Beaucoup d'auteurs aiment s'entourer de livres. Comment s'y prendre pour aménager une pièce débordante de livres tout en s'assurant qu'elle reste agréable, voire inspirante ? Voici les conseils de Claudia Larochelle, Mélanie Vincelette et Rafaële Germain.

CLAUDIA LAROCHELLE

En mars dernier, Claudia et son conjoint ont déménagé dans un vieil immeuble de Montréal datant de 1925. Leur priorité: aménager un havre de lecture pour la famille, chacun aimant passer de longues heures le nez dans les livres.

La pièce double qui fait office de salon et de salle à manger accueille ainsi pas moins de six bibliothèques Billy du géant IKEA. On trouve également des tonnes de jetés, des plantes et un coin lecture pour la jeune fille du couple.

«De mon bureau à la cuisine en passant par la salle de bains, je garde des livres partout, raconte Claudia. La pièce en avant est ma préférée pour lire. On y trouve une grande fenêtre qui donne sur la rue, avec vue sur l'église, et la lumière naturelle y est magnifique. Comme je suis frileuse, mon grand plaisir dans la vie est de me coller sur la vieille plinthe avec mon livre et ma tasse de thé. C'est dans cette chaise que je me prépare pour l'émission Lire, mais aussi que j'emmagasine des mots, des ambiances, que je m'inspire pour écrire ma propre fiction.»

En plus des livres, on trouve dans sa bibliothèque...

«Mes bibliothèques débordent de vieilles photos en noir et blanc, d'instruments de musique, de souvenirs de famille et d'objets de valeur sentimentale que ma fille peut manipuler à sa guise. On trouve aussi une vis égarée, une ampoule oubliée, etc. J'aime les bibliothèques qui ont de la vie et du cachet.»

Son système de classement

«Je ne suis vraiment pas organisée! Quand on a emménagé, la tante de mon conjoint avait mis ses gants blancs et avait classé tous nos livres par genre. Malheureusement, il reste peu de son classement extraordinaire! Généralement, j'essaie de regrouper mes livres par auteur. Christine Angot a sa propre rangée. Idem pour Annie Ernaux et Louise Dupré. Mes chouchous ont droit à un traitement de faveur!»

Prêteuse ou collectionneuse?

«Je préfère que les livres circulent. J'aime prêter mes coups de coeur et recommander des lectures.»

Pour moi,une bibliothèque, c'est...

«Non seulement un objet de décoration, mais aussi un objet rassembleur. Nos familles et amis viennent souvent bouquiner dans cette pièce. Ils fouinent, ils s'inspirent, ils nous empruntent des livres avant de partir en vacances...»

Ce dont elle est le plus fière

«La bibliothèque et le coin de lecture de ma fille. Je trouve important que les enfants aient accès à la lecture rapidement, que les beaux livres soient à leur portée, qu'ils aient un coin confortable pour feuilleter et découvrir.»

Sa bibliothèque de rêve

«Immense, avec des livres qui grimpent du plancher au plafond et une échelle! J'installerais mon bureau au centre et je vivrais avec plein de chats. Des mots, des livres, des plantes, un chat, une enfant... Ça respire, ça inspire!»

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Claudia Larochelle anime l'émission Lire diffusée les mardis à 20h sur les ondes d'ARTV. Elle a écrit Les bonnes filles plantent des fleurs au printemps (Leméac, 2011) et son livre Les îles Canaries, dans la série «Vol 459», est paru en septembre chez VLB Éditeur. Elle est la porte-parole de la Saison de la lecture 2014.

MÉLANIE VINCELETTE

L'auteure Mélanie Vincelette loge dans un immeuble historique du Vieux-Montréal doté de grandes fenêtres. Dans son salon nimbé de lumière trône une imposante bibliothèque de bois: «Elle me suit depuis 25 ans. C'est mon père qui me l'a construite avec de simples 2 X 4. Dans le haut, on peut voir quatre lettres dorées: NSEW. J'ai mis beaucoup de temps avant de comprendre leur signification. Il avait mis ces lettres en l'honneur des quatre points cardinaux. Il voulait que ma bibliothèque soit ma boussole, mon repère.»

En plus des livres, on trouve dans sa bibliothèque...

«Des petits trésors que je ramasse par terre lors de mes voyages. Sur mes tablettes, j'ai un Bouddha trouvé dans un marché du Cambodge, des ardoises de la baie des Ha! Ha! , du sable du désert de gypse White Sands National Monument, des larmes d'apache, etc. Je dispose toutes mes trouvailles dans des pots de vitre et je les agence avec mes livres.»

Son système de classement

«J'ai des catégories approximatives, mais ce n'est aucunement scientifique. Je suis une grande amatrice de littérature américaine, alors je regroupe les auteurs américains ensemble. J'ai une section pour la littérature française, la littérature québécoise, et je dispose mes livres marquants en frontispice.»

Prêteuse ou collectionneuse?

