L'homme est musicien. Entre la salle à manger et le salon, un piano à queue lui tient lieu de compagnon. Ses voisins de copropriété, rue Hamel, sont ravis lorsqu'il répète. Sa famille et ses amis accumulent les soirées de félicité passées autour de cet instrument rassembleur.

L'homme est musicien. Entre la salle à manger et le salon, un piano à queue lui tient lieu de compagnon. Ses voisins de copropriété, rue Hamel, sont ravis lorsqu'il répète. Sa famille et ses amis accumulent les soirées de félicité passées autour de cet instrument rassembleur.

Sa porte est toujours ouverte. ll en prête la clé quand il s'absente, sans se formaliser d'une assiette cassée ou d'un verre mal rangé. «Il faut vivre», chanterait Reggiani.

Il accumule la belle vaisselle et l'argenterie dans deux armoires aux vitres biseautées. Éclairées de l'intérieur, magnifiées par un environnement de pierres centenaires, elles laissent voir leurs parois, du même rouge profond que les murs et le plafond.

Splendeur

Entre la salle à manger et le salon, un piano à queue tient lieu de compagnon au musicien.

L'homme aime bien coter ses repas entre 1 et 10, en fonction de leur degré d'apparat. Quand il choisit une nappe de lin brodée, un cristal de Waterford, une assiette Rosenthal et un sous-plat en argent, pour une tablée de 12 ou pour un tête-à-tête avec un bon livre, il s'accorde une note élevée, peu importe le menu. Le Soleil lui décerne un 10 pour les roses jaunes et les tulipes perroquets, pour les flammes d'avril dans la cheminée et pour l'ambiance vieille Angleterre créée par le subtil éclairage des lampes, des lampions et des luminaires camouflés derrière les corniches.

La maison dans laquelle vit depuis 10 ans ce musicien aux manières de dandy date de 1868. Au rez-de-chaussée, le plafond de 11 pieds de hauteur lui donne de la splendeur. De larges moulures blanches se détachent sur le rouge vif des murs. Encadrant le foyer, deux bibliothèques croulent sous les livres aux reliures de cuir. Les tableaux, les horloges, les oeuvres brodées aux petits points, la théière transformée en lampe, le rafraîchissoir dans lequel reposent les copeaux de bois, le vieux bol devenu porte-journaux, les meubles antiques: chacun raconte l'histoire d'un voyage, d'un legs familial, d'un don amical, d'un coup de coeur.

La chambre, située au sous-sol.

L'homme dort au sous-sol, dans une grande pièce avec un mur de pierre, aussi richement parée que le rez-de-chaussée. Des oeuvres de Marcelle Dubé, de Suzanne Guité, de Lauréat Marois et de P.F. Redouté garnissent ses murs. Le linge de lit, immaculé, la grande tapisserie inspirée de La Dame à la licorne, les meubles en acajou et les profondes fenêtres aux persiennes ouvertes composent un havre paisible, sans âge.

La salle de bains, attenante, prend des perspectives déroutantes, par le jeu des miroirs et des blocs de verre qui appellent la lumière. Les pieds foulent le marbre, pendant que les yeux errent sur cet espace aux doux tons de gris et de vert clair.

Rien ne subsiste de l'ancienne maison de chambres qui a pour voisins les Jardins de l'Hôtel-Dieu. À l'arrière, le haut mur de pierre forme une enceinte qui devient une pièce ombragée, l'été venu. Le collectionneur de belles choses ne met pas en veilleuse cet art de vivre qu'il entretient comme une vieille maîtresse. Sous le ciel estival, les serviettes monogrammées, les vases Murano, les tasses bordées d'or et les lampes anglaises sont une invite au farniente et aux soirées sans télé.