Jean Verville et sa conjointe, l'artiste-céramiste France Goneau, vivaient dans un appartement peint en noir avant d'emménager dans leur maisonnette du Plateau Mont-Royal. L'intérieur de leur propriété actuelle est d'une blancheur immaculée et le parement de brique est couvert d'un scellant noir opaque.
Adepte du style minimaliste, Jean Verville ne fait pas dans la demi-mesure. Il aime explorer de nouvelles pistes en matière d'architecture domestique et ses «matières» favorites sont le blanc, le noir et le bois.
«En architecture comme en médecine, on se spécialise et la portion de mon travail qui me passionne, c'est la conception», avoue-t-il.
Mais revenons au blanc et au noir: comment peut-on vivre dans un aménagement intérieur sombre sans broyer... du noir, justement?
«Nous avons pu opter pour le noir dans notre ancien logement, car il était doté de grandes fenêtres orientées au sud et de plafonds d'une hauteur de 15 pieds (4,6m), alors qu'ici, c'est différent, justifie l'architecte. La maison est petite (900 pieds carrés ou 84 m2), la grande baie vitrée est exposée au nord et les plafonds ont une hauteur de neuf pieds (2,7m).»
Rassurant, serein et lumineux, le blanc s'est donc imposé. Surtout, il possède le pouvoir d'agrandir visuellement l'espace. En prime, sa pureté évoque l'esprit d'une galerie d'art. Ainsi, chaque ouverture se transforme en une sorte de tableau. Par la même occasion, le blanc met l'être humain en évidence.
Pourquoi les architectes aiment-ils le blanc?
Le blanc exprime la modernité et la nouveauté. Surtout, il permet d'aller à l'essentiel et d'amplifier la netteté des lignes et des volumes. Pas étonnant que les architectes modernes, dont Loos, Le Corbusier et Mies van der Rohe l'aient exploité. Aujourd'hui, plusieurs architectes contemporains réputés, comme Richard Meier et le très minimaliste John Pawson, demeurent des disciples du blanc.
À ceux qui croient que le blanc est froid et sans âme, Jean Verville répond qu'au contraire, sa pureté et sa luminosité enrichissent et rehaussent la simplicité d'un aménagement. Le soir, un espace immaculé peut devenir (très) inspirant grâce à de la musique et de l'éclairage judicieusement installé et réglé avec des gradateurs.
Il admet toutefois qu'un blanc bleuté appliqué dans un lieu aux piètres qualités spatiales risque de le transformer en «laboratoire» rabat-joie.
«D'où l'importance de sculpter l'espace par la volumétrie», suggère-t-il.
C'est-à-dire? «Au lieu de concevoir des espaces blancs conventionnels, vaut mieux les magnifier avec des hauteurs différentes, des perspectives efficaces, un jeu de volumes et de la fenestration généreuse», répond-il.
L'architecte va plus loin: plutôt que de craindre le blanc, il propose la démesure. «La démesure dans l'utilisation d'une seule couleur (comme le blanc) ou d'un matériau dans un espace, petit ou grand, procure des effets plus grands que nature. En somme, less is more.»
Voilà qui explique pourquoi le concepteur a choisi un seul recouvrement de sol pour l'appartement d'une cliente, propriétaire d'une unité d'habitation au complexe Westmount Square. Du marbre blanc aux veines dorées couvre les 2500 pieds carrés (232 m2) des lieux. Il compose également le dosseret de l'espace de préparation ainsi que la structure de l'îlot de cuisine.
«Le même effet d'unité aurait pu être obtenu avec de la céramique pâle, du béton couvert d'époxy clair ou même du bois blanchi», note le spécialiste.
Pas n'importe quel blanc
Neige, crème, craie, grège, ivoire... les tonalités de blanc sont quasi infinies. Il est donc conseillé de bien la choisir. «On ne sélectionne pas un blanc dans un bureau d'architecte», insiste Jean Verville. Ce dernier se rend plutôt chez son client à la suite de l'application d'une couche primaire sur les murs. Muni d'échantillons de blanc, il détermine celui qui sera approprié, selon la lumière du jour. Même démarche pour le choix d'un noir. «Je dois observer les différentes tonalités sur place, surtout si elles sont brillantes», dit-il.
Effets graphiques
Tout le monde connaît les pouvoirs «amincissants» des vêtements noirs. Eh bien, le même principe s'applique aux matériaux défraîchis comportant des défauts. «Le noir ennoblit un matériau banal et dissimule les ombres formées par les défauts. Autrement dit, il uniformise les surfaces», résume l'architecte vêtu de noir. Autre attribut: le noir, indémodable, sert à créer des contrastes avec le blanc. Des effets graphiques peuvent ainsi être produits.
La chaleur du bois
Une des tactiques éprouvées pour réchauffer un environnement immaculé est assurément d'y intégrer du bois. Associé à l'archétype de la maison en bardeaux de cèdre et aux meubles de nos ancêtres, le bois demeure intensément rassurant, rappelle l'architecte. Ce dernier aime utiliser le bois sous forme de pièces de mobilier, pour lambrisser un volume ou même comme teinte dominante d'un lieu. «Une propriété peut être habillée de bois à l'intérieur comme à l'extérieur et ce sera un volume en gypse blanc ou noir qui fera contrepoids», fait-il remarquer.
Une touche de rouge?
Même s'il privilégie la monochromie, Jean Verville aime injecter à l'occasion une dose de couleur vive dans un lieu. Ainsi, un rouge éclatant ou un jaune vibrant peut aisément délimiter un volume et ainsi personnaliser un aménagement.