Pour plusieurs, le temps des cerises est déjà terminé, surtout si vous habitez dans la région de Montréal et que vous cultivez le fameux «Montmorency» aux fruits aigres-doux, plus aigres que doux, devrait-on dire. Dans ce cas, la cueillette a lieu la première ou deuxième semaine de juillet, à moins que les merles, les étourneaux, les geais bleus et autres cueilleurs emplumés n'aient fait le travail à votre place.

Par contre, les nouveaux cultivars de l'Université de la Saskatchewan et plusieurs autres hybrides comme le «Evans», produisent un peu plus tard. Cela est d'autant plus vrai si vous demeurez dans la périphérie de la grande région métropolitaine. Dans le village de Charrette, non loin de Shawinigan, en Mauricie, à la seule cerisaie commerciale au Québec, Le temps des cerises, un verger de griottes, l'autocueillette devrait commencer dans les prochains jours. Consultez le site internet (www.letempsdescerises.ca) pour vous rendre au bon moment. Car les petits fruits s'envolent à grande vitesse.

Je vous ai parlé de cette cerisaie en août 2007, quelques jours avant que le verger n'ouvre ses portes pour la première fois au public. L'engouement avait dépassé toutes les espérances. Plus de 10 000 personnes s'étaient alors rendues sur les lieux, congestionnant les routes locales. En trois jours, tous les fruits avaient été cueillis.

Malheureusement, le producteur a été secoué par le mauvais sort l'année suivante.

La cerisaie a perdu la majorité de ses fruits en raison d'une maladie. Puis en 2009, un gel tardif a détruit toutes ses fleurs. Heureusement, l'an dernier, la récolte s'est bien déroulée. On a dû cependant couper et arracher 2000 cerisiers matures «Evans» après avoir constaté qu'ils étaient atteints d'une maladie fongique. Comme quoi l'agriculture est un défi quotidien, surtout quand il s'agit d'une production nouvelle.

Cette saison, la récolte s'annonce très bonne, notamment parce que plusieurs nouveaux cultivars sont en production pour la première fois. Pour les amateurs de cerises comme pour les jardiniers qui seraient intéressés à planter ces nouveaux hybrides chez eux, l'occasion est belle de goûter ces griottes qui sont, dit-on, presque aussi sucrées que les cerises douces, les «cerises de France» vendues dans les fruiteries et épiceries.

Des griottes plus sucrées

Il faut rappeler que nos fameuses «cerises de France» toutes produites d'ailleurs aux États-Unis, en Colombie-Britannique et en Ontario, donnent rarement des fruits chez nous, même si les plants résistent parfois à l'hiver. Le Québec et la plus grande partie du Canada est une terre à griottes, ces cerises qui ont un goût plus ou moins acidulé selon leur stade de maturité. Même si la chose est méconnue, ce sont des griottes que vous utilisez en cuisine. Et quand vous dégustez un dessert à base de cerises, c'est presque toujours de griottes dont il s'agit.

Depuis les années 90, l'Université de Saskatchewan a créé plusieurs cultivars dont le taux de sucre est presque aussi élevé que celui des cerises douces. La plus prometteuse, «Crimson Passion» est deux fois plus sucrée que la «Montmorency», que vous avez probablement goûtée si vous avez déjà mangé des cerises locales. (Je ne parle pas évidemment des petites cerises à grappes dont l'amertume est extrêmement élevée). Ces nouvelles variétés portent le nom de «Valentine», «Romeo», «Juliet», «Cupid» (pour Cupidon). Elles sont rustiques en zone 2, donc très résistantes au froid et atteignent de 2 à 3 m, ce qui facilite la récolte. Les fruits sont souvent rouge foncé. Théoriquement, ces cerisiers peuvent produire une dizaine de kilos de fruits à maturité, vers l'âge de 7 ans. Autre caractéristique intéressante, ils sont autoféconds. Pas besoin donc d'en planter plus d'un pour obtenir une récolte intéressante.

Même s'ils sont offerts un peu partout dans les centres de jardin, le hic, c'est que personne ou presque n'a pu y goûter. Tout simplement parce les plants ne sont pas encore en état de produire. Mon «Roméo» a déjà quelques cerises mais les merles et plusieurs de ses congénères les ont dévorées en dépit de mes précautions. Les assiettes d'aluminium et sacs en plastique attachés aux branches n'ont pas eu l'effet attendu. Déjà, ils m'ont volé la plus grande partie des fruits de mon «Montmorency».

Par ailleurs, ceux qui ont eu la chance de goûter aux fruits nouveaux, notamment les experts qui sont allés en Saskatchewan, ne tarissent pas d'éloges à leur endroit tout en précisant que la cerise conserve ce petit goût aigrelet malgré son taux élevé de sucre.

Normalement, la cueillette des cultivars de la Saskatchewan s'échelonne sur trois semaines, mais si on plante plusieurs variétés on pourra obtenir une récolte à partir de la fin juillet ou début d'août pour «Crimson Passion» «Valentine»; de la mi-août pour «Roméo» et «Juliet», puis de la fin août pour «Cupid», le cultivar qui produit les plus gros fruits.

En plus de visiter le centre d'interprétation (frais de 5$ pour une visite guidée, 8$ avec dégustation), vous pourrez acheter au Temps des cerises les nouveaux cultivars à 10$ pièce, des petits plants de 30 cm qui mettront un certain nombre d'années avant de produire. Ceux que vous trouverez en pépinière sont plus âgés et plus coûteux évidemment, car ils produiront plus rapidement.

Le propriétaire de la cerisaie, Gilles Beaulieu offre aussi un gadget végétal, un bébé cerisier en éprouvette de 3 cm de longueur, frais sorti du laboratoire, que vous pourrez planter au jardin au moment opportun.

Photo: Le Temps des cerises

À l'exemple des autres cultivars de la Saskatchewan, le cerisier «Cupid» produit des fruits à la peau très foncée.

Photo: Le Temps des cerises

Le temps des cerises est le seul endroit au Québec où on pratique l'autocueillette de griottes.