Y vivent une tisserande et un guitariste, Myrtelle Spain-Chandonnet et Jacques Chandonnet, qui la chouchoutent depuis 20 ans. Le rez-de-chaussée sert d'atelier et de boutique à la créatrice, qui profite de l'accès direct à la rue.

Y vivent une tisserande et un guitariste, Myrtelle Spain-Chandonnet et Jacques Chandonnet, qui la chouchoutent depuis 20 ans. Le rez-de-chaussée sert d'atelier et de boutique à la créatrice, qui profite de l'accès direct à la rue.

Des kimonos, des vestons, des rideaux, des nappes, des châles et des centaines de rouleaux de fil se disputent la surface de cette pièce aérée que domine un métier à tisser gigantesque. Le plancher jaune, ainsi que les laizes de soie et de tencel éclaboussent tout l'espace de leurs francs coloris rouge, bleu, vert. L'énergie circule!

Un escalier en colimaçon, si étroit qu'aucun meuble n'y passe, conduit au niveau inférieur. C'est le rez-de-jardin, occupé par la cuisine et la salle familiale, aux murs de pierre épais comme des dictionnaires et aux poutres telles des troncs d'arbre. On dirait une grotte.

La cuisine révèle la modernité des années 1980, avec sa mélamine blanche sur laquelle se répercute la lumière crue des néons. Un bloc de boucher est adossé aux pierres, des chaudrons et des ustensiles pendent dans l'anarchie, des cruches trapues gardent aux sec le riz et la farine.

Le jardin campagnard est un véritable havre de paix.

On a envie de marquer une pause ici. Mais l'été, le bonheur est ailleurs, de l'autre côté de la porte basse qui mène au jardin. Et quel jardin! «À moitié sauvage, à moitié civilisé», résume M. Chandonnet, qui l'entretient.

Les fougères, les cerisiers et les pervenches s'accommodent de cet éden ombragé réparti sur trois niveaux. Ce relief inhabituel impose sa loi. La falaise de galets fait un mur qui l'isole de la rue. Une pergola se dresse sous la vigne qui s'accroche aux poutres de 16 pieds de longueur. La reproduction d'une laiterie sur pilotis de 1750 sert de cabanon. Le fleuve se laisse admirer à travers la végétation.

Près de la porte, un four à pain. «L'été, on en cuit une centaine par semaine, mentionne Myrtelle. C'est censé être notre réserve pour l'hiver. Mais on en vend, par la force des choses.» Par la force de l'arôme, devrait-elle dire.

Violons d'Ingres

Ces gens sont incroyables. Tout occupés qu'ils sont par leur métier respectif, ils ont des violons d'Ingres qu'ils mettent au service de leur maison. Le professeur de guitare est aussi maçon, peintre, ébéniste. La tisserande enseigne la cuisine et se mêle des rénovations et de la décoration. Elle est aussi une hôtesse charmante.

La chambre bleue arbore un couvre-lit thaïlandais.

Les chambres, à l'étage, sont les témoins les plus vibrants de l'audace de ce couple. Sous les mains habiles de monsieur, les murs de plâtre ont acquis une patine vieillotte, au terme d'une alchimie complexe. Chacune a sa couleur : bleu, vert, jaune. Et chacune a des portes de placard au faux-fini remarquable, réalisé par l'adroit maître de céans.

Des couvre-lits asiatiques bigarrés achèvent de nous éblouir. Mariés aux meubles anciens, ils composent un décor riche et éminemment personnel.

Chaque chambre a son lavabo.

Dans la salle de bains, des oiseaux bleus volettent sur l'émail de l'évier mexicain. «J'ai trouvé la céramique assortie deux ans plus tard, dans un magasin de Québec», s'enthousiasme encore Myrtelle.

Ils ont eu le coup de foudre pour cette maison de Neuville il y a 20 ans. C'est encore l'amour fou! Mais l'amour c'est de l'ouvrage, pourraient-ils entonner en duo.