Dans l'esprit des gens, les années folles sont synonymes d'un style de vie trépidant qui a commencé juste après la Première Guerre mondiale. Pour oublier la guerre et ses horreurs, le monde entre alors en ébullition. Chaque jour donne lieu à une nouvelle idée, à un exploit, à des découvertes plus extraordinaires les unes que les autres. Qu'on pense seulement au charleston, à l'automobile, au téléphone, à la théorie de la relativité d'Einstein, à la psychanalyse de Freud.

C'est aussi à cette époque qu'émergea l'Art déco, qui englobe une variété de styles marqués par l'aérodynamisme, la géométrie angulaire, les courbes. Dans le mobilier, la tendance Art déco s'exprime par des tables rondes, ovales ou rectangulaires aux angles cassés, des commodes à la façade galbée, des guéridons, des cendriers sur pied. Les classes ouvrières se laisseront séduire par ces nouveautés. Mais l'épopée des années folles mourra subitement avec le krach de 1929, alors que l'Art déco continuera d'influencer la planète.

Jean Daoust s'intéresse à l'Art déco depuis au moins 25 ans. Sa collection de meubles et d'articles de toutes sortes est imposante et s'expose dans toutes les pièces de son gîte Aux Années folles, de la rue des Saules à Québec. Une maison construite en 1940 par Edmond Lafond, dont l'intérieur nous plonge littéralement dans l'atmosphère de l'après-guerre. Les meubles, les luminaires et la vaisselle évoquent les années 30-40. Mais c'est en voyant la cuisine et les salles de bains qu'on comprend mieux la passion de Jean Daoust pour l'Art déco. Ces pièces sont des reproductions d'époque. Le souci du détail y est omniprésent.

Dans la cuisine, les armoires, les comptoirs et les buffets réalisés par les ébénistes André et Pierre Gosselin sont des petits chefs-d'oeuvre d'authenticité. Faites en bois de merisier foncé, les armoires montent jusqu'au plafond. Les panneaux avec moulures sont garnis de poignées en forme d'étoile dénichées chez un antiquaire. Les buffets ont des rondeurs comme autrefois. Le mobilier de cuisine, avec ses chaises à pattes chromées et son dessus en Arborite, colle davantage aux années 50, mais il découle de l'Art déco.

Le designer Rémy Gauthier a participé aux rénovations des Années folles. «Il m'a conseillé sur plusieurs points, explique M. Daoust, notamment pour la céramique des salles de bains, dont le format, le motif et les couleurs correspondent à ce qu'on voyait dans les hôpitaux du Québec, il y a 75 ans. Et ça, c'était typiquement Art déco», ajoute-t-il.

Mais l'idée d'avoir une maison entièrement meublée dans ce style s'est concrétisée avec l'achat de la propriété de la rue des Saules, souligne M. Daoust. «Jusque-là j'avais beaucoup voyagé et pour ma retraite, je voulais que le monde vienne chez moi afin de leur faire partager ma passion de l'Art déco.» Or, la solution la plus réaliste a été d'ouvrir un gîte. Un endroit que l'ex- professeur de cégep a transformé graduellement pour lui donner la personnalité des Années folles.

Pour les touristes qui y passent, le gîte de quatre chambres à coucher offre un vrai dépaysement. L'ameublement, les tentures et les vieux albums de Tintin ramènent à une autre époque. C'est comme si on faisait un retour vers le passé de 80 ans.

Partout dans la maison, des radios de plastique aux formes arrondies, des spécimens d'horloges modernes, des luminaires aux motifs géométriques, d'autres trouvés dans une église de Saint-Gervais. Au-dessus de la porte d'entrée, un vitrail qui reprend le motif des portes françaises du boudoir. Et surtout, beaucoup de petites tasses et d'assiettes que Jean Daoust a dénichées en visitant les marchés aux puces et les boutiques d'antiquités.