Qui aurait imaginé que les travaux à l'aiguille de nos (arrière) grands-mères deviendraient farouchement cotés auprès des amateurs de design contemporain. Dernièrement, le magazine français ELLE Décoration annonçait l'émergence de la tendance «mamie» avec, en guise d'exemple, le tapis tissé Karin, qui porte le nom de la grand-mère de la designer en chef de la marque suédoise Kasthall.

Cette dernière a d'abord réalisé au crochet une couverture composée de multiples carrés. Le type de couverture d'allure rétro qui nous fait reculer à l'âge d'or des catalognes et des pantoufles deux couleurs. Grâce à une technologie moderne d'impression, Gunilla Lagerhem Ullberg a ensuite transféré ce motif traditionnel sur des tapis tissés en laine et lin. Résultat : le modèle Karin est convoité par les amateurs de mobilier avant-gardiste. «Agencer des meubles contemporains à des éléments rustiques est dans l'air du temps», confirme Yves Gauthier, directeur des ventes chez Mobilier Avant-Scène, à Montréal, qui offre le tapis Karin.

Revisiter le passé

Depuis quelques années, une nouvelle génération de designers s'inspire du patrimoine artisanal québécois pour créer des objets modernes. Parmi les précurseurs, il y a assurément le collectif montréalais Samare qui a, entre autres, conçu du mobilier tressé selon la technique de la babiche et des tapis inspirés des ceintures fléchées.

C'est dans cet esprit que d'autres créateurs imaginent leurs produits, enchaîne Marie-Claude Parenteau-Lebeuf, présidente de la galerie-boutique Monde Ruelle. «C'est du design néo-trad, façon Cercles de fermières 2.0», dit-elle de façon imagée.

Parmi les concepteurs qu'elle représente dans sa galerie, il y a Mikaël Charpin. Ce dernier tricote lui-même une longue «chaussette» qui gaine le fil de ses suspensions filiformes. Il y a aussi Stéphanie Beaudoin qui recouvre du mobilier usagé d'une ancienne couverture de laine. Cette dernière est ensuite «fixée» grâce à de la résine époxy.

Sans oublier Hélène Lemieux, qui récupère d'anciens pulls tricotés pour en faire des abat-jour originaux.

«Macramé, petit point, crochet... j'adore reprendre les techniques artisanales d'antan pour mieux les actualiser, avoue Mme Lemieux. Comme ma mère qui récupérait des manteaux ou des foulards pour en faire autre chose, je me plais à détourner des vêtements ou des accessoires pour en faire des objets au style épuré», explique la créatrice, qui est la cadette d'une famille de 14 enfants.

Recyclage, version améliorée

Cette démarche s'inscrit parfaitement dans le «upcycling» qu'on a vu éclore en 2010. «En effet, Hélène Lemieux maîtrise l'art de rendre un objet encore plus beau dans sa deuxième vie que dans sa première», fait remarquer la dirigeante de la galerie-boutique Monde Ruelle.

 

Photo fournie par Kasthall

La designer en chef de la marque suédoise Kasthall a d'abord réalisé au crochet une couverture ornée de multiples carrés. Grâce à une technologie moderne d'impression, elle a ensuite transféré ce motif sur des tapis tissés en laine et lin qui portent le nom de sa grand-mère : Karin.

L'attrait pour les diverses techniques artisanales est palpable, renchérit Étienne Proulx, directeur des communications au Centre des textiles contemporains de Montréal. L'établissement offre d'ailleurs un diplôme d'études collégiales axé sur les techniques de tissage, du tricot et de la broderie. Ce DEC permet aux élèves d'apprendre à réaliser des textiles à la main, à la machine et avec des outils informatiques.

«Parmi les tendances en création, il y a assurément un retour aux pratiques traditionnelles qui sont remises au goût du jour à l'aide de matières et de techniques actuelles. Sans compter qu'il y a une clientèle qui recherche ce type de production haut de gamme et fait main», atteste Étienne Proulx.

> Le tapis Karin de Kasthall est offert chez Mobilier Avant-Scène, à Montréal, à partir de 4900 $.

> Le coût d'une suspension d'Hélène Lemieux, chez Monde Ruelle, à Montréal, est de 120 $.

 

Photos fournies par Kasthall

Le tapis Karin, dont on voit ici une vue rapprochée, est convoité des amateurs de mobilier avant-gardiste.