Après le slow food des années 80, voici le slow design du XXIe siècle. Se réclamant de l'esthétique, de l'éthique et de l'écologie, ce mouvement intègre une valeur en voie de disparition: la lenteur. Il en résulte des objets aussi inusités que des clés USB en bois, des poubelles en papier et des mallettes à ordinateur en cèdre.

Après le slow food des années 80, voici le slow design du XXIe siècle. Se réclamant de l'esthétique, de l'éthique et de l'écologie, ce mouvement intègre une valeur en voie de disparition: la lenteur. Il en résulte des objets aussi inusités que des clés USB en bois, des poubelles en papier et des mallettes à ordinateur en cèdre.

 La designer française Ana Goalabré a ouvert, à la fin de 2006, la première boutique en ligne dédiée au slow design : bientotdemain.com.

 C'est aussi un blogue et une chouette vitrine pour ce mouvement, dont le concept a été défini par l'intellectuel anglais Alastair Fuad-Luke, en 2004, pour faire contrepoids à l'invasion d'objets déco standardisés, régis par l'industrialisation et les lois de production.

On retrouve sur ce site :

 - des tapis hollandais faits de vieilles couvertures qui distillent «la joie et la fraîcheur au quotidien»;

 - des «bancs-vaches» londoniens, en cuir, considérés comme des objets de mémoire par leur designer, puisqu'ils évoquent «le souvenir d'une vache décédée»;

 - des cartes de voeux américaines en papier recyclé qui invitent au rêve;

 - des bols français en noyer, à la fois esthétiques et utilitaires;

 - des pelotes d'épingles cupcakes fabriquées avec des chandails récupérés et feutrés qui provoquent le sourire;

 - des carrés de soie réimprimés inspirés de la tradition japonaise des pliages, qui servent aussi d'emballage, proposés par l'écodesigner montréalaise Luce Beaulieu.

Le slow design fait écho au slow food, ce mouvement né en Italie en réaction au fast food et qui préconise la biodiversité et les traditions culinaires. Le slow design s'abreuve aux mêmes valeurs, mais dans le domaine de la création d'objets et de meubles. Les gens qui y adhèrent veulent susciter la réflexion sur nos modes de vie et nous apprendre à ralentir notre rythme de consommation.

 Dans le respect de la nature et des êtres, ils conçoivent des objets poétiques, avec des matériaux recyclés, recyclables, renouvelables, non toxiques, durables, naturels ou protégés : boîtes en fils électriques tressés, corbeilles à papier faites avec des bandelettes de papier découpées dans des magazines, meubles en bois récupérés sur des friches industrielles, luminaires en pin provenant de forêts gérées durablement, utilisation de la vapeur d'eau pour courber le bois.

 Pas à la mode

 Les objets slow sont uniques ou en série limitée, et le plus souvent faits main. Ils ne sont pas à la mode. Ils sont en marge des marques. Ils ont «un supplément d'âme». Idéalement, ils sont pensés et fabriqués dans un même pays ou une même région. S'ils ne sont pas confectionnés par le créateur lui-même, ils le sont par des personnes qui travaillent dans de bonnes conditions, selon des techniques traditionnelles.

Ana Goalabré, fondatrice du blogue bientotdemain.com, recherche sur tous les continents des créateurs qui partagent ces valeurs. Elle en fait la promotion sur son site Internet et, à l'occasion, leurs objets peuvent être achetés en ligne.

 «J'étais personnellement assez frustrée de ne pouvoir acheter les objets que je découvrais sur les blogues», a-t-elle relaté dans une entrevue publiée sur le site innovant.fr. «J'ai créé le blog shop dans cet état d'esprit. J'aime également la notion de rareté et de traçabilité de l'objet.» Les gens qui l'intéressent sont artistes, artisans, designers, micro-entrepreneurs ou ils sont issus d'entreprises familiales.

 La jeune femme de 39 ans a un diplôme de l'École nationale supérieure des arts appliqués et des métiers d'art de Paris. Elle est maintenant installée à Saint-Briac-sur-Mer, en Bretagne Nord, en France. Mais elle dit qu'elle rêve de venir vivre au Québec et d'y finir ses jours.

 Outre bientotdemain.com, d'autres boutiques en ligne proposent des objets slow : favoritechoses.com, etsy.com, dawanda.com.

D'abord le respect et le partage

 Q: Quels liens y a-t-il entre le slow design, le commerce équitable et l'écodesign?

 R: Pour moi, le commerce équitable n'est pas équitable pour tous, ce n'est qu'une autre manière de produire dans les pays pauvres et de vendre dans les pays riches, au lieu de créer une réelle économie locale et de réapprendre aux gens à vivre avec ce qui les entoure (...) C'est également un effet de mode et un effet de bonne conscience des consommateurs des pays riches. Le slow design, c'est un moyen de retrouver sa force créative, de se faire confiance et d'apporter le meilleur de soi aux gens qui nous entourent. C'est aussi un superbe moyen de mêler les cultures, les savoir-faire et les techniques, tout en innovant, en recyclant, en faisant par soi-même, en se respectant, en respectant les autres et son environnement. Sans oublier les notions de partage, d'humour, de joie, de bien-être. Penser aux gens avant de penser à l'argent (...) L'écodesign fait partie du slow design, dont les principes sont plus vastes et plus humanistes.

Q: Comment vous est venue l'idée de bientôt demain?

 R: L'idée de boutique en ligne et de blogue m'est venue par hasard. Je désirais au départ créer une boutique en ligne classique de créateurs slow design et écodesign, mais je trouvais cette solution trop statique. Je suis avant tout une dénicheuse de talents, avant d'être une vendeuse d'objets. Le blog et la boutique me permettent à la fois de mettre en valeur des créateurs et de les commercialiser. Mais j'ai de plus en plus envie de réaliser une boutique de créateurs locaux.

 Q: Qui êtes-vous, Ana Goalabré?

 R: Je suis une fille des champs, je suis née et ai vécu entourée de nature. J'ai toujours fonctionné avec peu de moyens, mais beaucoup d'idées. Je suis passionnée de vie autonome, de jardinage, de nature. Un jour, j'ai découvert les nouveaux médias qui sont de superbes outils pour communiquer et m'aider à réaliser tous mes projets. Je rêve de créer un lieu de rencontre, de formation et de ressources lié à la vie autonome en milieu rural et à la créativité, afin d'aider les gens à découvrir qui ils sont réellement et de quoi ils sont capables. J'ai été artisane et artiste pendant plus de 15 ans en France. Je suis une touche-à-tout, une artiste «polyvaillante», comme j'aime le dire. Pour moi, la créativité se trouve en chacun de nous et dans tous les domaines. Mon fleuriste est créatif, mon boucher est créatif, mais je connais de très mauvais peintres (...) Je suis avant tout une maman, une compagne, mais aussi une bloggeuse nomade.

 

Photo: bientotdemain.com

Tapis fait de couvertures recyclées.