Ça commence souvent par un coup de coeur. Puis, d'achat en trouvaille, le passe-temps devient collection, puis passion qui envahit toute la maison ! Dans cette série, nous vous présentons des collectionneurs aguerris... et certains de leurs plus précieux objets.

Robert Robillard est devenu clavissophile (collectionneur de clés anciennes) sans l'avoir véritablement cherché. Cela étant dit, c'est sur plus de 200 ans d'histoire du Québec que le verrou s'est ouvert.

Il a beau avoir été propriétaire de l'une des voitures les plus convoitées de l'histoire de l'automobile la fameuse Type E (2+2) 1970 de Jaguar et parfois jouer encore avec de précieux bâtons de golf en bois vieux d'un demi-siècle, Robert Robillard ne croit pas avoir l'âme d'un collectionneur. Sans la nature de son métier de serrurier, qui l'a poussé à accumuler une pléiade de systèmes de verrouillage auxquels il s'est attaché, il irait son chemin. Mais, justement, il s'est attaché.

D'aussi loin qu'il se souvienne, l'homme aujourd'hui retraité a eu des clés entre les mains. «J'étais tannant quand j'étais petit et mon père me donnait des clés et des serrures pour m'occuper.»

L'histoire a commencé en 1896, quand le grand-père de Robert, un patenteux qui réparait aussi bien des serrures que des grille-pains et des fers à repasser, a ouvert son commerce à Montréal. Dix-sept ans plus tard, la génération suivante a ouvert la serrurerie Robillard, une petite entreprise toujours florissante

où Robert a mis les pieds à 14 ans pour ne plus en sortir.

« De tout temps, raconte Robert , les humains ont voulu protéger leurs biens. Et pour que le s dispositifs qu'ils inventaient demeurent sécuritaires, ils ont dû évoluer. L'homme de Cro-Magnon bloquait l'entrée de sa caverne avec une grosse roche. D'autres après lui l'ont fait avec des noeuds de corde compliqués. La première serrure qui ressemble à celles qu'on utilise encore aujourd'hui remonte aux Égyptiens . Aujourd'hui , la sécurité continue de reposer sur une clé et une serrure, mais aussi, et peut-être surtout, sur une caméra et un téléphone intelligent. »

Depuis plus de 100 ans, la famille Robillard remplace d'anciens dispositifs de sécurité par de plus récents.

Spontanément, on a conservé les morceaux les plus originaux. « Des gens viennent parfois de très loin pour faire réparer de vieux modèles à partir de notre banque unique et pour reproduire des clés dont quasiment plus personne n'a le gabarit.»

En posant la main sur une machine à reproduire des clés achetée par son grand-père en 1909, Robert Robillard raconte que l'idée de documenter et d'exposer ces acquis dans son commerce lui est «venue sur le tard ».

La collection, composée de verrous, de boutons de porte, de cadenas, de clés de toutes sortes et d'outils anciens, a pour particularité d'être intimement liée aux activités professionnelles de la famille et donc à ses souvenirs.

Devant l'étalage de vieilles clés aux dessins complexes créés par des forgerons, M. Robillard rappelle combien, en ce temps-là, remettre à quelqu'un une clé de cette envergure représentait une marque de confiance sans équivoque.

En soulevant dans sa paume une serrure dont l'usure ne ment pas plus sur son âge que sur ses loyaux services,

il dresse un parallèle avec une période pendant laquelle presque tout le monde avait «un Yale », le Yale étant à la serrurerie ce que Frigidaire est à la réfrigération. Puis il s'amuse d'un cadenas à deux clés, «servant à merveille, ditil, à deux associés méfiants qui désirent protéger un bien commun.»

Il met ensuite la main sur une forme noire, primitive, et sourit. « Un jour, quelqu'un s'est présenté à moi en me disant : Vous êtes le petit-fils de Jimmy? Je viens vous remettre ce cadenas, votre grand-père me l'avait prêté il y a 50 ans !» Il y a peu de temps, l'entreprise familiale est passée aux mains d'un jeune homme, Janko Simoncic, devenu le gardien de ce passé auquel il entend contribuer. « Les caméras de surveillance ont tellement évolué, dit-il, que le temps viendra bientôt de montrer les plus anciens modèles, qui ont aujourd'hui vraiment de quoi faire sourciller !»

Photo Patrick Sanfaçon, La Presse

Cet appareil date de 1909.