Explosion de sauce tomate sur la moquette, graffiti clandestin sur les murs, empreintes terreuses sur les carreaux... Il n'est pas toujours facile de concilier la passion pour la déco avec les aléas de la vie familiale. Parents et designers partagent leurs meilleures astuces pour minimiser les dommages collatéraux.

Le zonage

Quand Virginie Lacroix et Frédéric Lachapelle ont choisi leur maison, en 2007, ils ont tout de suite pris certaines décisions en fonction de leur projet de fonder une grande famille. «Il était impératif que les chambres se trouvent au deuxième étage et qu'il y en ait au moins trois, précise la maman d'Élizabeth, 4 ans, et de Florence, 1 an. Le rez-de-chaussée de notre maison est à aire ouverte, ce qui facilite grandement la surveillance des enfants. Les filles ont leur propre salle de jeux au sous-sol, mais elles ne peuvent visiter le bureau, ni la salle de lavage. Pour le reste, c'est accès illimité... incluant la garde-robe de maman, leur nouveau lieu de prédilection!»

Idem pour la populaire animatrice Valérie Taillefer, qui conjure plutôt les dérapages artistiques de Stella-Ève, 6 ans, et Lili-Rose, 4 ans, en leur aménageant des zones sur mesure: «Il nous fallait absolument un endroit pour que les filles puissent exprimer leur créativité sans que je fasse une crise de nerfs! Nous avons donc installé un comptoir en mélamine dans la salle de jeux et choisi une peinture ultra-lavable pour les murs. Les filles savent qu'elles peuvent bricoler dans cet espace.»

De plus, Valérie et son conjoint Jean Airoldi ont métamorphosé leur garage pour pallier les lacunes de leur entrée principale: «Originalement, les filles devaient traverser le salon chic avec leurs bottes terreuses. Un cauchemar! Nous avons donc fait construire une porte piétonne intégrée dans la porte de garage et un vestibule pratico-pratique pour que la boue, les feuilles mortes et le sable ne salissent pas toute la maison.»

Le revêtement de sol

Pour sélectionner le revêtement des planchers, il faut prévoir les besoins des petits et des grands afin de faciliter le nettoyage au quotidien: «J'ai changé le bois de l'entrée et des escaliers qui menaient du garage à la maison, raconte la designer Julie Anctil, maman de Charles et Élizabeth, deux adorables tornades de 6 et 9 ans. La céramique survit beaucoup mieux aux petites bottes enneigées. Je me promets également de remplacer la céramique blanche de ma cuisine pour un coloris un peu plus foncé qui ne trahit pas les miettes égarées.»

Pour blinder la salle de jeux, lieu de toutes les expérimentations, la designer recommande le plancher flottant: «En plus de son coût accessible, il résiste mieux que le bois franc aux escarpins de princesse et aux folles embardées des petites voitures. Les parents surchargés seront également heureux de ne pas devoir nettoyer des joints de céramique à la brosse à dents en cas de déversement accidentel de gouache ou de jus de raisin!»

Dans la maison de la famille Taillefer-Airoldi, le confort des petits pieds nus était prioritaire. «Non seulement le prélart se lave bien et se décline en une foule de motifs ludiques, mais il se distingue par son effet isolant. J'en ai installé partout dans notre chalet familial», explique l'animatrice.

En cas de dégât d'eau, il suffit de rouler le prélart détrempé, de le faire sécher dehors comme un tapis et de le redéposer sur le sol.

Le dilemme des tapis

Accessoire incontournable pour tout aficionado du design, le tapis cause bien des migraines dans la classe parentale. Doit-on passer notre tour ou succomber sans crainte ni remords, au risque de maudire notre inconscience au premier incident venu?

«Après avoir hésité pendant de longues années, j'ai finalement décidé de sublimer mon salon avec un magnifique tapis blanc, admet Virginie Lacroix. Étonnamment, après deux ans, je ne recense toujours aucun accident au compteur familial. J'ai seulement appliqué une nouvelle consigne: interdiction de boire ou de manger au salon!»

Si la carpette disposée dans la salle à manger remporte tous les suffrages dans les magazines de déco, elle se positionne toutefois comme une bévue terrible pour tout parent tenant à sa santé mentale. «Je me suis vite débarrassée de la carpette qui décorait ma salle à manger», admet la designer Julie Anctil. En revanche, elle ne voulait pas se passer de ses deux carpettes dans le salon. «Je les ai payées une centaine de dollars seulement, pour prévenir les regrets, et j'ai choisi stratégiquement un poil un peu plus long afin de pouvoir passer l'aspirateur chaque semaine sans que les cadeaux microscopiques laissés par mes enfants ne paraissent trop.»

Selon Valérie Taillefer, les tapis de gazebo vendus dans les magasins à grande surface sont aussi un choix intelligent pour les familles: «Comme ils sont ultra-résistants, il suffit de les sortir dehors, de les passer sous un jet d'eau à haute pression, puis de les laisser sécher au soleil.»

