Plus de 2000 passionnés d'antiquités se sont abreuvés de beautés d'autrefois le week-end dernier, à l'Exposition d'antiquités d'Eastman. Nous avonssuivi deux collectionneuses émérites dans cette manifestation, où l'ambiance festive soutient la quête déterminée de l'objet unique.

Sous le grand chapiteau et dans le bâtiment derrière l'église, des antiquaires en chapeau haut de forme et des dames portant dentelles, tout beaux en l'honneur du 20e anniversaire de l'exposition, reçoivent les visiteurs. Les stands débordent de coffres, buffets, lampes, lingerie ancienne, chevaux à bascule, bancs à métier ou banc de traite, bijoux, moulin à café...

France Cliche, antiquaire chevronnée depuis 2003, n'aurait pas manqué l'événement pour tout l'or du monde. «C'est la plus belle exposition de l'année pour les meubles en pin du Québec», confie-t-elle.

La voici donc qui parcourt l'exposition en long et en large, flanquée d'une ardente amatrice, Nadia Caron, médecin spécialiste en médecine interne. Nadia et son compagnon cardiologue forment un couple de grands collectionneurs de meubles en pin du Québec.

Premier arrêt: le Magasin général, tenu par Guy Labrèche et Richard Routhier. L'endroit a reçu le prix du plus beau stand, décerné par leurs pairs. Quantité d'objets d'un autre âge nous émeuvent et nous transportent au temps des Filles de Caleb ou des Pays d'en haut: moulins à café, patins, boîte à fil de couturière, bijoux, enseigne de barbier, lampes...

Au fil d'une allée, l'oeil expert de France Cliche est attiré par un buffet bas de 1750, au stand de Michèle Pelland (de la boutique L'oiseau rare). Sur l'étiquette: 12 500$. Un banc à sceau à 875$ lui plaît chez Jean-Francis Rosconi, puis un petit vaisselier primitif chez Matyeux Baron.

De beaux objets décoratifs peuplent les lieux: un grand bol à beurre, un banc de métier, un banc de traite, un touchant bureau de très petit écolier avec banc assorti, un semblant de porte-lettres en bois qui servait plutôt de réserve de chandelles accrochée au mur, un support pour collection de pipes (400$), un panier de pêche en osier (42$), un grand pantin Pinocchio (environ 3 pieds de haut)...

Simplicité

Mais c'est devant une grande armoire grise sur vert, à panneaux soulevés, chez Claude Couture Antiquaire, que France tombe véritablement amoureuse. «C'est la simplicité que j'aime, explique-t-elle. Le meuble, avec clous de forge et pentures à queue de rat, n'a même pas été ciré.» La pièce est du XVIIIe siècle, et le prix sur l'étiquette, de 10 500$.

Pendant ce temps, Nadia n'a pas cessé de fureter. Nous la retrouvons en pâmoison devant un long banc bleu «à l'empattement superbe, trois pattes festonnées», fait valoir l'antiquaire Gérard Bourguet. Il vend 1950$ cet article datant des années 1830-40. «Je le verrais, empli de livres, dans un couloir, rêve Nadia. Ou encore dans l'entrée, pour ranger les bottes.» Presque en même temps, chineuse impénitente, elle éprouve un second coup de coeur chez le même antiquaire, pour une encoignure (meuble de coin) de petit format, en deux morceaux, avec son cachet d'origine (1800). Prix de vente: 40 000$, certificat d'authenticité inclus.

«Après consultation de mon chum, nous avons décidé de ne rien acheter pour cette fois, rapportera-t-elle le surlendemain. Nous venons d'hériter de meubles donnés par ma belle-mère, elle-même antiquaire.»

Gisèle Duclos a 40 ans d'expérience chez Antiquités Rosalie. Son mari, Yves Duclos, organise l'exposition d'Eastman depuis les débuts, aidé depuis 10 ans par l'antiquaire Michel Quintal. Gisèle déploie devant nous du linge de maison d'époque, cousu de points si rapprochés qu'ils font plaisir à voir: rince-doigts de curé, tabliers immaculés, tours d'autel en dentelle...

De retour au stand de Collection Jacques Groleau (boutique Reflet du passé), France conclut fièrement un achat, une magnifique armoire à tartes jaune vif (725$), de 1860, en pin avec clous carrés. «Je vais la laisser dans son rechampi [couleur par dessus une autre]», dit-elle.

Beaucoup de beaux objets ont trouvé preneurs, rapporte Jeanne-Mance Dubé, chargée des relations publiques. «Les exposants ne diront jamais pour combien, mais ils avaient l'air contents», ajoute-t-elle. Tout autant que France, qui a porté son armoire dans le silence d'une maison endormie, pour la poser à son exacte place, dans la salle de cinéma, où elle va contenir la collection de DVD de la famille.

Jamais démodé

Ce qui est intéressant, c'est le mélange des styles, affirme Francis Lord, de Milord Antiquités. Et non pas que tous les éléments soient d'époque.

«On peut commencer par acquérir trois belles antiquités et composer le décor à partir de ça. Ou encore: acheter un beau tableau contemporain, puis une statue africaine que vous déposerez sur une commode antique... Chaque objet devient alors une star, individuel, unique... En appareillant de belles choses provenant de toutes les époques, on n'est jamais démodé.»

Il faut en voir beaucoup, et ensuite, se faire confiance, conclut le collectionneur.