Dans le milieu de l'architecture, Jacques Bilodeau est un inclassable. Depuis 1982, le designer maintenant âgé de 57 ans a récupéré plusieurs immeubles et transformé leur intérieur en espace déroutant voire troublant. Signe particulier: il n'a jamais cessé de faire voler en éclats les repères résidentiels. Plancher recouvert de carreaux de céramique noire ou de terrazzo sur lequel se détache à peine l'ameublement, cloisons et meubles d'acier, plancher incliné actionné par un vérin hydraulique ou escalier sculptural servant de bibliothèque, les aménagements du designer sont uniques au Québec, voire dans le monde.

Dans le milieu de l'architecture, Jacques Bilodeau est un inclassable. Depuis 1982, le designer maintenant âgé de 57 ans a récupéré plusieurs immeubles et transformé leur intérieur en espace déroutant voire troublant. Signe particulier: il n'a jamais cessé de faire voler en éclats les repères résidentiels. Plancher recouvert de carreaux de céramique noire ou de terrazzo sur lequel se détache à peine l'ameublement, cloisons et meubles d'acier, plancher incliné actionné par un vérin hydraulique ou escalier sculptural servant de bibliothèque, les aménagements du designer sont uniques au Québec, voire dans le monde.

«Sa pratique est très singulière et se trouve à cheval sur plusieurs disciplines comme l'architecture, la sculpture, l'aménagement intérieur et le design d'objets. Il échappe à toutes les définitions et son questionnement de l'habitat est radical», explique Jacques Perron, ami et collaborateur du designer. L'essayiste vient d'ailleurs de signer la toute première monographie consacrée à Jacques Bilodeau (Jacques Bilodeau Habiter/Inhabited).

«Avec cet ouvrage, j'ai voulu situer l'oeuvre de Jacques dans un cadre plus large que celui de l'architecture. Pour moi, c'est d'abord un sculpteur», ajoute cet autre homme-orchestre qui est aussi vidéaste et photographe.

Le sol-mobilier

Jacques Perron guide adroitement le lecteur au coeur de la pensée du designer. Parmi les quelques références théoriques (plutôt) arides de son essai, il réussit à nous tenir en haleine. Il met en lumière notamment l'un des éléments clés de l'exploration du concepteur: le «sol-mobilier». La première manifestation de ce concept prend forme dès le projet Clark I, réalisé en 1982, mais aujourd'hui détruit.

«Tout l'ameublement ayant été conçu sur place, les tables, banquettes ou lits semblaient émerger ou même naître du lieu, comme une excroissance ou un prolongement naturel, et se présentaient comme des sculptures in situ. Dans ce travail sur la relation entre l'espace audacieusement sculpté et le mobilier radicalement redéfini résulte un mot-clé de la pratique de Bilodeau, le "sol-mobilier", qui traduit à sa manière le "sol à vivre" théorisé par Parent et Virilio», lit-on dans l'ouvrage bilingue.

Dormir au chantier

Autre révélation étonnante: Jacques Bilodeau a déjà dormi à plusieurs reprises dans ses habitations en chantier. «Aussitôt l'édifice acheté, il l'habite. Il n'attend même pas qu'il soit sommairement aménagé, non, il mange et dort dans un recoin du chantier, dans la poussière et les amoncellements de matériaux divers. Pourquoi? Pour sentir l'espace, faire le vide, se mettre à son écoute, s'imprégner de la poétique de cet espace avant de le transformer», écrit Jacques Perron.

Ce dernier pousse une interprétation: «Il a un énorme respect pour les immeubles qu'il transforme», dit-il.

Contrairement à sa production artistique caractérisée par l'utilisation de matériaux mous, Jacques Bilodeau a un penchant pour les matériaux durs dans ses aménagements: acier, béton, carrelage, etc. Actuellement, il travaille d'ailleurs dans un appartement où la mosaïque sera à l'honneur. Et le confort dans tout ça? «Si j'ai envie de m'étendre, je le fais dans mon lit», répond-il sans détour.

«À ses yeux, un lieu doit garder la pensée et le corps en éveil et en mouvement», enchaîne Jacques Perron.

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Jusqu'au 15 novembre, il est possible d'admirer une nouvelle oeuvre de Jacques Bilodeau présentée à l'édifice Aldred, dans le Vieux-Montréal, par la galerie Joyce Yahouda. Intitulée Faire son trou, cette installation est composée de poches ou alvéoles de feutre suspendues au plafond. Elles se distendent dans l'espace grâce à des treuils motorisés.

Jacques Bilodeau Habiter/Inhabited, par Jacques Perron éditions du passage 160 pages, avec DVD 44,95$. www.jacquesbilodeau.com

 

Photo fournie par Jacques Perron

Pour l'architecte de paysage Claude Cormier, Jacques Bilodeau a transformé un bâtiment industriel en atelier-résidence. La passerelle menant à la mezzanine est actionnée par un dispositif hydraulique. Une marqueterie de noyer couvre le sol et la table . Au plafond, une des oeuvres (sac sous-vide) du designer.