«Je les prête, mais c'est toujours un acte déchirant! J'essaie de les récupérer, mais tout le monde sait que quand on prête un livre, il nous revient rarement... Prêter un livre, c'est le donner!»

Pour moi,une bibliothèque, c'est...

«De la déco vivante. Il y a une grande charge émotive derrière chacun de mes livres. Ma bibliothèque me transporte ailleurs, que ce soit dans un autre pays ou dans une autre période de ma vie. Je peux retracer l'histoire de ma vie simplement en regardant ces livres qui sont en quelque sorte le reflet de mon existence. En un regard, je vois mes années de collège, mes voyages, mes rencontres marquantes, mon premier amour qui m'a laissé son numéro de téléphone sur la page de garde de L'étranger de Camus... Son nom y est toujours, avec sa calligraphie en pattes de mouche!»

Ce dont elle est le plus fière

«Le fait que ma bibliothèque me ressemble. Tout mon décor gravite autour de cette bibliothèque. C'est elle qui vole la vedette. Quand on choisit de décorer avec des livres, il faut que le reste soit le plus neutre possible, pour éviter que le résultat ne soit trop schizophrène! J'ai donc misé sur un divan blanc, comme un canevas, pour faire le contrepoids des couvertures bigarrées.»

Sa bibliothèque de rêve

«J'ai des plafonds de 15 pieds, donc mon ambition serait d'avoir une bibliothèque avec une échelle qui me permettrait d'exploiter pleinement les hauteurs de mon salon. J'envisage aussi d'acheter une église centenaire des Cantons-de-l'Est, un endroit magnifique avec des lattes de bois blanc et des fenêtres ornées de vitraux. Mon rêve est de la transformer en gigantesque bibliothèque et d'en faire une retraite d'écriture.»

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Mélanie Vincelette a notamment écrit Polynie (Robert Laffont, 2011) et Crimes horticoles (Leméac, 2011). Elle est aussi fondatrice et éditrice de la maison d'édition Marchand de feuilles.

Photo François Roy, La Presse

Mélanie Vincelette

RAFAËLE GERMAIN

Déménagée en avril 2011 dans une maison de Laval au bord de la rivière des Mille-Îles, Rafaële Germain rêvait d'une bibliothèque sur mesure qui couvrirait tous les murs de son bureau. Elle a fait équipe avec l'ébéniste Marc Morais, qui lui a construit une magnifique bibliothèque en contreplaqué russe constitué de plusieurs couches successives de très fins panneaux de merisier. Son inspiration? La librairie Shakespeare and Company, à Paris. «Il y a là des livres partout, des lustres élégants, des présentoirs de bois rustique qui croulent sous les bouquins... J'ai adoré!»

En plus des livres, on trouve dans sa bibliothèque...

«Des roches recueillies en voyage, des bricolages de ma fille, un dessin de mon ex-conjoint Pierre Brassard, un appareil photo vintage, des livres rares exposés comme au musée... J'ai un petit montage qui regroupe une foule de souvenirs importants pour moi, comme une photo offerte par un de mes professeurs ou encore un vieux sac du Piccadilly Market de Londres où je m'étais acheté des gants le jour de Noël, alors que j'étais dans la vingtaine. J'aime que ces objets soient proches de moi quand j'écris. Ils personnalisent mon espace, comme une empreinte.»

Son système de classement

«Je suis la seule qui s'y retrouve! Je sais tout de suite quand mon chum a pris un livre! Je rassemble mes livres par provenance, puis par ordre chronologique. Par exemple, tous mes livres français sont dans une même section, allant des livres du Moyen Âge aux parutions plus contemporaines. On trouve aussi des sections pour mes livres anglais, mes livres de culture culinaire, mes dictionnaires que je garde près du bureau, mes beaux livres ainsi que mes livres traduits, également classés par ordre chronologique.»

Prêteuse ou collectionneuse?

«Je n'aime pas prêter mes livres. Ils ne reviennent pas! En revanche, ma fille peut bouquiner à sa guise.»

Pour moi, une bibliothèque, c'est...

«L'ADN de ma construction intellectuelle. Ma bibliothèque n'est pas un élément purement décoratif. J'ai lu tous les livres qui se trouvent sur mes tablettes. Comme le disait un de mes professeurs, les livres forment une communauté invisible autour de nous. On se construit avec nos lectures.»

Ce dont elle est le plus fière

«Avoir une tablette pleine de livres écrits par des auteures québécoises! J'entends parfois qu'il n'y a pas beaucoup de femmes qui écrivent au Québec, alors que c'est faux! Mon étagère en est la preuve: je vais bientôt devoir déborder sur la tablette des messieurs.»

Sa bibliothèque de rêve

«J'aimerais qu'elle s'étende dans toutes les pièces de ma maison, avec des livres de haut en bas. Ma maison de retraite sera envahie par les livres et les chats!»

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Rafaële Germain a signé les romans Soutien-gorge rose et veston noir (Libre Expression, 2004), Gin tonic et concombre (Libre Expression, 2008) et Volte-face et malaises (Libre Expression, 2012).

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Rafaële Germain