J'ai remarqué mes premières gentianes lors de mes cueillettes de champignons sauvages en août. À cette époque, j'ignorais leur nom, mais déjà leur allure me fascinait.

D'une trentaine de centimètres de hauteur, elles poussaient dans des lieux plutôt humides, leurs fleurs qui émergeaient de l'aisselle des feuilles étaient d'un bleu intense. Mais le plus étonnant, c'est qu'elles semblaient fermées.

Le frère Marie-Victorin nous apprend d'ailleurs que cette espèce qui répond au nom de Gentiane d'Andrews (Gentiana andrewsii) entrouvre ses fleurs en plein soleil seulement et pour une courte durée, le temps que les bourdons s'y introduisent et permettent la fécondation.

On compte une quinzaine d'espèces de gentianes indigènes au Québec. Celle d'Andrews est l'une des rares qui peuvent se trouver en pépinière, car elle est produite par Horticulture Indigo, grossiste réputé. Par contre, plusieurs autres gentianes sont aussi vendues par certaines maisons plus spécialisées comme les Jardins Michel Corbeil, à Saint-Eustache (de loin le plus grand choix), la Pépinière Villeneuve, à l'Assomption, ou encore au comptoir postal Enfin des fleurs, de Boucherville, trois entreprises qui seront présentes au Rendez-vous horticole du Jardin botanique.

Bon nombre de ces gentianes sont de petite taille, parfois même rampantes, comme la gentiane acaule qui fleurit en juin ou encore la gentiane de Chine (G. sino-ornata) et la gentiane d'été (G. septemfida) qui se manifestent plutôt vers la fin du mois d'août. D'autres comme la gentiane «True Blue» s'épanouissent encore plus tardivement, même en octobre si le plant est trop à l'ombre, comme chez moi. Le cas de «True Blue» est intéressant. Son feuillage tourne au pourpre en automne et même s'il gèle à quelques reprises, en novembre par exemple, les fleurs conservent leur tonus. Toutes ces gentianes ont une caractéristique commune: les fleurs sont d'un bleu divin.

En dépit de leur coloris et de leur floraison qui s'étend facilement sur trois semaines et parfois plus, les gentianes restent encore des plantes peu utilisées au jardin. Comme c'est souvent le cas pour les espèces à floraison tardive, elles ne sont pas encore en fleurs à la mi-mai quand la fièvre du printemps atteint son apogée dans les centres de jardin. Elles ne peuvent donc rivaliser avec les vedettes du jour qui exposent leurs belles couleurs. C'est d'autant plus triste, à mon avis, qu'il a été démontré que plus de 60% des achats dans les centres de jardin sont compulsifs. Il faut dire aussi que de nombreuses jardineries et pépinières ne se donnent pas la peine de présenter des photos des plantes qui fleuriront plus tard en saison.

Éliminer les mauvaises herbes

Le terme gentiane rappelle le roi Gentius d'Illyrie (aujourd'hui le sud de la Bosnie Herzégovine) qui aurait découvert au cours de son règne (autour de 150 avant Jésus-Christ) les propriétés médicales de la racine de la gentiane jaune (Gentiana lutea) qui sert encore aujourd'hui à de multiples usages, autant dans l'industrie cosmétique que pharmaceutique et la médecine traditionnelle. On en fait aussi une liqueur.

La majorité des gentianes sont des plantes alpines, rappelle par ailleurs René Giguère, responsable du Jardin alpin depuis près de 20 ans au Jardin botanique de Montréal. Aussi conviennent-elles particulièrement aux rocailles, en position mi-ombragée dans un sol bien drainé, si possible en association avec de gros cailloux. «Ces plantes craignent les grandes chaleurs. Il est toujours préférable de les planter à l'ombre d'une pierre, côté nord, explique l'horticulteur. La plante étendra progressivement son système racinaire sous la pierre, ce qui lui permettra souvent de survivre aux températures et au soleil trop intenses. Ces plantes n'ont pas besoin de fertilisation, mais elles détestent la compagnie des mauvaises herbes.»

Il est possible aussi d'obtenir des gentianes à partir de semis. Il faudra cependant être patient, la première floraison exigeant habituellement trois ans d'attente. Le catalogue postal Garden North (www.gardensnorth.com) en offre six espèces. Par ailleurs, on peut acheter des plants par la poste auprès de la pépinière de plantes alpines Wrightman, en Ontario. La maison en tient une vingtaine d'espèces et cultivars.

Un dernier mot: il vous sera aussi possible de vous procurer des plants en fin de semaine prochaine, au Jardin botanique, en vous rendant au stand de la Société des plantes alpines du Québec.