Cette année, Francine et Anne profitent de leurs innombrables décorations de Noël. Mais c'est avec un pincement au coeur: il s'agit probablement de la dernière année où elles seront entourées de tous les objets de leur précieuse collection. Elles prévoient vendre leur demeure pour acheter un appartement plus petit et ne pourront tout emporter avec elles, faute d'espace. Des choix déchirants sont à venir.

Elles ne sont pas seules dans cette situation. Plusieurs passionnés, qui ont monopolisé des pans de leur salon ou de leur sous-sol au cours, des 10 ou 15 dernières années, pour aménager d'incroyables villages de Noël, sont à la croisée des chemins. Ils doivent renoncer à une bonne partie de leur collection avant d'emménager dans un appartement ou dans une résidence pour retraités.

«Il y a beaucoup d'aubaines à faire sur eBay, constate Serge Guénette, propriétaire de la boutique Noël Éternel, dans le Vieux-Montréal. Aux États-Unis, avec la crise économique, plusieurs se départissent de leur collection au grand complet ou de celle de leurs parents décédés.»

La collection de maisons de porcelaine, de personnages et d'accessoires de la ligne Department 56 a pris son envol en 1985 et a été très populaire jusqu'à il y a environ cinq ans, indique-t-il. «C'était la folie au début, dit-il. Mais c'est le phénomène d'une génération, qui se retrouvait avec de l'argent et du temps, une fois les enfants partis de la maison. Ce mouvement est en déclin et le marché est maintenant surtout réservé aux amateurs de 45 à 60 ans. Les collectionneurs de longue date, qui ont des centaines de boîtes à la maison, achètent peu de nouveautés car ils n'ont plus de place. Les plus jeunes, de leur côté, ne peuvent pas se permettre de dépenser 115$ pour une maison et 45$ pour un personnage, en plus des arbres.»

Paul Roy, président du club de collectionneurs Village Lamplighters du Québec, formé en 1995, n'est pas encore confronté au dilemme de la vente de sa propriété... et d'une grande part de sa collection.

Lorsqu'il en a fait l'inventaire récemment, pour des fins d'assurance, il est arrivé à un total de 240 maisons et 430 accessoires différents. Sans compter ceux qu'il a en double pour aller dans différents villages. «J'ai commencé simplement en 1988, en achetant une ou deux maisons par année, se souvient-il. Mes armoires et mes tablettes débordent maintenant de partout!»

Photo: Bernard Brault, La Presse

«Il y a encore des mordus qui réaménagent leur maison pour réaliser un immense village, poursuit-il. Mais plusieurs membres du club, dont la majorité sont à la retraite ou sur le point de l'être, doivent se restreindre. Ils manquent d'espace pour conserver toutes leurs boîtes et n'achètent plus comme avant.»

Beaucoup sont déçus, car ils comptaient faire de l'argent en vendant un jour leur collection. Or, à mesure que la société Departement 56 s'est mise à produire en plus grande quantité ses maisons et ses personnages, la demande sur le marché secondaire a chuté, souligne M. Roy.

«Il faut collectionner pour le plaisir de le faire», met-il en garde.

Éric Pierce, grand collectionneur qui travaille à la boutique Noël Éternel, a conservé le quart de sa collection lorsqu'il a déménagé, il y a quelques années. «Cela m'a forcé à analyser pourquoi j'étais attaché à certains articles et j'ai appris à me détacher», souligne-t-il.

Évidemment, sa collection a recommencé à gonfler depuis. «Collectionneur un jour, collectionneur toujours, dit-il en riant. Mais je suis plus sélectif.»

La tendance? Les clients achètent de façon plus modérée, constate-t-il. Et ils varient ce qu'ils collectionnent. Ils ne veulent pas mettre tous leurs oeufs dans le même panier.

Photo: Bernard Brault, La Presse