Japonais, scandinave, méditerranéen... Plusieurs sont tentés d'ajouter une touche d'exotisme à leur décor. Mais existe-t-il un style canadien, qui traduit notre mode de vie, en design d'intérieur? Alors que le Canada évoque encore la cabane balayée par la neige pour les étrangers, nos demeures ressemblent souvent aux catalogues des multinationales de la déco, comme partout dans le monde. Mais de plus en plus de créateurs osent célébrer castors, panaches, raquettes et autres carreautés. Après tout, les stéréotypes existent bien pour une raison!

Le designer Todd Falkowsky, cofondateur du studio canadien Motherbrand, est un des auteurs du site Internet The Canadian Design Ressource, un répertoire en constante évolution. «C'est un moyen de nous comprendre nous-mêmes», écrit M. Falkowsky, basé à Vancouver, au Soleil. «Qui sommes-nous? Qu'est-ce qui nous intéresse? Les meilleures réponses sont obtenues en regardant les produits d'une culture.»

M. Falkowsky a notamment enseigné au Ontario College or Art and Design et a étudié le design aux Pays-Bas, en France et en Italie. Le designer voit trois styles dans les chaumières canadiennes. Le premier - et le dominant - est un «affreux mouvement de design identique et extrêmement ringard», vendu par RONA, Home Depot et Ikea. Ce faux style universel du bon goût offert en agencements «prêts-à-porter», est complètement déconnecté de qui nous sommes, juge-t-il.

Le second, décrit-il, est un modernisme fédéral qui s'est épanoui pendant les célébrations du centenaire de la Confédération et de l'Expo 67. On le voit dans les vieux aéroports, les bâtiments civiques et les maisons de la fin des années 60 aux années 80.

Le dernier est tiré directement de nos symboles et de notre environnement, d'après lui. Ce qui inclut le chalet, la patinoire et le petit village, ces mêmes stéréotypes soulignés par les étrangers. Ce style populaire relève davantage du désir des gens de créer leurs propres moyens d'exprimer qui ils sont, que du design, pour M. Falkowsky. «C'est dans ce style que nous voyons les magnifiques différences provinciales : une maison à Vancouver reflète les jours pluvieux et la montagne, versus une maison du nord adaptée au froid ou un chalet québécois plein de raquettes et de meubles en bois rond.» Mais ce style est attaqué, il faut l'apprécier pour prévenir sa disparition, avertit le designer.

Grâce au mythe développé par l'industrie du tourisme, le Canada est vu comme «une grande cour arrière vierge», note Todd Falkowsky. Interrogée sur le sujet, la journaliste indépendante norvégienne Astrid Hagen Mykletun, qui couvre notamment le secteur du design, indique aussi que «le style canadien lui fait penser à des couvertures de laine dans des couleurs terrestres chaudes, des cabanes de bois rond rustiques, les promenades en montagne et le sirop d'érable».

Cette image peut nous aider ou nous freiner, souligne M. Falkowsky. La fourrure, le bois, la roche, la forêt, c'est un point de départ. Utiliser ce langage ou tous se rallier contre lui pourraient, tous deux, produire du bon travail, croit l'ancien enseignant.

Mais pour Todd Falkowsky, le vrai style canadien est avant tout ces objets antidesign, avec une saveur locale, développés dans un but utilitaire et de durabilité, ainsi que pour réutiliser des matériaux disponibles par ces hommes, ces fermiers ou ces cow-boys qui pensent à réparer avant de remplacer. «Bûcheron chic», diront certains, «chalet rustique», penseront d'autres.

Célébrer la nature

Plusieurs firmes de design canadiennes actuelles s'identifient d'ailleurs avec des noms naturels. White Moose («orignal blanc»), Castor canadiensis, Samare (le fruit de l'érable)... Avec sa chaise Trappeur couverte de poils de mouton, sa chaise longue Mush! (expression de la pratique du traîneau à chien) tissée en babiche ou sa table baptisée Drave, le collectif québécois Samare ne peut d'ailleurs qu'évoquer fortement l'esprit des grands espaces canadiens!

«On voulait prendre des éléments très canadiens ou très québécois et les présenter d'une manière très internationale», explique la designer Laurie Bedikian du collectif Samare, qui ajoute que le design canadien est pratiquement inconnu sur la scène internationale. «On voulait sortir de cette image qu'on vit dans des igloos!» illustre-t-elle. En même temps, Samare reprend des éléments forts de la culture, folkloriques même, pour éduquer; «une révolution de la babiche»!

L'idée de «design canadien» évoque normalement des images «kitsch, presque quétaines», note Mme Bedikian. Leur idée d'utiliser la babiche et sa technique de tressage traditionnel pour créer des pièces contemporaines a d'abord fait froncer plusieurs sourcils. Mais Samare a gagné son pari en attirant la curiosité de visiteurs de partout dans le monde.

Castor, de son côté, offre notamment un tabouret éponyme, une «bûche» de calcaire rongée en son centre, ainsi que des reproductions de panache en bronze ou en aluminium.