Le fondateur d'IKEA, Ingvar Kamprad, vient de s'éteindre. Adulé, mais aussi critiqué, le géant de l'ameublement suédois a métamorphosé nos maisons grâce à son «design démocratique». Gros plan sur l'envers du décor en six points.

Imagerie suédoise 

Logo jaune sur fond bleu dès 1983, noms de produits à bulles et à trémas, boulettes de viande... Ingvar Kamprad a misé sur la Suède pour se frayer un chemin dans les foyers. Il s'est aussi approprié l'héritage spirituel de l'artiste Carl Larsson. Cet aquarelliste, né en 1853 et père de huit enfants, peignait sa maison située en Dalécarlie - une région au centre de la Suède - , décorée avec sa femme Karin et toile de fond de portraits bucoliques. Intérieurs clairs, rangements cachés, lits encastrés, meubles convertibles, étagères passe-partout, utilisation réfléchie de la couleur, environnements accueillants pour les enfants... les bases du fameux style suédois sont là.

Kit ou double 

L'idée de génie du jeune vendeur d'allumettes devenu fabricant de meubles? Servir à ses clients, dès 1956, des meubles en «kit», à monter à l'aide d'un plan, dans des emballages ultraplats. Les économies d'échelle donnent le vertige, surtout à la concurrence. Chaque millimètre, chaque gramme est pris en sérieux dans l'entreprise, car tout se répercute sur les frais de production, d'entreposage et de livraison. L'entreprise n'hésite pas à envoyer ses collaborateurs dessiner directement en atelier aux quatre coins du monde pour calculer l'impact d'un trait avant d'aboutir à un prototype.

Catalogue maison

Depuis 1951, IKEA publie chaque année un catalogue, sorte de bible de la déco joyeuse et accessible. En 2017, 203 millions d'exemplaires ont été distribués dans 52 pays, dont près de 7 millions au Canada. Si les plus grands stylistes et photographes suédois se succèdent pour les campagnes publicitaires, les catalogues sont invariablement conçus à la maison-mère d'IKEA, à Älmhult, dans le sud du pays, où a ouvert le premier magasin de la chaîne en 1958 et qui abrite aujourd'hui un musée. Ce sont les employés et leur famille qui y sont mis en scène avec quelques adaptations en fonction des marchés.

Droit à l'erreur 

IKEA, c'est avant tout, surtout pour la jeune génération, la liberté d'essayer, de se tromper, d'être sans attaches matérielles, libre comme l'air. On peut s'installer où l'on veut et quand on veut grâce à des meubles légers et pas chers qui, souvent, rentrent dans le coffre d'une voiture. Il en va de même pour l'entreprise, qui a à peu près tout tenté en matière de formes et de matériaux. Les fauteuils en toile de jeans ? Oui. Les canapés gonflables ? Oui, aussi. Cette liberté est très appréciée des designers, car elle leur permet toutes les audaces.

Serbie 

Avec 402 magasins dans 49 pays, impossible de passer à côté de l'enseigne bleu et jaune. Le dernier espace a ouvert ses portes en Serbie l'été dernier, et l'Inde se prépare à accueillir sa première boutique IKEA l'été prochain. Pour mieux percer dans ces nouveaux marchés, l'entreprise part y observer la vie quotidienne des habitants et cerner leurs besoins. Entre deux portes, les dents grincent contre l'empire IKEA, mais les professionnels reconnaissent qu'il éveille le grand public à une certaine esthétique, ce qui est bénéfique pour d'autres marques, spécialement scandinaves.

Icônes en contreplaqué

Dès le début, IKEA s'est très fortement et librement inspiré de designers oeuvrant pour d'autres marques, abandonnant par ailleurs la production de meubles qui auraient fort bien pu devenir de futurs emblèmes du design scandinave. Elle s'efforce d'inverser la vapeur depuis quelques années en s'associant à des designers de renom, comme la Britannique Ilse Crawford ou la Française Matali Crasset. Après une collection de meubles et d'accessoires avec la marque danoise HAY sortie l'automne dernier, elle lancera au printemps avec Tom Dixon les banquettes et fauteuils Delaktig, modulables et voulus comme une «plateforme de vie».

Photo Yves Herman, Archives reuters

Logo jaune sur fond bleu dès 1983, noms de produits à bulles et à trémas, boulettes de viande... Une image reconnue partout dans le monde.