Sylvain Michaud respecte les tagueurs parce qu'il est lui-même artiste et un brin contestataire, mais quand ils utilisent un français douteux, ça le dérange. Et c'est ce qu'ils ont fait sur une porte de garage située en face de son atelier. Mais aujourd'hui, les tags ont cédé la place à un zèbre noir et blanc qui fait de l'oeil aux passants.

«Quand les graffitis présentent quelque intérêt, je m'en arrange, déclare Sylvain Michaud, mais là, ce n'était que des «gros» mots.» Pour les remplacer, il a obtenu du propriétaire des lieux l'autorisation de dessiner une tête de zèbre format géant. «C'est une toile que j'avais déjà peinte, explique l'artiste, et qui me semblait appropriée pour cette porte de garage.» Non content de zébrer en long et en large, Sylvain Michaud a voulu donner de la texture à sa peinture en utilisant du mortier, qui imite le poil de la bête. Une idée d'autant plus amusante que la porte en question appartient au fourreur Adrien Lapointe.

 

Puis, juste en haut du cadre de porte, il a ajouté un garde-fou composé de 755 fleurs d'aluminium sculptées à la main. Un design allumé qui contraste avec les édifices de pierres et de briques qui sont des deux côtés.

Le tableau est original

D'ailleurs, beaucoup de gens qui descendent la rue Sainte-Claire s'arrêtent pour l'admirer. Sylvain Michaud avoue qu'il aime que l'art soit dans la rue. «C'est très différent d'une peinture qu'on accroche au mur, lance-t-il, parce que dans ce cas-ci, des tas de gens peuvent en profiter. Et l'avantage : on peut changer la thématique quand on veut.»

 

Marginal

L'artiste se dit proche des citoyens du quartier Saint-Jean-Baptiste, mais en marge des circuits artistiques conventionnels. Son atelier baptisé Underground traduit cette marginalité. Depuis qu'il est à Québec, soit une quinzaine d'années, Sylvain a exploré toutes sortes d'horizons, tant ceux des artistes de la rue que ceux des petites galeries. «Je suis un multidisciplinaire», lance-t-il. Dans son petit atelier sur Sainte-Claire, des toiles aux couleurs bigarrées côtoient des sculptures d'animaux et des objets d'utilité tels des colliers ou des calumets.

Par contre, Sylvain Michaud n'est pas du genre à suivre les modes. «J'ai mon style, dit-il. Quand on me passe une commande, je propose des choses. Si ça plaît, tant mieux, sinon, on en reste là parce que c'est trop compliqué pour moi d'interpréter la pensée des gens.»

Photo: Steve Deschênes, Le Soleil

Sylvain Michaud dans son atelier, baptisé Underground, qui traduit bien sa marginalité.

Comme d'autres, il travaille de plus en plus avec du recyclé. Des matériaux qu'il garde précieusement jusqu'à ce qu'une idée fasse son apparition. Un jour, on lui a donné un morceau de banc d'église. Du bois dans lequel il a sculpté un lynx à cause des veinures spéciales du bois, mais aussi parce qu'il y avait une symbolique là-dedans. Les animaux totémiques l'inspirent. Il a d'ailleurs appris la sculpture avec des Inuits et des Autochtones. Dans son entourage, on le surnomme «l'Indien», mais ses gènes n'y sont pour rien, dit-il, ou du moins pour ce qu'il en sait.

Collection Sports extrêmes

Parmi ses créations, il y a la collection Sports extrêmes qui marche bien. «Je voulais me démarquer, poursuit Sylvain Michaud, tout en sachant que je n'étais pas un Picasso, ni un Rembrandt. Par contre, j'avais une fascination pour les sports extrêmes, d'où l'idée de créer des toiles sur des activités qui carburent à l'adrénaline comme le saut à l'élastique [bungee], le rafting, le hicking, la luge, le rodéo et le deltaplane.» Dans ce type de conception, Sylvain marie divers matériaux - tissu, cuivre, particules de briques, de cuir, d'osier - pour donner l'impression du 3D. Mais, plus surprenant, l'artiste travaille aussi bien avec la craie, l'acrylique, l'huile, le fusain, le pastel sec que l'encre ou le crayon de bois.

Heureux de son style de vie, Sylvain Michaud n'a qu'une passion dans la vie : celle de créer. Ce qu'il s'emploie à faire 365 jours par année et même dans la rue, comme on peut le voir sur la rue Sainte-Claire.

Photo: Steve Deschênes, Le Soleil

Un lynx sculpté dans le bois d'un ancien banc d'église.