Chaque fois que j'aborde le sujet avec ma tendre moitié, la conversation se termine toujours abruptement : «Si jamais ces bibittes envahissent nos platebandes, je démissionne comme jardinière.»

Espérons que le scarabée du rosier et le scarabée japonais épargneront notre jardin. La situation décrite par des lecteurs aux prises avec des infestations est tellement décourageante qu'elle peut inciter à remiser pour de bon pelles et râteaux.

J'ignorais qu'une seule bibitte pouvait mettre en péril la vie de couple ou même, menacer la carrière d'un chroniqueur horticole.

Le pire, c'est qu'une fois la bestiole installée chez vous, il n'y a pas grand-chose à faire. Plantes défoliées, boutons floraux percés, fleurs détruites, fruits massacrés ou dévorés, tels sont les ravages de l'ouragan scarabée. Un jardin des horreurs. La bataille semble parfois futile devant les effectifs innombrables de l'ennemi qui attaque souvent en essaim. La seule consolation, c'est que les plantes survivent généralement à leur douloureuse expérience.

Lise et Claude Sarrazin, qui habitent près de Magog, font partie des victimes. « Nous sommes infestés depuis quatre ans par le scarabée du rosier. Nous avons tout essayé, du moins à notre connaissance, écrivent-ils. Eau savonneuse, produits commerciaux, piège à phéromone, élimination à la main. Rien ne semble y faire et la population croît d'année en année. L'an dernier, nous en avons éliminé pas moins de 16 400 en sept semaines, tous capturés à la main, un par un. Cette année, au cours des deux premières semaines de chasse, nous en avons capturé 23 640. En 2010, nous avons essayé les pièges à phéromone. Même s'ils étaient installés aux bons endroits, la récolte ne dépassait guère les six ou sept insectes par jour. Durant la même période, nous pouvions en capturer des centaines à la main. Nous avons besoin de vos lumières pour nous aider ! »

Un régime polyvalent

La situation est d'autant plus éprouvante que le scarabée du rosier a un régime alimentaire infiniment plus varié que ne l'indique son nom. Chez les Sarrazin, ils ont dévoré des fougères, pivoines, impatientes, saules, valérianes, roses trémières, lilas, chênes, vignes à raisins (une des ses plantes préférées), cerisiers, mûriers, pruniers, pommiers, framboisiers, sureau... On sait aussi qu'ils dévorent allègrement les hortensias, iris, vignes vierges, ormes, aubépines et même les pins. Mais parfois, ils se contentent de manger deux ou trois espèces de plantes, négligeant les autres tout autour de leur garde-manger.

Originaire de l'est de l'Amérique du Nord (il existe en Europe une espèce distincte qui répond au même nom), le scarabée du rosier, de couleur brunâtre, mesure environ 1,25 cm. Il émerge du sol à la fin mai ou au début juin et préfère les sols sablonneux. Le pic de l'éclosion semble survenir au moment où les lilas japonais sont en fleurs. D'ailleurs, les bêtes semblent être attirées par les fleurs blanches où elles se réunissent parfois en grand nombre, sans les endommager dans certains cas. Contrairement au cousin, le hanneton japonais qui sévit en juillet et en août, le scarabée ne cause pas de dommages aux racines des plantes ornementales, mais plutôt à celles des mauvaises herbes. La longévité d'un adulte est de quatre à six semaines. Les ravages sont souvent spectaculaires car ils ne laissent souvent que la nervure des feuilles attaquées.

Comment combattre la bête ?

Hélas, mes lumières, comme vous dites, n'auront pas beaucoup d'intensité dans ce cas, d'autant plus que vous avez déjà une grande expérience de vie commune avec la bête. Le Réseau d'avertissement phytosanitaire recommande des produits à base de pyréthrine, de roténone ou encore de perméthrine. En cas d'invasion, les traitements doivent être faits aux quatre jours jusqu'au moment où l'insecte est complètement éliminé. Il faut rappeler toutefois que la bête vole très bien. On peut obtenir le nom des produits autorisés au Québec en consultant la liste des pesticides à usage domestique (classe 5) du ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs. La liste compte des centaines de produits, mais attardez-vous sur ceux dont la composition chimique vous intéresse. Une solution concentrée est toujours, au bout du compte, beaucoup moins coûteuse qu'un produit dilué. Évidemment, votre centre de jardin peut vous être fort utile pour faire le bon choix.

Les pièges à phéromones ne donnent souvent pas les résultats escomptés car ils attirent habituellement plus d'insectes qu'ils n'en capturent. Mais plusieurs y trouvent néanmoins satisfaction. Quant aux méthodes préventives, elles peuvent s'avérer efficaces sur de petites surfaces. On recommande de bécher le sol autour des plantes pour exposer les larves, d'éliminer les mauvaises herbes du jardin, de recouvrir les plants avec un tissu fin, genre coton fromage, pour éviter que la bestiole n'ait accès aux végétaux. Mais si le terrain est grand et que les voisins ne participent pas à votre guerre, c'est souvent peine perdue.

Pour ceux qui sont patients, il y a tout de même une lueur d'espoir. Habituellement, quand il y a explosion d'une population d'insectes sur un territoire donné, les mécanismes de régulation se mettent en branle. L'apparition de maladie ou de parasites, par exemple, fait alors baisser considérablement leur nombre.

Un dernier mot : le scarabée et la volaille, notamment les poules domestiques, ne font pas bon ménage. L'insecte contient une substance toxique qui pourrait leur être mortelle. Pas question donc de leur offrir un beau plat de scarabées tout frais capturés avec un aspirateur manuel.