des exemples? Un homme couché dans son lit, livre à la main, dans une pièce recouverte de contreplaqué du plafond au plancher. «Il essayait de se concentrer sur son roman, et non sur le fait que sa chambre lui faisait penser à un cercueil en contreplaqué», dit la légende. Dans une autre image, une femme au look nonchalant regarde dehors: «Regard pensif. L'ennui dépourvu d'effort. Cela prend de la pratique.»

Molly Jane Quinn et Jenna Talbott ont finalement levé le voile sur leur anonymat et ont même lancé un livre l'an dernier, écrit par la première et illustré par la seconde.

Certes, on leur a reproché l'utilisation galvaudée du mot «hipsters» dans le titre. En effet, quels hipsters ont les moyens de se payer de telles baraques? Mais leur slogan accrocheur remplace mille fois cette maladresse: «It's Lonely in the Modern World», en opposition à celui du Dwell, «At Home in the Modern World».

Et si on ne comprend pas toujours l'humour au 14e degré des créatrices ou qu'on ne partage pas leur cynisme, on peut toujours se contenter des images qui, malgré leur froideur, ou peut-être justement grâce à elle, restent de véritables oeuvres d'art.

unhappyhipsters.com