Le bois lamellé-croisé, communément appelé «panneaux massifs», «est probablement la chose qui excite le plus les architectes et l'industrie du bois en Amérique du Nord», soulève Richard Desjardins, directeur du programme de systèmes de construction à l'institut de recherche forestier FPInnovations. Ce produit structural, qui a vu le jour en Autriche il y a une quinzaine d'années, est principalement utilisé dans son pays d'origine, en Allemagne et en Scandinavie. On élabore actuellement la «recette» canadienne.

Planchers, toits, murs... Il est possible d'ériger tous les côtés d'un bâtiment grâce aux panneaux massifs. Le bois lamellé-croisé viendra bientôt s'ajouter aux deux autres techniques de construction de bâtiments en bois qui sont employées au Canada. «Ici, les bâtiments en bois sont construits en plate-forme. Surtout dans le résidentiel, c'est ce qu'on voit partout au Canada, explique Richard Desjardins. Sinon, on fonctionne en poteaux-poutres, surtout dans le gros bois.» On pourra utiliser la technologie d'origine européenne seule ou l'incorporer aux autres techniques de fabrication.

 

La communauté des architectes canadiens est avant tout intéressée par les panneaux massifs pour ses propriétés écologiques, du point de vue du développement durable et de la réduction des impacts environnementaux de la construction, indique Christian Dagenais, ingénieur en structure au centre d'expertise sur la construction commerciale en bois Cecobois. «C'est un matériau naturel. Ça demande zéro énergie pour le faire pousser. La coupe et la transformation ont un impact minime comparativement à l'acier ou au béton.»

L'objectif européen était d'ailleurs de faire la capture de dioxyde de carbone (CO2). On souhaitait réduire tant les émissions de carbone du produit fini que de tout le processus de construction. La fabrication de béton et d'acier demande beaucoup d'énergie, produisant ainsi davantage d'émissions polluantes. Au contraire, le bois stocke le carbone en croissant, l'emprisonnant pour toute sa durée de vie.

Construction simplifiée

Les panneaux de laminé-croisé sont préfabriqués à partir de languettes de bois d'oeuvre collées ensemble. Plus ou moins épaisses (de 25 à 50 millimètres), les pièces de bois sont croisées et laminées en rangs. La plaque ainsi créée peut mesurer entre 140 et 300 millimètres d'épaisseur, jusqu'à deux mètres et demi de large et quelque 26 mètres de long. Les panneaux sont découpés au robot pour pouvoir y insérer les fenêtres et les portes.

«Les plaques enlèvent beaucoup de questions du côté des détails», note M. Desjardins. Les panneaux sont assemblés, vissés et boulonnés les uns aux autres. Tout simplement. Pour l'ingénieur aussi, la construction s'avère beaucoup moins compliquée. «Elle est faite à 100 % en bois, peu importe le type de charpente, c'est moins compliqué qu'une structure hybride, car les matériaux ne réagissent pas pareil avec le temps. Si ça varie de la même façon, c'est beaucoup plus facile à calculer», remarque l'ingénieur Christian Dagenais.

Des milliers de bâtiments en Europe sont construits de la sorte. Quelques compagnies ont conçu leurs propres panneaux. «Plusieurs recettes du même gâteau, note M. Desjardins. Au Canada, on cherche à standardiser le tout.» Nordic Bois d'ingénierie (la même compagnie qui a fourni les produits en bois pour le stade Chauveau à Québec) a promis de livrer des panneaux massifs d'ici la fin de l'année, annonce M. Desjardins.

Le marché niche se trouve dans la construction de bâtiments de trois à huit étages, en ville, afin de prévenir l'étalement urbain, pense M. Desjardins. «On va pouvoir démontrer la résistance mécanique, la sécurité incendie et la flexibilité du matériel», souligne-t-il. «Le propre du panneau est de ne créer aucun vide, donc pas de propagation de l'incendie possible», spécifie M. Dagenais.

«C'est un produit structurel. Ça amène beaucoup de rigidité aux bâtiments», poursuit-il. On peut d'ailleurs construire des bâtiments de plusieurs étages avec ce matériau. Stadthaus, le plus haut bâtiment d'habitation en bois du monde, a été construit en panneaux massifs par le cabinet d'architectes Waugh Thistleton, à Londres, du premier niveau jusqu'au sommet. L'immeuble de neuf étages sur Murray Grove offre 29 appartements depuis 2008. Le cabinet «a clamé qu'il pouvait réaliser le chantier 22 semaines plus vite que si le bâtiment était en béton armé», indique M. Desjardins. L'immeuble a été réalisé en neuf semaines.