Autrefois relégués aux résidences d'été, voilà que les meubles de style Mission passent au salon. Toujours en bois, souvent recouverts de cuir, ils comportent des rangées de lattes verticales ou horizontales qui mettent en évidence leurs formes rectilignes et trapues.

Autrefois relégués aux résidences d'été, voilà que les meubles de style Mission passent au salon. Toujours en bois, souvent recouverts de cuir, ils comportent des rangées de lattes verticales ou horizontales qui mettent en évidence leurs formes rectilignes et trapues.

 Le fauteuil Morris est le meuble le plus identifié à ce style, qui tire son inspiration du Moyen Âge. Vanté par les antiquaires et réinventé par les designers, le mobilier Mission s'insinue aujourd'hui dans les décors éclectiques où il n'en paraît que plus singulier.

 Ces années-ci, on dirait que la moitié des Québécois envisagent d'épurer leur décor. Il n'est donc pas étonnant de constater le retour des meubles de style Mission. Avec leurs formes rectilignes et leur dépouillement, ces antiquités du début du XXe siècle s'accordent avec le mobilier contemporain comme salière et poivrière.

La maison EXPO Habitat 2008 en a donné un très bel exemple, avec deux fauteuils Morris de la boutique Machin Chouette intégrés à une verrière des plus actuelles. Ces sièges tirent leur nom de William Morris, l'artiste britannique considéré comme «le plus éminent représentant du mouvement Arts and Crafts». En Amérique, on parle plutôt du style Mission, mais il s'agit de la même esthétique.

 Les meubles Mission sont simples et sobres. Toujours en bois, souvent recouverts de cuir, ils comportent des rangées de lattes verticales ou horizontales qui mettent en évidence leurs formes rectilignes, carrées et trapues. L'historien Michel Lessard compare les têtes de lit à des «palissades de clôture».

 Le Meuble villageois, un manufacturier de Saint-Benoît-Labre, propose des ensembles de salon et de salle à manger dotés de ces attributs. Le vice-président Paul Veilleux précise que la fabrication d'aujourd'hui respecte plusieurs traditions d'autrefois : utilisation de chêne rouge coupé sur les quartiers, tiroirs en cèdre, assemblage à queue d'aronde.

 Lise Maheu, propriétaire de Machin Chouette, rue Saint-Paul, à Québec, vend et confectionne des fauteuils Morris depuis qu'elle a ouvert sa boutique, il y a 13 ans. «Au début, ça ne fonctionnait pas, relate-t-elle. Les gens n'étaient pas attirés par le chêne, ils préféraient le pin. Mais depuis une dizaine d'années, c'est l'engouement.»

 Le fauteuil Morris, c'est le «meuble caméléon» par excellence, fait-elle valoir. «Il est indémodable.» La plupart de ceux qu'elle reçoit proviennent des États-Unis. «Les meubles Mission sont sans marque, il est donc difficile d'en distinguer la provenance, poursuit-elle. Sauf pour les Stickley, dont on espère la signature sur chaque meuble qu'on reçoit.»

Catherine Hennessey, une employée du Rendez-vous des collectionneurs, rue Saint-Paul, observe que les meubles Mission ne restent pas longtemps en magasin. «Ça part vite», note-t-elle. Son patron, Gervais Tremblay, en est lui-même un grand amateur. Mme Hennessey croit que «les livres de Michel Lessard ont ouvert les yeux des clients sur la beauté de ce style».

 Les marchands commencent à en offrir. Paul Veilleux, de Meuble villageois, observe que les anglophones en sont plus friands que les francophones, et les Montréalais plus que les Québécois. À la Galerie du meuble du boulevard Charest, ce n'est pas la ruée non plus; le magasin n'en offre que par catalogue.

 Mobilier de villégiature

 Au Québec, les meubles Mission étaient souvent réservés aux résidences d'été. «On en voyait dans des lieux de villégiature comme Cacouna, La Malbaie et Notre-Dame-du-Portage, mentionne Michel Lessard. Dans les villes, les gens préféraient le rotin.» Catherine Hennessey nuance : «Dans leur maison principale, les Québécois choisissaient du mobilier victorien, qui donnait une allure plus riche.»

 L'âge d'or des meubles Mission se situe entre 1915 et 1925 au Québec, selon M. Lessard. «Les catalogues de P.-T. Légaré et d'Eaton avaient 10-12 pages de meubles de salon, de chambre et de salle à manger.» Des magazines de bricolage en donnaient les plans et les mesures pour inciter les gens à fabriquer eux-mêmes ces meubles de confection rudimentaire. «Les gens se sont lancés dans ça, raconte-t-il. Ç'a tué le commerce, car tout le monde s'est mis à en faire.»

 Le style a été abandonné vers 1930. Et le voici qui revient timidement, vanté par les antiquaires, réinventé par les designers et souvent inséré dans un décor éclectique où il n'en est que plus singulier.

 

 

Influence du Moyen Âge

 Selon l'historien Michel Lessard, le style Mission tire son inspiration du Moyen Âge : «Pensez au mobilier sans fioriture et de conception toute simple que l'on retrouvait dans les châteaux de la Loire avant la Renaissance.»

 Le style a été remis à la mode à la fin du XIXe siècle par le Britannique William Morris, puis par les frères Gustav, Leopold et John George Stickley, des Américains du début du XXe siècle. «Ils ont enflammé l'Amérique», résume Michel Lessard. Au début du XXe siècle, les villes doublaient de population. Le besoin de meubles était grand. Facile à faire et diffusé par Sears Roebuck, le mobilier Mission s'est vite répandu partout aux États-Unis.

 Dans sa Nouvelle Encyclopédie des antiquités du Québec, M. Lessard écrit que le terme Mission utilisé par nos voisins du Sud «tient au fait que les promoteurs de ce style (...) font de leur volonté de mousser un design essentiellement utilitaire, sans ornement superflu, une véritable mission».

 Le nom réfère aussi au design californien, massif et sans prétention, lui-même associé au mobilier fabriqué pour les missions franciscaines de l'État.

 «Le style a été porté par des architectes et des designers californiens qui l'ont fait fleurir sur la côte ouest américaine, mentionne l'historien de Lévis. Ce grand mouvement stylistique a touché tous les arts décoratifs, notamment la quincaillerie et les luminaires aux abat-jour carrés.»

 

Photo Martin Martel, Le Soleil

Le fauteuil Morris est le meuble le plus identifié au style Mission, qui tire son inspiration du Moyen Âge.