À première vue, les céramiques de Carole Epp sous leur cloche de verre ont l'air inoffensives. Mais attention, elles ne le sont pas. Quand on y regarde de près, les petits personnages aux têtes d'angelots sont porteurs de messages. Ils attaquent la morale élastique des gens. Ils dénoncent l'absurdité de la guerre, la surconsommation, la liberté avec les chaînes aux pieds, la dégradation de l'environnement.

L'artiste Carole Epp est une femme engagée qui rêve d'un monde meilleur. Et l'exposition de céramiques baptisée A collection of Small Miseries qu'elle présente au Centre Materia jusqu'au 30 mai a pour but de secouer les bonnes consciences, de réveiller notre quête de justice et d'équité.

 

Pour y arriver, Carole Epp utilise la forme d'expression qu'elle maîtrise le mieux : la céramique. Mais elle le fait de manière non traditionnelle avec des objets kitsch et stéréotypés qui font contrepoids à la culture bien pensante. C'est intentionnellement que l'artiste a créé des tableaux qui s'écartent de la bienséance parce qu'à ses yeux, c'est la meilleure façon d'établir un dialogue avec les gens.

Les scènes de ses tableaux donnent lieu à diverses interprétations et suscitent, invariablement, des réactions. Par exemple, cette fillette à l'oeil arraché qu'un petit chat semble vouloir consoler met en parallèle la nostalgie de l'enfance par opposition à un monde cruel. Or comment les visiteurs vont-ils interpréter ce tableau? De 100 manières différentes et c'est l'objectif recherché, avoue l'artiste.

À travers cette exposition, Carole Epp met également en lumière le rôle des médias qui, dit-elle, «en mitraillant le public d'informations continues, finissent par le désensibiliser».

L'exemple d'Haïti

La castastrophe qui a frappé Haïti en début d'année en est un bel exemple. Pendant plus de deux semaines, les médias du monde entier ont focalisé à satiété sur la perle des Antilles avec pour résultat qu'un mois plus tard, le public avait décroché. Pourtant, la tragédie demeure entière et nécessite toujours notre attention.

Par ailleurs, Carole Epp refuse d'adhérer à la propagande publicitaire qui laisse croire que tout le monde a les dents blanches, une belle voiture de l'année, une silhouette de rêve. Par ses oeuvres, elle s'inscrit dans une démarche d'antipropagande.

«On ne peut fermer les yeux sur la misère de son voisin, dit-elle, ni oublier que notre planète déjà surpeuplée se dégrade.» Ce qui personnellement l'a amenée à étendre sa réflexion sur les questions de la naissance, de la mort, de la famille, du travail et de l'éducation.

La vie malgré la douleur

Ainsi, en utilisant une imagerie de l'enfance, Carole Epp amène progressivement le spectateur à réfléchir sur les conséquences de ses gestes sur l'environnement et la société.

«Chaque fois que l'on fait quelque chose, dit-elle, cela produit un impact et, par conséquent, aucun choix n'est simple. Malgré tous ses questionnements, l'artiste demeure positive. Elle fait surgir la vie dans un monde où il y a de la douleur. Mais en parallèle, elle nous montre les deux poids, deux mesures des événements. Qu'est-ce qui est le plus injuste? Un soldat tué en Afghanistan par un terroriste ou 100 civils innocents de ce même pays qui tombent sous les balles de l'armée d'occupation?

Centre Matéria, 395, boulevard Charest Est, Québec. Horaire d'exposition : du mercredi au dimanche de 12h à 17h, et jusqu'à 20h le jeudi. L'entrée est gratuite.