Pour ajouter une note poétique à sa cuisine, la dame est allée se choisir un arbre dans la forêt. Un hêtre. Elle lui a laissé ses branches, mais elle l'a fiché dans le plancher sans ses racines, entre l'îlot et la table.

Pour ajouter une note poétique à sa cuisine, la dame est allée se choisir un arbre dans la forêt. Un hêtre. Elle lui a laissé ses branches, mais elle l'a fiché dans le plancher sans ses racines, entre l'îlot et la table.

«Avoir un arbre, ça calme», résume cette résidante de Saint-Lambert, propriétaire depuis 21 ans d'une maison au bord de la rivière Chaudière. En pénétrant dans cette cuisine lumineuse, un ami lui a dit : «Ici, on ne parle pas de beauté, mais d'harmonie.» L'effet de la nature est puissant.

Le hêtre tend ses branches vers le puits de lumière, comme font les arbres vivants vers le soleil. S'il avait du feuillage, il ferait de l'ombre sur le comptoir de granit noir piqué de pépites étoilées.

Sur son tronc, sont fixées deux tablettes amovibles en bois, dont la forme foliacée témoigne des inclinations de la dame pour «ce qui est organique et ce qui sort de l'ordinaire».

Les voisins se demandent bien ce qui se passe dans cette résidence où les ouvriers vont et viennent depuis huit mois avec des arbres. Les plus assidus d'entre eux sont les ébénistes de Virtuo, une entreprise de Québec située rue Marie-de-l'Incarnation.

«Y'a rien d'impossible», répète Jean-François Vézina, le patron, qui n'a de cesse d'impliquer ses clients dans le processus de création. C'est une façon de les «conscientiser au projet». Le hêtre, par exemple, la dame et lui l'ont choisi ensemble dans la forêt. En étant actifs, les clients en arrivent à comprendre «pourquoi ça coûte ce prix-là».

Au-delà de la couleur

Le garde-manger et le frigo ont été dissimulés derrière des panneaux recouverts de verre laqué rouge. «C'est stimulant», fait observer la proprio. Mais il y a plus, dans ce choix esthétique où s'opposent la force et la fragilité du verre. «On peut voir la couleur, explique-t-elle. Ou on peut voir au-delà de la couleur.» La rivière et tout le paysage s'insinuent alors dans le rouge comme dans un miroir. Fascinant.

Le phénomène est comparable à cette image utilisée en psychologie, appelée vase de Rubin, qui peut être perçue soit comme un vase, soit comme deux profils humains nez à nez. On ne voit qu'un ou l'autre.

La laque a aussi été utilisée dans la chambre d'amis pour agrandir cette pièce qui donne sur la rivière. Un mur complet est consacré au rangement : tables de chevet, penderie, étagères, armoire pour le lit escamotable. Là encore, le paysage se reflète dans le verre laqué blanc que le merisier encadre comme un tableau impressionniste.

Dans la petite salle de bains très épurée, la fenêtre carrée au-dessus du meuble-lavabo en frêne se dédouble dans le verre qui recouvre le mur voisin. Les miroirs, le verre clair et la laque jouent sur nos perceptions avec finesse. Et quand la lumière s'y met, notre hôtesse est aux oiseaux dans cette maison intemporelle et ludique, hors normes et fonctionnelle.

«C'est un projet de fou, convient-elle. Mais je n'aurais pas été heureuse avec quelque chose de standard.»

 

Photo Raynald Lavoie, Le Soleil

Un arbre dans la cuisine: quelle belle intervention poétique. Le garde-manger et le frigo ont été dissimulés derrière des panneaux de verre laqué rouge.