Vous voyez ses chaises dans les bureaux, dans les maisons et dans les musées. On dit de sa Série 7 qu'elle est la plus copiée et la plus vendue au monde. Son concepteur, le Danois Arne Jacobsen, est considéré comme le «père du design scandinave». Les Québécois en sont fous.

Vous voyez ses chaises dans les bureaux, dans les maisons et dans les musées. On dit de sa Série 7 qu'elle est la plus copiée et la plus vendue au monde. Son concepteur, le Danois Arne Jacobsen, est considéré comme le «père du design scandinave». Les Québécois en sont fous.

 «Ceux qui se l'offrent sont des avant-gardistes, des gens qui ont le goût de l'innovation», résume Pierre Jolicoeur, propriétaire de la boutique De Retour, à Québec, spécialisée dans le mobilier des années 50.

 Il possède lui-même, depuis une dizaine d'années, une chaise Egg (OEuf) qu'il considère à juste titre comme «une icône». Pour la fabriquer, en 1958, Jacobsen avait exploité une «invention des chimistes» : le polyu- réthane expansé et tendu d'étoffe. Elle a célébré ses 50 ans l'an dernier. Avec sa forme «organique» de «sein maternel», elle nous invite à s'y lover.

 La chaise Ant (Fourmis) figure elle aussi parmi les plus grands succès commerciaux du design. Empilable, peu encombrante, jolie, amusante, confortable; elle a les qualités esthétiques et ergonomiques propres aux objets les plus simples et les plus durables.

 «Les Fourmis d'origine sont rares, soutient Pierre Jolicoeur. Et les modèles à trois pattes, plus encore. Il faut aller à Toronto pour les trouver.» En 1951, en effet, Arne Jacobsen avait assis la coque de forme zoomorphe sur trois pattes. Mais à sa mort, en 1971, l'éditeur Fritz Hansen a réalisé un modèle à quatre pattes, que Jacobsen n'avait jamais accepté de valider.

 Hansen est le fabricant de meubles danois qui détient les droits de réédition sur les fauteuils de Jacobsen. «Il a un gros catalogue, qui s'est étoffé avec l'engouement pour le mobilier moderne», mentionne Pierre Jolicoeur.

Copies

 Ce dernier observe que les meubles de Jacobsen ont été beaucoup copiés, ce qui en a fait chuter la valeur. «Les copies sont moins confortables et moins légères», nous prévient-il.

 Arne Jacobsen est né à Copenhague en 1902. Ses premiers travaux d'architecture sont inspirés des théories du Suisse Le Corbusier et de l'Allemand Mies Van Der Rohe. La rupture survient lorsqu'il commence à concevoir des meubles pour l'industrie. Il imagine ses sièges «de façon artistique», en élaborant une maquette de plâtre grandeur nature.

 Il s'affranchit des rembourrages et des capitonnages et choisit le contreplaqué de bois courbé revêtu de hêtre pour dessiner, en 1955, la forme de sa Série 7, «entre sablier et guêpière». Objet-culte, cette chaise est aujourd'hui campée sur trois pieds. Mais à l'époque, elle avait quatre pieds de métal tournés vers l'extérieur.

Architecte

 Jacobsen était déterminé à produire en industrie des objets d'aussi bonne qualité que ceux fabriqués à la main, en atelier. Le temps lui a donné raison.

 Le Danois s'est aussi illustré en architecture. L'aérogare de la compagnie aérienne SAS et l'hôtel Royal de Copenhague (aujourd'hui appelé Radisson SAS Royal Hotel) figurent parmi ses réalisations les plus célèbres. Il a dessiné pour ces immeubles tous les détails des textiles, tous les meubles, dont les fameux fauteuils Swan et Egg, ainsi que les luminaires, les couverts et les cendriers.

 Pierre Jolicoeur affirme que cette polyvalence a contribué à la notoriété d'Arne Jacobsen. Dans sa boutique de la rue Saint-Paul, il croise régulièrement des fans du Danois. Ne vient-il pas de vendre quatre Série 7 à un même client? Combien? Environ 200 $ chaque, selon l'essence de bois.

 

Photo tirée du livre Design du XXe siècle

Les fameux fauteuils Egg et Swan.