S'il existe une certaine clientèle sensible au mobilier design, la demande reste assez timide au Québec. Et les entreprises québécoises de création de meubles contemporains pour enfants sont peu nombreuses.

«Il y a très peu de mobilier moderne pour enfants fait au Québec, explique Arye Bensabath, gérant de la boutique PinkiBlue. AP Industries et Natart (qui distribue les produits de l'américaine Dwell Studios), par exemple, font plus dans le classique. Je pense qu'il y a vraiment un manque sur ce plan.»

Même son de cloche du côté de la designer Mélissa Veronneau, de Dutailier, qui estime qu'au Québec, on est un peu en retard en matière de consommation. «Mais je crois que le Québec fait tranquillement sa place dans le domaine.»

Parmi les récentes initiatives, on retrouve la jeune entreprise montréalaise de meubles en carton recyclé TOYTOY. Récipiendaire de plusieurs prix en design, elle a mis sur le marché, en juin dernier, une bibliothèque et une table dans la même veine que le fameux fauteuil lancé en 2010.

Ludique, très abordable (la bibliothèque se détaille à 14,99$), le mobilier est livré à plat, et c'est l'acheteur qui se charge du montage. Les propriétaires, Mikael Mourgue et Salomé Strappazzon, voulaient offrir un mobilier intelligent, écologique et à petit prix.

De son côté, AGE Design, dont le succès est attribuable à la chaise haute HiLo, prévoit lancer un berceau pour le printemps 2013.

Par ailleurs, l'entreprise a retiré la chaise haute du marché pendant près de deux ans. «Elle était conforme aux normes canadiennes, mais le design de la tablette causait quelques problèmes. Pour corriger le tout, on a repensé la conception, on a refait les moules, recueilli le financement pour la fabrication... On est finalement revenu sur le marché en janvier 2011 et on se prépare à réintégrer le marché américain», explique le copropriétaire Patrice Guillemin.

Deux changements majeurs ont eu lieu au cours des dernières années chez AGE Design. D'abord, la production se fait désormais en Asie (et non plus au Québec). Puis le modèle d'affaires a subi une restructuration de fond. La distribution et le service après-vente se font avec l'entreprise QKidsDesign.

«Avant, on avait tous les chapeaux. Maintenant, on se concentre sur la conception et la production. On est un petit fabricant, mais avec une grosse infrastructure. On s'est rendu compte qu'on ne peut pas juste rester artisan», dit Patrice Guillemin.

La designer d'objets Sabine Merault fait le même constat. La jeune maman de deux enfants, qui a travaillé pour Hermès, L'Oréal et IKEA, a créé l'an dernier Comme D Grands, après avoir remarqué la difficulté à avoir accès à un mobilier design, multifonctionnel et ludique.

«Il y a IKEA, bien sûr, mais le choix est restreint, dit-elle. Ailleurs, les meubles sont souvent trop massifs, lourds et conventionnels. J'avais envie de montrer de nouvelles choses, des créateurs originaux et qui ne sont pas distribués dans les magasins. Je voulais aussi sensibiliser les gens à un design plus éclaté.»

L'entreprise offre sur le web (www.commedgrands.com) le mobilier espagnol évolutif BE (dans la collection, on retrouve par exemple un berceau qui devient table de jeu et un lit qui se transforme en bureau) et aimerait un jour produire son propre mobilier, si elle trouve un partenaire pour la fabrication et la distribution.

Normes et design

Sabine Merault croit d'ailleurs que les manufacturiers devraient mieux soutenir les designers. «Les industriels n'osent pas beaucoup», se désole-t-elle.

Le hic? Outre les coûts de fabrication et la distribution, fournisseurs et manufacturiers doivent également se conformer aux normes de sécurité émises par Santé Canada, ce qui limite parfois la créativité. Les procédures pour respecter cette réglementation sont chères, et lorsque le design sort des sentiers battus, le processus devient laborieux.

De plus, d'après Patrice Guillemin, il est difficile pour une entreprise qui évolue dans le mobilier design pour enfants de se limiter au marché canadien, car la demande est marginale.

«On n'a donc pas le choix d'aller à l'international, mais pour ce faire, il faut avoir les reins solides. Le projet du berceau, par exemple, existe depuis plusieurs années. Mais ça prend du temps, car on travaille la conception en amont pour non seulement respecter les standards canadiens, mais aussi ceux des pays où on veut lancer le produit.»