Arroser, désherber ou biner à la pause déjeuner. Organiser une réunion entre pieds de tomates ou framboisiers: de plus en plus d'entreprises choisissent d'introduire la nature sur le lieu de travail en transformant une terrasse ou une friche inutile en jardin pour les salariés.

«Le jardin d'entreprise a longtemps été très limité, quelques plantes exotiques dans un bac tout au plus, sans vraiment de sens. Aujourd'hui, il doit être à la fois esthétique et utile, un espace à vivre autant qu'une réponse aux enjeux environnementaux» explique à l'AFP Pierre Darmet, responsable marketing aux Jardins de Gally.

Spécialisée dans l'aménagement paysager destiné aux espaces publics, cette société présentera au Salon «Jardins jardin» (aux Tuileries, à Paris, du 5 au 9 juin) un «bureau fertile», exercice de style où espace de travail et espace vert ne font plus qu'un.

Venus des États-Unis où ils ont fleuri dans la plupart des grandes entreprises, les «corporate gardens» essaiment depuis quelques années en France où les entreprises y voient un moyen de valoriser des espaces urbains à moindre coût, ainsi qu'un outil de bien-être au travail. 20% des espaces verts périurbains sont des jardins d'entreprise, selon Xavier Laureau, fondateur de «Jardins jardin».

«Le bien-être est difficile à mesurer, mais des enquêtes de satisfaction menées auprès de salariés indiquent que la présence d'un environnement naturel leur apporte une tranquillité au travail», assure Pierre Darmet.

Une étude américaine de 2011 menée notamment par l'université de l'Oregon (The economics of biophilia) montre qu'un environnement de travail connecté à la nature améliore la performance du salarié et qu'il réduit jusqu'à 10% l'absentéisme.

Du toit-terrasse végétalisé et aménagé en espace de détente à la friche industrielle de plusieurs milliers de mètres carrés affectée à un usage agricole, les formules choisies par les entreprises varient selon leur taille, l'espace dont elles disposent ou l'engagement du personnel.

Picorer à l'heure du déjeuner

Pour le siège social d'une entreprise d'aménagement de bureaux situé à Orgeval (Yvelines), les Jardins de Gally ont conçu un projet global qui prévoit l'ensemencement d'une prairie avec des plantes du cru, l'installation de trois ruches et d'un «hôtel à insectes».

«En installant une ruche, on entraîne forcément un changement des méthodes d'entretien qui doivent être respectueuses de l'environnement. Avec les abeilles, plus question d'utiliser des pesticides», affirme Pierre Darmet.

Dans ce cas de figure, l'entretien écologique est assuré par des professionnels, jardiniers ou apiculteurs, qui proposent également aux salariés des ateliers pédagogiques et des conférences sur les insectes pollinisateurs sauvages, les ruches ou la taille raisonnée des arbustes.

D'autres entreprises ont fait le choix d'impliquer davantage leurs salariés en les incitant à consacrer une partie de leur temps de pause à cultiver un potager collectif.

C'est le cas de la Cité de l'architecture et du patrimoine à Paris, où une dizaine d'employés (sur une centaine) veille sur une cinquantaine de mètres carrés de tomates, aubergines, groseilles et autres plantes aromatiques perchées sur le toit du Palais de Chaillot, face à la Tour Eiffel.

«Nous avons privilégié les fruits ou légumes que l'on pouvait picorer facilement à l'heure du déjeuner», explique à l'AFP Matthias Thulard, bibliothécaire et membre actif du groupe des jardiniers amateurs.

Le principe est simple: les participants jardinent sur leur temps libre, les plantations sont issues de l'agriculture biologique, l'entretien se fait avec des produits naturels et la récolte est partagée entre les participants et consommée sur place de préférence.

À Toulouse, les responsables d'une clinique du centre-ville ont eux aussi décidé d'aménager un jardin potager sur un espace de 500 mètres carrés situé sur le toit.

L'entretien sera assuré par des travailleurs handicapés d'un centre d'aide par le travail qui vont s'occuper de faire pousser des légumes destinés au restaurant d'entreprise du personnel de la clinique.

«L'objectif n'est pas d'arriver à l'autosuffisance avec les plantations, mais plutôt de cultiver des variétés oubliées, de produire des légumes qui ont du goût et donner l'occasion à des employés de se détendre à leurs moments de pose», souligne Cédric Jules, cofondateur de la société Macadam Gardens choisie pour ce projet.