Sauver les meubles

Amoureuse de meubles antiques, Valérie Taillefer continue de satisfaire sa passion, même depuis la naissance de ses deux charmantes fillettes. «Dans notre salon plus chic, j'ai des divans blancs de la collection Perez. C'est une petite gâterie! Les filles savent qu'elles ne peuvent ni bricoler ni manger dans cette pièce.»

Si le canapé en microfibres beige de Julie Anctil n'a pas résisté aux assauts de la vie familiale, elle confirme que son nouveau divan en cuir brun est un pur bonheur: «Il est tendance, facile d'entretien et à l'épreuve des traces de tout acabit. Dans la salle de cinéma maison, j'ai enduit mon divan en tissu de Scotchgard, un protecteur qui fait perler la plupart des liquides et qui les empêche de former des taches. En plus de ces précautions, le règlement est clair et non négociable: popcorn seulement dans la salle de cinéma maison!»

Des divans aux coussins décoratifs, en passant par les chaises en tissu, les housses lavables ont la cote chez les jeunes parents. Peu importe la nature des ravages, il suffit de tout balancer dans la machine pour que le meuble redevienne intact quelques heures plus tard. Le secret? Le tissu doit être prélavé et séché avant la confection pour éviter un rétrécissement excessif au premier lavage. «On réinstalle également les housses quand elles sont encore un peu humides, ajoute Valérie Taillefer. Du coup, elles ne deviendront pas trop serrées ou même froissées.»

Avant de prendre une décision officielle pour le mobilier, la jeune maman recommande aussi de multiplier les tests avec des échantillons. «La banquette de notre cuisine est en vinyle blanc, explique Valérie Taillefer. Avant de la construire, j'ai acheté un morceau du vinyle en question et je l'ai badigeonné de ketchup, de moutarde et de popsicle fondu. J'ai laissé mariner pendant 24 heures sur le comptoir de la cuisine. Une fois que j'ai prouvé à mon chum que la banquette serait indestructible, nous avons foncé. Trois ans plus tard, elle est toujours blanche!»

Sur les murs

Sans surprise, les familles ne jurent que par la peinture ultra-lavable, mais elles privilégient aussi les coloris moyens, puisque les couleurs foncées sont aussi salissantes que les plus pâles.

«Élizabeth a déjà enjolivé les murs de la salle de jeux avec ses crayons-feutres, se souvient Virginie Lacroix. J'étais en furie, surtout que mon conjoint et moi venions tout juste de peindre. Après la panique, le miracle: j'ai nettoyé son oeuvre artistique avec du dentifrice. J'étais sceptique, mais tout a disparu!»

Les inconditionnels du papier peint miseront sur une tapisserie non préencollée, beaucoup plus résistante que les autres. «Les jeunes enfants se frottent souvent sur les murs, constate Valérie Taillefer. Juste pour tirer la chasse d'eau, dans notre salle de bains, les filles doivent se faufiler sur le côté, ce qui finit par abîmer le papier peint. Maintenant, j'en installe seulement dans le haut des murs.»

La touche déco

Vases en plastique qui imitent le verre véritable, magnifiques plantes artificielles, accessoires muraux... Les grandes marques et enseignes rivalisent d'ingéniosité pour proposer des articles de décoration qui résistent aux parties de cache-cache.

«Si on désire tout de même acheter des vases en verre, on dépose des roches au fond du récipient pour assurer une plus grande stabilité et éviter qu'il ne se déverse au passage de nos adorables tornades, conseille la designer Julie Anctil. Les cadres, les horloges murales, les murs en pierres décoratives, les appliques murales en PVC ou en MDF laqué à l'épreuve des petits doigts chocolatés sont aussi de bons choix.»

Le rangement des jouets

Il est rarement réaliste de penser que les jouets resteront confinés à la salle de jeux. Pour minimiser l'effet bordel, on prévoit de multiples espaces de rangement qui permettront de tout planquer rapidement en cas de visite impromptue. «Dans chaque pièce où il est question que les enfants s'amusent, nous avons installé des zones réservées au rangement», explique Valérie Taillefer.

Les ottomans, coffres de rangement et tables de chevet sont non seulement des accessoires indispensables dans la salle de jeux, mais aussi dans la cuisine, le salon et la salle de bains. La contre-indication? Les meubles de rangement ouverts. «Même si on dispose chaque jour les jouets sur les tablettes, ce sera tout de même un fouillis, déplore l'animatrice de télévision. Le méli-mélo des jouets disparates devrait plutôt être caché par des meubles fermés ou des paniers colorés.»

Conciliation famille-décor

Les jeunes parents amateurs de design sont unanimes: rien ne leur est interdit. «Si j'ai un coup de coeur, je ne me prive pas parce que j'ai des enfants, assure Virginie Lacroix. Disons simplement que certains articles sont positionnés un peu plus haut sur les tablettes!»

La vie en famille exige seulement une planification accrue et un bon jugement. «Il faut faire des choix logiques pour simplifier notre quotidien, comme miser sur les matériaux durables et lavables, et surtout ne pas négliger la discipline, affirme Valérie Taillefer. Mais les parents doivent effectivement prendre certaines choses en considération que les autres propriétaires peuvent ignorer. Car oui, les enfants changent notre vie sur tous les plans... dont celui de la déco!»